Le fruit est mûr pour l’architecture ouverte et la mise en commun en technologie de l’assurance, estiment François Levasseur et Florence Sabbah, respectivement vice-président alliances mondiales et acquisitions, et vice-présidente pour le Canada de Equisoft. M. Levasseur a passé les rênes de ce poste à Mme Sabbah à l’automne 2020.
Dans une entrevue exclusive accordée au Journal de l’assurance, les deux dirigeants ont parlé de la nécessité de construire un écosystème d’outils numériques. Ils ont dit travailler à un modèle qui s’apparente à ceux des Apple Store et Google Play de ce monde. « Nous visons l’agglomération des solutions », a dit M. Levasseur.
Selon lui, le temps est venu pour l’industrie de l’assurance et des fonds d’investissement de se donner une plateforme en mesure de réunir des concurrents qui acceptent d’ouvrir leurs applications aux autres, dans un langage simple et flexible. Ils les appellent des partenaires. Equisoft veut faire de sa plateforme un marché de solutions numériques. Elle a commencé à réunir des partenaires dans cet écosystème, dit M. Levasseur.
Au fil des acquisitions, Equisoft s’est enrichi du logiciel de gestion de la clientèle Kronos Finance (devenu Equisoft/connect), du système d’arrière-guichet pour agents généraux AGEman (devenu Equisoft/centralize), et du logiciel REPman, pour conseillers, tous les deux acquis de Logiciels Modulex. Equisoft a conclu un partenariat d’intégration des données avec le système d’arrière-guichet en fonds communs de VieFONDS Corporation.
« Au Canada, nous sommes présents dans toutes les sphères de l’assurance et de la gestion de portefeuille. Nous avons une position unique en étant partout dans la chaine de distribution. Nous avons des connecteurs pour tout le flot allant de la proposition à l’émission de la police. Nous nous sommes dit qu’il serait bien de l’ouvrir un peu plus », lance François Levasseur.
Ces connecteurs sont ce que les programmeurs appellent des API (interfaces de programmation d’applications). « Apple Store s’ouvre à d’autres compagnies. On peut y choisir Apple Maps, Google Maps ou Waze, illustre M. Levasseur. Nous voulons que les entreprises qui veulent offrir des solutions à notre marché puissent utiliser le bout de chemin que nous avons déjà développé, en ayant accès aux données par les systèmes d’arrière-guichet. »
Il se dit ainsi ouvert à collaborer avec des joueurs concurrents, par exemple en matière de solution d’analyse de besoins financiers, et laisser ses clients choisir. Il a commencé à le faire. « En tant qu’agrégateur de solutions pour l’industrie, cela est positif pour nous. Ce ne sont pas nécessairement toujours nos solutions qui s’appliquent à toutes les situations. »
Intégrer de bout en bout
Florence Sabbah chapeaute la division des services, dont l’équipe-conseil qui intègre les solutions d’Equisoft ainsi que celles de ses partenaires. Elle prend aussi la responsabilité des équipes de vente, de gestion de comptes et de développement des affaires. Depuis plus de 13 ans chez Equisoft, elle jouait le rôle de vice-présidente adjointe, développement fonctionnel, avant d’entamer la transition vers son poste actuel.
Parmi les enjeux de l’industrie qu’elle soulève : offrir une solution unifiée de bout en bout. « Nous avons pas mal de morceaux. Même si certains morceaux n’étaient pas pris par nos clients, le fait d’offrir tous ces partenariats a permis à l’industrie de venir chercher un vrai bout en bout, selon les outils qu’ils choisissent. » C’est le cas de la proposition numérique qu’offre Equisoft aux assureurs. Certains l’utilisent alors que d’autres ont développé la leur.
« Un assureur utilise notre système d’illustration, donne-t-elle en exemple. Ce client avait un penchant pour une autre proposition numérique que la nôtre, mais nous avons quand même pu lui offrir de maintenir le flux en effectuant une sortie et une réentrée. Le processus demeure uniforme pour l’utilisateur, sans briser l’expérience client. »
Traditionnellement, les plus gros assureurs ont hésité à adopter des outils externes. Mme Sabbah observe que la tendance commence à s’inverser. « Notre offre est très modulaire. Les grands assureurs réfléchissent à ce qui est préférable entre développer leurs outils à l’interne ou utiliser un outil commun à toute l’industrie. Sont-ils bien servis par eux-mêmes ou est-il le temps de déléguer à un spécialiste », dit-elle.
