Une start-up canadienne amène l’économie de partage en assurance. Besure offre aux consommateurs d’assurer des biens entre eux, sans assureur.

Pour en savoir plus sur ce modèle, le Journal de l’assurance s’est entretenu avec Jason Alleyne, l’un des deux co-PDG de Besure.

Bien que ce modèle soit nouveau, les dirigeants de Besure y travaillent depuis 2013. « Nous avons mené plusieurs discussions avec des acteurs influents à ce sujet, en gardant en tête quelle innovation pourrait survenir dans le marché, tout en utilisant nos capacités pour donner un meilleur éclairage à notre profession », dit M. Alleyne.

Une dizaine de personnes travaille en ce moment chez Besure, dont la plupart ont travaillé dans le domaine de l’assurance, notamment en actuariat. M. Alleyne est lui-même un actuaire de formation, ayant notamment travaillé chez BMO Assurance. Sa directrice du markéting, Michelle Priest, a déjà possédé son propre cabinet de courtage.

« Nous avons regardé l’historique de l’industrie. Nous en sommes venus à la conclusion qu’avec un certain apport technologique, l’assurance pourrait être plus utile pour les gens et qu’elle pourrait miser sur l’aspect de communauté pour se rendre plus attrayante », dit M. Alleyne.

Il ajoute que l’industrie de l’assurance mise très peu sur cet aspect de communauté dans le moment. « Le produit d’assurance est un contrat unique. Nous nous sommes demandé comment le connecter davantage dans l’environnement du client. Nous miserons notamment sur les médias sociaux, comme Facebook. Il y a beaucoup de partage informel qui s’y fait. On y retrouve un fort sens de communauté. On veut réverbérer cela. Utiliser la technologie permettra d’en faire un processus transparent », dit M. Alleyne.

Le produit phare de Besure est Besurance, qui est présentement en projet pilote. Le déploiement à plus grande échelle se fera dans les prochains mois, en fonction des résultats que l’entreprise obtiendra lors de sa phase de tests.

Pour utiliser Besurance, des particuliers forment un pool pour assurer des biens semblables. Ainsi, des vedettes du rock pourraient chacun vouloir assurer leur guitare de grande valeur. Ils formeraient ainsi un pool entre eux, en fonction d’une prime tarifée par les actuaires de Besurance.

Il n’y a pas d’assureur dans le mix. Les transactions ne sont donc pas réglementées. Par ailleurs, si un pool ne subit pas de réclamations, les primes seront remboursées, moins un frais de 10 % que Besurance prélève.

Pour participer à l’un des pools, un utilisateur doit en faire la demande sur la plateforme de l’entreprise, ainsi qu’avoir un compte PayPal. Besurance dit viser le marché nord-américain, soit le Canada et les États-Unis.

Besurance crée les pools, mais les utilisateurs qui veulent assurer un risque donné peuvent en faire la demande sur le site, car les pools doivent avoir un nombre minimum de participants, établi en fonction du risque. M. Alleyne estime à 300 le nombre de participants nécessaires pour démarrer un pool. Leur demande est aussi affichée et ils peuvent la faire connaitre sur les réseaux sociaux pour trouver des gens voulant se prémunir contre un risque similaire.

M. Alleyne croit que Besurance se distinguera par la valeur qu’il accorde à sa proposition de partage de risques. « L’assurance n’est pas quelque chose dont les gens parlent entre eux. Ils n’en ont pas nécessairement une opinion positive. Ça ne devrait pourtant pas être le cas, car l’assurance présente un aspect d’attention. On veut en venir à donner un meilleur profil à l’assurance », dit-il.

Il rappelle que de larges pans de la société demeurent non-assurés en Amérique du Nord. « On croit qu’on peut aider à le combler. Nous aimerions être vus comme une salle de montre d’Apple, mais en assurance. On veut amener de nouveaux consommateurs dans l’industrie. Nous voulons comprendre ce que les gens veulent et calculer la mathématique pour eux via nos capacités actuarielles, tout en faisant croitre la capacité de nos pools », dit-il.

La communauté gère les réclamations

Autre particularité, ce n’est pas Besurance qui décide d’indemniser ou non lors d’une réclamation. Ce sont les participants au pool qui prennent conjointement cette décision.

« Nous croyons que les meilleures personnes pour décider d’accepter ou non une réclamation sont les personnes qui participent au pool. Leur forte connexion au risque partagé crée cette appartenance au groupe. Le tout devra toutefois se faire dans un processus transparent », dit M. Alleyne.

Besure n’imposera pas de modèle de processus de réclamations. Le pool aura le loisir de le faire par un vote, de choisir une personne qui décidera d’indemniser ou non, ou encore par une autre méthode.

Pour le moment, le concept de Besure n’est pas encadré par un régulateur en assurance. « Pour une grande variété de risque, l’idée de règlementation est valide. Toutefois, quand on fait un partage de risques au travers d’une communauté, ça n’est pas la même chose. Le pool fait en sorte que les gens se connaissent via la communauté qu’ils ont créée. On le voit couramment avec des personnes qui achètent une maison avec l’aide de leur famille. Quand on traite avec des gens que l’on ne connait pas, il est essentiel d’avoir un cadre règlementaire, car il n’y a pas de connexion », dit M. Alleyne.

Besurance souhaite aussi mettre en place deux autres divisions, Besurance Agency, qui agirait comme MGA dans le marché de l’assurance de dommages, et Besure X, qui serait active en recherche et développement.

« Pas un concurrent de l’industrie »

Bien que le produit qu’il offre s’apparente grandement à de l’assurance, Besure ne se voit pas comme un concurrent de l’industrie.

Son co-PDG Jason Alleyne affirme que son entreprise travaillera en marge de l’industrie, pour des risques que les marchés traditionnels ne couvrent pas.

« Nous n’avons pas les capacités des assureurs. Nous ne pourrons probablement jamais assurer des risques valant un million de dollars. Nos capacités seront toujours en fonction des limites que pose le modèle pair-à-pair (peer to peer). On veut créer une nouvelle solution à partir de cela. Nous sommes conscients que nous aurons une éducation à faire à ce propos. Nous voulons être vus comme des collaborateurs de l’industrie », dit-il.