La COVID-19 fait plonger les marchés, mais la pire réaction de l’investisseur serait d’en sortir pour se protéger et manquer des occasions de bonifier son rendement, disent des conseillers et des gestionnaires… dont plusieurs agissent en situation de confinement.

Deux bonnes raisons de demeurer investis : peu de crises ont empêché les investisseurs de se refaire en un an ; manquer des journées de bons rendements en retirant ses billes peut dévaster le rendement à long terme. Ce sont l’essence des arguments de gestionnaires et de conseillers à leurs clients.

Dans un bulletin spécial adressé aux investisseurs dans la semaine du 16 mars 2020, le cabinet de fonds communs Expertiz Gestion de patrimoine relaie ce message formulé entre autres par Fidelity Investments Canada : « À long terme, tenter de deviner la direction des marchés s’avère plus couteux que de préserver son placement. »

Dans un autre bulletin, celui de Partenaires-Conseils Groupe financier, le président-fondateur du cabinet, Dominic Paquette, dit comprendre l’inquiétude de ses clients et affiche sa disponibilité et celle de son équipe à leur répondre. Le cabinet dit s’activer à protéger les positions de ses clients et aussi à se positionner pour une reprise éventuelle, tout comme les gestionnaires avec lesquels il transige. « Personne ne peut dire ou prédire quand elle aura lieu, mais elle aura lieu. Présentement il faut sans doute penser et agir à long terme. Et à court terme, rester à la maison et prendre soin des nôtres », recommande M. Paquette.

Des rendements coupés de moitié

Des données de Bloomberg partagé par Partenaires-Conseils insistent sur l’importance de conserver toutes ses billes dans le marché, même en temps de crise. Un investisseur agissant comme tel aurait obtenu un rendement de 7,32 % entre 1998 et 2018, selon l’indice du marché américain S&P 500. À l’autre extrême, celui qui aurait manqué les 60 meilleurs jours de cette période de 20 ans aurait essuyé un rendement de -4,98 %. Pour un investissement de 100 000 $ en 1998, cela revient à récolter à terme 410 821 $ au lieu de 35 971 $.

Le cabinet Expertiz a partagé des données semblables de la firme d’intelligence financière Refinitiv, illustrant la valeur marchande d’un placement de 10 000 $ investi depuis le 1er janvier 1986, au moment du 31 décembre 2019. « Un investisseur qui aurait manqué les 10 meilleures journées boursières des 32 dernières années verrait son portefeuille afficher une valeur marchande de 50 % inférieure à celle d’un autre qui serait resté investi en tout temps », commente Expertiz.

La leçon s’applique tout autant à la crise de la COVID-19, estime Expertiz. Depuis les trois dernières semaines, malgré un marché baissier dans l’ensemble, l’indice américain S&P 500 a connu une hausse de 4,32 % le 2 mars 2020, de 4,68 % le 4 mars 2020, de 6,85 % le 10 mars 2020 et de 10,24 % le 13 mars 2020, rapporte son bulletin. « Tel que démontré dans le graphique ci-haut, un client qui investit à long terme et qui manque ces 4 journées boursières se retrouve avec un résultat complètement différent que celui qui y reste investit », signale-t-il.

Les émotions des autres rapportent

Souvent, quand les marchés sont aussi émotifs, cela crée des opportunités de placement très intéressantes, commente le bulletin à l’endroit d’un deuxième graphique, cette fois de Morningstar. Le graphique répertorie les principales crises des trois décennies précédentes, et montre comment s’en tire un portefeuille également réparti entre actions et obligations, selon le nombre d’années. « Ce graphique démontre que la majorité du temps, suite à une crise boursière, les investisseurs rentrent dans leur argent au cours de l’année qui suit », ajoute Expertiz.

Ne cherchez pas d’excuses

Commentant des données de Fidelity et de Refinitiv, Expertiz souligne qu’à long terme, les marchés finissent toujours par avoir une trajectoire ascendante régulière, malgré les mauvaises nouvelles.

« Chaque année, il y a une toujours une raison de ne pas investir. Cependant, un investisseur qui aurait investi 100 000 $ en 1960 et qui aurait fait abstraction de toutes ces raisons aurait une valeur marchande de près de 32 millions de dollars, en date du 31 décembre 2019 », commente Expertiz. Un document connexe de Fidelity que cite le cabinet rappelle entre autres raisons les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine en 2019, le Brexit en 2016 et les attentats de Paris en 2015.

