Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, reconnait que les annonces faites dans le récent budget fédéral auront un impact positif sur les finances publiques du Québec. Il continue de promettre que la province reviendra à l’équilibre budgétaire d’ici 2027 sans alourdir le fardeau fiscal.
Le 23 avril dernier, M. Girard était l’invité d’une vidéoconférence tenue par le Cercle finance du Québec avec la collaboration de l’Association des économistes du Québec. Il a répondu aux questions de Luc Godbout, professeur à l’Université de Sherbrooke, et de Clément Gignac, économiste en chef chez iA Groupe financier.
Éric Girard a résumé les grandes lignes du budget 2021-2022 qu’il a déposé le 25 mars dernier. Il a aussi commenté le budget fédéral rendu public par son homologue Chrystia Freeland le lundi 19 avril.
Le ministre Girard a résumé son budget en quelques objectifs simples : vaincre la pandémie de COVID-19 en 2021, retrouver le plein emploi en 2022, atteindre la pleine capacité de l’économie québécoise en 2025 et revenir à l’équilibre budgétaire en 2027.
Des ressources importantes sont toujours allouées à la lutte contre la pandémie et pour renforcer le système de santé, rappelle-t-il. Depuis mars 2020, l’impact de la pandémie sur le système de santé est estimé à 11,9 G$. Les dépenses additionnelles sont estimées à 16 G$, mais le ralentissement des activités découlant du délestage dans le réseau de la santé a permis de réduire la facture de 4,1 G$.
Équilibre budgétaire
Le Québec a besoin d’une hausse des transferts fédéraux en santé, insiste M. Girard. La ministre Freeland n’a cependant fait aucune mention de cet aspect dans son budget fédéral, mais elle a promis d’en traiter lorsque la pandémie sera vaincue.
Les dispositions législatives qui forcent le gouvernement à rétablir l’équilibre budgétaire sont suspendues pour deux ans. Le ministre Girard n’exclut pas la possibilité que la loi soit modernisée. Le gouvernement veut résorber le déficit budgétaire en augmentant ses recettes sans hausser le fardeau fiscal, ce qui passera par une reprise plus vigoureuse de l’économie.
Ottawa a promis plus d’argent aux provinces pour accélérer la vaccination et limiter le délestage. De plus, le Québec recevra une compensation pour son réseau de garderies, car le gouvernement fédéral annonce l’implantation d’un réseau national. En fonction de cela, les prévisions du Québec sur son déficit budgétaire sont peut-être dépassées, note Clément Gignac.
Éric Girard reconnait cet apport positif au cadre financier de la province, mais il rappelle que le Québec doit augmenter le nombre de places en garderie. Il précise que les fonds fédéraux seront aussi utilisés pour améliorer les services en éducation. Le ministre note aussi que les prévisions budgétaires sont volontairement conservatrices.
Main-d’œuvre
Avant la pandémie, l’économie québécoise était en surchauffe, avec des salaires qui augmentaient à un rythme supérieur à deux fois le taux d’inflation. Avec un taux de chômage de 4,5 % en janvier 2020, le Québec était pratiquement en situation de plein emploi, selon le ministre.
Quelque 159 000 emplois perdus n’ont toujours pas été récupérés dans les secteurs comme le tourisme, l’hébergement, la restauration et la culture, et le gouvernement investit pour favoriser la transition vers la nouvelle économie numérique et la qualification de la main-d’œuvre. Le Québec doit accélérer cette transition, car la pénurie de main-d’œuvre se fait déjà sentir dans les secteurs où la croissance est revenue, précise-t-il.
Pour augmenter la croissance moyenne du PIB de 1,5 % à 2 %, le Québec a besoin d’augmenter sa population active, ce qui passe en bonne partie par l’immigration, rappelle Clément Gignac.
À cet égard, Éric Girard rappelle qu’il y a plus de 150 000 personnes actives en février 2020 qui n’ont toujours pas retrouvé leur niveau de revenus. Dans le bassin des 15-34 ans, quelque 200 000 personnes ne sont pas aux études ou en formation continue et sont absentes du marché du travail, ce qu’il qualifie de « tragédie ». Enfin, il rappelle que 90 000 personnes âgées de 60 à 64 ans sont déjà à la retraite.
« On a là un bon bassin de gens pour nous aider à trouver le personnel requis pour pourvoir les quelque 130 000 emplois offerts et qui ne trouvent pas preneurs », dit-il.
Les quelque 20 000 immigrants qui ne sont pas venus au Québec en raison de la pandémie seront accueillis plus tard et les seuils seront ajustés en conséquence pour les trois prochaines années, assure le ministre.
Dette et taux
En raison de l’indexation des salaires causée par la pénurie de main-d’œuvre et la surchauffe du marché immobilier, les risques de hausse des taux d’intérêt sont toujours à surveiller, rappelle Clément Gignac.
Le ministre des Finances précise que le taux moyen d’emprunt du gouvernement du Québec est de 3,3 %. La crise a permis de réduire ce taux à 1,5 %, mais le taux est déjà remonté à plus de 2 %. Le Québec renouvelle ses emprunts en moyenne sur une période de 11 ans, soit environ 9 % de sa dette chaque année. Selon lui, l’inflation devrait augmenter un peu, mais le ministre s’attend à une lente remontée des taux d’intérêt.
Par ailleurs, Éric Girard confirme que l’Autorité des marchés financiers a déjà indiqué qu’elle allait harmoniser ses règles avec celles du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) qui s’appliquent au marché hypothécaire et aux institutions financières.
« Le prix des maisons à Montréal est la moitié de celui de Toronto. Si le Québec réussit à réduire l’écart de richesse avec l’Ontario dans les 20 prochaines années, le prix des maisons va suivre et refléter le succès de notre économie », souligne le ministre.
L’immobilier résidentiel représente une part importante du patrimoine familial. « Ce qui m’inquiète, c’est lorsque les gens renoncent à leurs protections légales et à l’inspection », dit-il. Son ministère étudie la situation et pourrait adopter des mesures à cet égard.