La hausse du cout des médicaments au cours des années a eu un impact direct sur la capacité de certains groupes de travailleurs à s’offrir un régime collectif d’assurance médicaments et sur la couverture qu’ils sont capables de s’offrir.

Le poids des régimes collectifs est devenu tellement élevé dans la masse salariale des employeurs et la paie des employés, dit le président de la FTQ, Daniel Boyer, qu’on diminue les protections et on augmente les franchises et les coassurances. La prime familiale payée pour l’assurance médicaments pèse de manière tellement lourde sur des bas salariés ou le personnel à temps partiel qu’elle amène des gens à quitter leur emploi parce qu’elle est trop couteuse ou que les gens sont incapables de la payer, dit le leader syndical.

Des groupes d’employés abandonnent aussi leur régime collectif, car c’est la seule façon pour eux d’avoir accès au régime public d’assurance médicaments. Mais en faisant ce choix, ils doivent parfois renoncer aux autres dispositions de leur couverture d’assurance, assurance salaire, assurance-vie, soins dentaires, traitements divers et autres bénéfices, ce qui fait dire aux syndicats que le régime hybride québécois menace plusieurs protections sociales.

En outre, les organisations déplorent les nombreuses inégalités du régime mixte en place au Québec. Les cotisations exigées, le montant des franchises et la liste des médicaments couverts diffèrent d’un régime à l’autre et d’une entreprise à l’autre, ce qui résulte en de grandes iniquités entre individus et entre groupes dans l’accès aux médicaments.

À l’encontre de la logique assurantielle

Le régime hybride québécois va complètement à l’encontre de la logique assurantielle, prétend l’Union des consommateurs. Selon elle, les régimes privés couvrent les assurés qui sont considérés comme des « bons risques », soit les personnes en emploi et qui, généralement, sont en meilleure santé. La majorité des sans-emplois ou à la retraite et qui ont tendance à consommer davantage de médicaments sont assurés par le régime public. « Des couts supplémentaires incombent donc au gouvernement alors que les compagnies d’assurance engrangent les profits », déplore l’association.

« Pour ces raisons, le régime canadien d’assurance médicaments être résolument universel », soutient la vice-présidente de la CSN, Caroline Senneville. Ni cette centrale ni la FTQ n’ont pu chiffrer en entrevue au Journal de l’assurance le cout d’un régime public universel qui couvrirait toute la population québécoise. Au chapitre du financement, ils insistent toutefois sur le fait que les montants actuellement payés par les employeurs et les travailleurs seraient versés dans le futur régime public universel. S’ajouterait la contribution financière du gouvernement fédéral quand il ira de l’avant avec un régime pour tout le Canada.

Même si Ottawa met en place un régime national, l’ex-ministre de la Santé Yves Bolduc et les centrales syndicales tiennent le même discours, le Québec conserverait son régime public actuel, y injecterait sa part provenant du fédéral et continuerait à déterminer sa propre couverture de médicaments. Pas question pour eux d’un régime canadien one size fits all pour toutes les provinces et auquel le Québec serait soumis.

Une fois le régime public universel en place au Québec, Daniel Boyer suggère une certaine progressivité dans le prix payé au comptoir pour les médicaments par les consommateurs en vertu des revenus des assurés. Les moins nantis paieraient moins et les mieux nantis davantage, soit par l’impôt, une franchise ou une coassurance.

Oui à un régime complémentaire privé

Même s’il milite pour un régime d’assurance médicaments public et universel, le président de la FTQ demeure ouvert au maintien de régimes complémentaires privés pour ceux qui ont les moyens de le faire.

« Ça nous prend un régime de base qui va couvrir l’ensemble des Québécoises et des Québécois, a-t-il commenté. Il y a des lieux de travail qui ont des Cadillac en matière d’assurance collective et qui ne trouveraient pas leur compte dans un régime public. S’ils le veulent, ils pourront ajouter une assurance complémentaire privée. On n’exclut pas cela, bien au contraire. Il y a des milieux qui pourraient s’offrir des parties de médicaments qui ne sont pas couvertes par le régime public ».

Le président de la FTQ dit ne pas trouver paradoxal de critiquer le modèle hybride québécois et de militer pour la création d’un régime public universel qui offre une couverture de base pour toute la société, y compris les travailleurs, tout en gardant la porte ouverte à des régimes additionnels offerts par les assureurs privés offrant une plus grande couverture de médicaments pour ceux qui peuvent ou veulent se les offrir.

D’autres critiques de consommateurs

Voici quelques-unes des principales critiques de l’Union des consommateurs à l’endroit des régimes privés d’assurance collective en matière de médicaments :

• La prime est fixée en fonction du risque représenté par l’état de santé de l’ensemble des employés d’un même milieu, ce qui est problématique là où un petit nombre de personnes sont atteintes de maladies chroniques ou de maladies rares couteuses qui font monter les primes.

• Aucune catégorie d’assurés ne bénéficie de la gratuité des médicaments, pas même les enfants mineurs, contrairement au régime public.

• Une taxe de vente de 9 % est appliquée sur les primes d’assurance collective et les employés paient des impôts sur la contribution de leur employeur au régime d’assurance collective.

• Les honoraires des pharmaciens sont réglementés pour la portion publique du régime, mais pas dans les régimes privés. Résultat, ils sont en moyenne de 16 $ selon une compilation effectuée auprès de membres de l’Union, contre 8,40 $ habituellement pour ceux du régime public.

• Deux personnes qui entrent dans la même pharmacie du Québec avec la même prescription vont ressortir avec deux factures très différentes si l’une est assurée au public et l’autre avec l’un des régimes privés, ce que l’Union juge inacceptable.

• Entre 2008 et 2016, les couts des régimes privés d’assurance médicaments ont crû de 23 % de plus que ceux du régime public québécois.

• Le directeur parlementaire du budget fédéral a affirmé dans un rapport que la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments pourrait donner lieu à des économies supplémentaires grâce à la réduction des dépenses d’administration découlant de l’élimination des régimes privés.


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Le cout des médicaments