Plus de 30 ans après avoir cessé de recourir aux courtiers pour distribuer ses produits, le Mouvement Desjardins recommence à flirter avec le réseau de courtage par l’entremise d’une de ses filiales afin de souscrire plus de risques en assurance des entreprises.
Dans une entrevue récente accordée au Journal de l’assurance, la présidente de Desjardins Groupe d’assurances générales (DGAG), Valérie Lavoie, faisait état de l’intention de l’entreprise d’augmenter sa présence en assurance de dommages des entreprises.
Dans cette veine, le Portail de l’assurance a eu vent d’une rencontre tenue au début octobre avec des dirigeants d’un certain nombre de cabinets de courtage. Desjardins aurait alors fait part de son intention d’augmenter son volume d’affaires en assurance aux entreprises par l’entremise de sa participation dans la société Insurance Company of Prince Edward Island (ICPEI).
Pour ce faire, on rapporte au Portail de l’assurance que Desjardins, qui est aussi un important assureur direct, désire créer un réseau de courtiers partenaires.
Au Québec depuis 2021
Fondé en 1998 à l’Île-du-Prince-Édouard, ICPEI est aussi présent en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. L’assureur a commencé à souscrire des risques au Québec en mars 2021 par l’entremise de l’agent général Revau (à l’époque GroupAssur).
Selon les données de MSA Research rapportées par le Portail de l’assurance en septembre dernier, ICPEI a connu une forte croissance au Québec en 2022, avec des primes directes souscrites totalisant 43,2 millions de dollars (M$), comparativement à 19,4 M$ en 2021. Il s’agit d’une hausse de 122 % sur un an.
À l’échelle du Canada, les revenus de primes de l’assureur ICPEI avaient progressé de 54 % en 2022 pour atteindre 102,4 M$, comparativement à 66,7 M$ en 2021.
Privatisation
L’assureur appartenait à une société de portefeuille, ICPEI Holdings, qui était auparavant cotée à la bourse de croissance TSX. Le 9 décembre 2022, la société annonçait sa privatisation et sa vente à un consortium d’investisseurs. Desjardins faisait alors l’acquisition de 27,5 % des parts de la compagnie propriétaire de l’assureur.
Dans son rapport annuel 2022, Desjardins indiquait que cette participation minoritaire dans la société 1000379969 Ontario Limited avait été obtenue en échange d’une contrepartie au comptant de 17 M$. La valeur de l’assureur était alors ainsi établie à environ 61,8 M$.
Les actionnaires ont tenu une assemblée extraordinaire le 13 février 2023 et la privatisation a été approuvée par 95,2 % des voix exprimées sur la résolution spéciale approuvant l’arrangement proposé.
La Cour supérieure de l’Ontario a approuvé le plan d’arrangement le 24 février 2023. Par la suite, le 28 février, ICPEI Holdings annonçait la clôture de l’opération de privatisation et les actions ont été radiées de la cote de la bourse de croissance TSX quelques jours plus tard.
Retour aux sources pour Desjardins
Dans le tout premier numéro du Journal de l’assurance, publié en octobre 1992, le premier vice-président et directeur général de NorGroupe, Yves Breton, indiquait que l’assurance aux entreprises représentait un énorme potentiel de croissance.
NorGroupe, dont les produits étaient distribués par le réseau de courtage, était alors une filiale de la société de portefeuille de Desjardins assurances générales.
« C’est évidemment un marché à développer, mais la couverture d’assurance des PME au Québec est nettement insuffisante. Et cette mission, nous la confions aux courtiers », disait M. Breton.
Il rappelait aussi qu’une bonne couverture d’assurance permettait de réduire le risque du prêteur, ce qui permettait à l’entrepreneur de mieux négocier le taux de financement de ses emprunts.
Dans l’édition de janvier 1993 du Journal de l’assurance, on rapportait la vente de NorGroupe à AXA Assurances. Desjardins avait préféré vendre sa filiale au lieu d’y investir les sommes requises pour assurer son développement à long terme, écrivait Serge Therrien, auteur de cet article.
Interrogé sur la masse critique nécessaire à un assureur pour se développer dans le contexte de forte concurrence qui prévalait au début de l’année 1993, Yves Breton estimait que le seuil requis était d’au moins 100 M$.
Avant la vente, les besoins d’assurance en immobilier commercial d’une caisse ou d’une autre institution du Mouvement étaient comblés par les courtiers de NorGroupe. Par la suite, le service a été offert par des agents de DGAG.
Le retrait de Desjardins du courtage avait provoqué des remous dans le réseau. Des recours avaient été lancés devant les tribunaux pour renverser la tendance. Au fil des ans, les démarches de courtiers ont été abandonnées.
Le Portail de l’assurance a sollicité un commentaire de la part du Mouvement Desjardins, mais n’a pas eu de retour au moment de publier.