Projet-pilote
Equisoft dit avoir lancé un projet-pilote avec certains partenaires au Canada, dont les deux fournisseurs mentionnés précédemment. « On a permis à tous les partenaires de se connecter à nos API pour offrir plus de fonctionnalités », explique François Levasseur.
Grâce aux API, Equisoft dit pouvoir aller plus loin que d’établir une série de passerelles entre logiciels différents. Les logiciels partenaires peuvent communiquer avec sa plateforme de manière standardisée, ce qui en fait un écosystème qui n’existe pas ailleurs dans l’industrie, selon M. Levasseur.
Il donne en exemple les outils développés par deux partenaires du projet-pilote : Marco Madon, cofondateur de la firme technologique Innovations MaxomSoft (outil d’analyse et de sélection de stratégies financières PlanVIE), et Willie Savard, conseiller d’Altura Groupe financier. M. Savard est actionnaire d’Altura avec son père Martin Savard (à ne pas confondre avec Martin Savard, vice-président de MICA Cabinets de services financiers) et sa sœur, Jessica Savard. « Il y en a d’autres avec lesquels on discute », ajoute M. Levasseur.
« Le manque de collaboration dans l’industrie du logiciel a toujours été un frein à l’innovation. Nous sommes rendus à un moment où l’industrie a besoin de fournisseurs importants comme Equisoft, qui ouvre sa plateforme à des partenaires », dit François Levasseur.
Contacté par le Journal de l’assurance, Willie Savard considère fort intéressant d’être lié à un CRM (outil numérique de gestion de la clientèle) utilisé par de nombreux conseillers. Son outil s’appelle Tchat N Sign. Société en démarrage, Tchat N Sign est une plateforme numérique de communication qui permet entre autres de discuter avec un client, d’échanger des documents avec lui et de les lui faire signer électroniquement. Une fois les activités archivées, elles se consignent automatiquement dans l’outil de gestion de la clientèle Equisoft/connect.
Développé en version bêta et ouvert aux autres conseillers depuis le début de la pandémie, Tchat N Sign sera lancé officiellement à la fin du mois de juin 2021, révèle M. Savard. « Je l’ai testé et amélioré pendant quelques années. J’étais rendu au stade de le partager aux conseillers pour qu’ils puissent en bénéficier. » Selon lui, l’avenir est aux plateformes multicanaux. « Le nerf de la guerre est de réussir à se connecter à différents outils qui se parlent entre eux », ajoute Willie Savard.
Expansion Internationale
Présente dans plusieurs pays, Equisoft vit une croissance, soutient M. Levasseur. Elle a embauché plus de 100 personnes depuis le 1er janvier 2021. Parmi elles, près d’une cinquantaine dans un bureau nouvellement ouvert en Australie. Pour le fournisseur de solutions numériques, accélérer sa croissance passera par les acquisitions et les partenariats. Depuis longtemps partenaire d’Oracle, Equisoft détient la licence de distribuer le système d’arrière-guichet Oracle Insurance Policy Administration (OIPA) aux assureurs.
Le fournisseur recherche d’autres partenariats avec des joueurs présents dans plusieurs continents. Il a récemment signé un partenariat avec la firme d’intelligence financière Refinitiv, pour distribuer à travers elle ses solutions de gestion de patrimoine. « C’est le type de partenariat que nous cherchons à conclure, pour offrir nos produits et avoir accès à plus de données, dans plusieurs marchés. Nous voulons un réseau de partenaires sur le terrain. Nous avons signé des ententes avec des partenaires en Asie du Pacifique, entre autres », dit M. Levasseur.
Bien implanté au Canada et aux États-Unis, Equisoft compte sur des partenaires pour accéder à l’Afrique, l’Asie, le Royaume-Uni. L’ouverture de son bureau australien va en ce sens. « Nous avons signé plusieurs partenariats en Asie du Pacifique. C’est notre stratégie globale d’expansion », renchérit le vice-président alliances mondiales et acquisitions d’Equisoft.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition de juin 2021 du Journal de l'assurance.