Est-ce que 90 jours seront suffisants au courtage pour s’adapter aux exigences de l’Autorité des marchés financiers ? Non, affirment certains acteurs de l’industrie.

Parmi les 85 mémoires déposés dans le cadre de la consultation, huit font cette demande. L’entrée en vigueur des nouvelles règles est fixée au 13 décembre, avec une période d’adaptation de 90 jours.

Ce n’est pas la date d’entrée en vigueur des changements qui pose problème, mais plutôt le délai de transition accordé pour s’y conformer.

Impact chez les petits cabinets…

Deux propriétaires de petits cabinets de courtage ont souligné dans leur mémoire que le délai imposé est trop court. C’est notamment le cas d’Alexandre Kotliaroff, président de Kotliaroff & Associés, un jeune trentenaire qui a fondé son cabinet en 2006 et qui détient un volume de primes de 3,5 millions de dollars (M$). Il emploie six personnes, dont quatre courtiers.

Dans son mémoire, M. Kotliaroff demande à l’Autorité de prendre en considération que ce ne sont pas tous les cabinets de services financiers qui ont le personnel et les ressources pour mettre en place de tels changements au sein de leur organisation dans un délai aussi court.

« Nous ne choisissons pas de faire affaire avec n’importe quel assureur juste pour le plaisir, au même titre qu’un client prend le temps de magasiner ses assurances. Nous devons prendre le temps d’analyser et de mettre en lumière nos intérêts et valeurs envers chacun des assureurs avec qui nous voulons faire affaire afin d’offrir ce qui est le mieux pour nos clients. »

Ravary Assurances a un profil similaire à Kotliaroff & Associés. Le cabinet possède un volume de primes de 3 M$ et emploie six personnes. Pour l’entreprise, le délai demandé par L’Autorité est trop serré. « Si des mesures doivent être prises par notre cabinet avant décembre 2019, cela est inconcevable », dit Charles Ravary, signataire du mémoire pour ce cabinet.

… et de plus grands

Quelques grands cabinets ont aussi exprimé leurs inquiétudes quant au délai imposé. Ceux-ci font partie de l’appellation Virage, composé de cabinets qui concentrent leurs activités en assurances des particuliers auprès d’Intact Assurance.

Catherine Mainguy, PDG d’AccèsConseil, affirme que vu l’importance des changements demandés, le délai accordé pour les réaliser est « beaucoup trop court ». Bernard Chagnon, PDG d’Univesta Assurances et Services financiers, dit considérer que le délai d’implantation du projet de règlement est « précipité ». Il juge que ce délai « devait être flexible pour ainsi permettre à l’industrie d’avoir assez de temps pour s’adapter. »

M. Chagnon propose un report d’un an comme date cible. David Morin, PDG de Courtika Assurances, va dans la même veine en demandant à ce que la période de transition soit de douze mois au lieu de 90 jours.

D’autres courtiers abondent en ce sens. C’est notamment le cas de Pierre Simoneau, PDG de La turquoise. « En raison des nombreux enjeux et défis que comporte l’application de ces nouveaux règlements, nous croyons qu’au-delà des échéanciers déjà prévus, l’Autorité, dans sa volonté d’accompagner le réseau dans cette transformation, devrait accorder un délai de 12 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 13 décembre prochain, et ce, tant pour un cabinet que pour une agence », peut-on lire dans son mémoire.

Yvon Pinsonneault, PDG de DPA Assurances, fait une demande quelque peu différente de ses collègues. « Le projet de loi proposé par l’Autorité est très important, écrit-il dans son mémoire. Il demandera des changements considérables pour l’ensemble des cabinets d’assurance de dommage au Québec. En raison des forces du marché, des règles du jeu des assureurs et la capacité d’intégrer les changements demandés auprès de ressources humaines déjà sursollicitées dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, nous croyons indispensable que le délai proposé pour la mise en vigueur de l’application du projet de loi soit fixé au 31 décembre 2020. »

Les positions d’Intact et de l’Autorité

Chez Intact Assurance, on croit aussi qu’un délai supplémentaire devait être accordé au courtage pour s’adapter aux changements. « La période proposée pour faire un choix et se conformer au modèle choisi est selon nous définitivement trop courte en cas de changement de modèle. Nous considérons qu’un délai additionnel est requis pour opérer une gestion saine de la transition », indique Jean-François Desautels, premier vice-président, division du Québec, dans le mémoire déposé par l’assureur.

Vu ses demandes, l’Autorité compte-t-elle modifier ses délais ? Le régulateur n’ouvre pas la porte à une telle éventualité, mais ne la ferme pas non plus. « Nous sommes à analyser les mémoires. Nous modifierons le projet de règlement si nécessaire. C’est à ce stade-ci le maximum d’informations que nous pouvons donner à ce sujet », a indiqué Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité, au Journal de l’assurance.