Le futur : un inconnu

Fidelity Investments estime impossible de prédire à quelle vitesse l’économie et les marchés récupèreront des effets de la pandémie. L’économie demeure dans une phase tardive de son cycle, mais les bénéfices des entreprises ralentissent, dit le manufacturier de fonds dans un document publié sur son site. Directeur des stratégies mondiales macroéconomiques (Global Macro) de Fidelity Investments, Jurrien Timmer y ajoute sa perspective.

« J’ai toujours cru que les marchés escomptent le futur connu, mais que le futur n’est pas toujours connu. Au début de 2019, les marchés se sont fortement ralliés à l’anticipation d’une reprise des bénéfices et de l’économie en 2020. Ils se fondaient sur l’hypothèse que les bénéfices atteignent un plancher au quatrième trimestre 2019 et rebondissent en 2020. Ce ne sera clairement pas le cas depuis que le virus s’est propagé mondialement », lance le spécialiste en répartition mondiale d’actifs, axée sur des stratégies macroéconomiques.

Pas de croissance avant l’été

M. Timmer prévient que plusieurs grandes entreprises ont estimé des bénéfices à la baisse pour cette année. « Il est possible que les bénéfices ne touchent pas le fond avant le deuxième ou le troisième trimestre cette année, et qu’ils soient plus bas que prévu », dit-il.

Avant de parler de récession, le gestionnaire invite les investisseurs à se méfier des parallèles avec la crise de 2008. Celle-ci n’était pas selon lui une récession mais plutôt une crise financière, une tempête parfaite. « De courtes périodes de décroissance ne deviennent pas nécessairement un gros problème pour les marchés. Historiquement, les gains enregistrés par les marchés pendant une expansion économique ont de loin surpassé les pertes subies durant une récession », rassure-t-il.

Gestionnaire à domicile cherche occasion

Les gestionnaires de fonds n’échappent pas aux consignes de confinement, mais leurs clients qui ont choisi de rester investis peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Depuis son domicile, Ashley Misquitta profite des émotions négatives qu’engendre sur les marchés la COVID-19 pour bonifier les rendements de ses clients. Sur un blogue de son employeur, le gestionnaire principal de portefeuille de Placements Empire Vie explique trouver des occasions de placements dans les transactions désordonnées suscitées par la pandémie.

M. Misquitta est gestionnaire principal du Fonds de valeur américaine et du Fonds mondial de dividendes d’Empire Vie, et participe également à la gestion d’autres fonds. Il en fait aujourd’hui une mission sociale : « Nous collaborons afin d’aplatir la courbe et de réduire la propagation du coronavirus. Nous faisons du télétravail comme nombre d’entre vous. J’ai communiqué à plusieurs reprises avec les équipes de gestion d’autres sociétés ainsi qu’avec des analystes. Je suis bien installé avec mes ordinateurs, et j’ai accès à toutes les ressources dont j’ai besoin. Nous sommes en mesure de mener la plupart de nos activités comme à l’habitude », écrit-il.

Le gestionnaire dit s’en tenir à l’approche disciplinée de toujours, pour acheter les actions d’entreprises gérées par des équipes solides et dotées d’avantages concurrentiels, et dont le titre se négocie à escompte. « Nous essayons de déterminer quelles sont les occasions de placement. Nous constatons que le bon grain est jeté avec le mauvais. Nous réfléchissons pour déterminer quelles occasions nous voulons saisir. Si dans cinq ans nous repensions à aujourd’hui, quels conseils nous donnerions-nous aujourd’hui? »

Un des meilleurs exemples de cette approche réside selon lui dans le secteur des soins de santé. « Le personnel des hôpitaux est très occupé actuellement à traiter les patients atteints du coronavirus et reporte les opérations chirurgicales non urgentes. Par conséquent, le marché vend massivement les sociétés qui proposent des produits pour des opérations chirurgicales non urgentes. Lorsque la situation sera terminée, ces opérations chirurgicales non urgentes auront lieu, et ces sociétés prospéreront de façon considérable », croit-il.

Lorsque des gens prêchent par excès de zèle, il est possible de saisir des occasions de placement, « parce que le marché a une compréhension foncièrement fausse de la société et de la nature de ses activités », soutient M. Misquitta. « Nous constatons que d’autres secteurs sont touchés; nous utilisons donc une approche lente, graduelle et délibérée afin de tirer profit de ces occasions », ajoute-t-il.

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