Les assureurs ont besoin de l’apport des nouvelles entreprises technologiques pour accomplir le virage numérique que réclament les consommateurs. La fusion des assureurs mutualistes La Capitale et SSQ permettra à la nouvelle entreprise de se doter d’une plus grande force de frappe en innovation, estime Éric Marcoux.
Le 14 février à Québec, l’Autorité des marchés financiers tenait une activité à l’heure du petit-déjeuner axée sur les fintechs. Éric Marcoux, vice-président des solutions d’affaires et technologies de l’information (TI) à La Capitale Assurance et services financiers, s’occupe des équipes de développement et de l’architecture des plateformes numériques de l’entreprise. Il est aussi responsable des partenariats en innovation.
« Nous sommes très fiers de la manière dont nous avons intégré l’innovation dans les différents secteurs », précise-t-il. Le travail est fait grâce à la collaboration de nombreux partenaires spécialisés dans les TI. En assurance vie et services financiers, La Capitale s’est associée à Breathe Life, jeune entreprise montréalaise, qui lui permet d’offrir un meilleur service aux courtiers.
Les systèmes ont aussi été modernisés en assurance collective et les clients peuvent désormais faire leur réclamation entièrement en mode numérique. « Nous avons été les premiers à offrir cela », dit-il.
En assurance de dommages, l’utilisation des données ouvertes et des algorithmes d’intelligence artificielle permet à La Capitale de produire une soumission en deux minutes. M. Marcoux a dû se retenir pour ne pas dévoiler une autre nouveauté qui devrait être lancée « d’ici une semaine ».
Pour les gens qui sont déjà clients de l’assureur, l’accès en mode libre-service est facilité pour une large variété de produits. Les plateformes ont été développées avec la collaboration des grands joueurs comme Google et Microsoft. « On travaille à créer un tout nouvel environnement de travail à nos employés qui leur permet de s’installer n’importe où pour travailler, de manière sécuritaire. Ils ont accès à leur courriel et à leur agenda électronique sur leur cellulaire, ce qui n’était pas possible avant », dit-il.
« L’intelligence artificielle, on n’en faisait pas il y a encore trois ans », poursuit-il. Avec la collaboration des chercheurs de l’Université Laval, on a amélioré les capacités de l’assureur en matière de traitement des réclamations et de détection de la fraude.
La Capitale a aussi injecté des sommes dans trois fonds d’investissement spécialisés dans les TI, afin de soutenir les entreprises en démarrage (« startups »). Éric Marcoux souligne que les capacités du Québec en matière d’utilisation de l’intelligence artificielle sont reconnues chez les grands joueurs de la Silicon Valley en Californie.
L’entreprise collabore aussi avec d’autres assureurs sur des projets communs dont M. Marcoux ne peut dévoiler les détails. « On investit tous dans les mêmes secteurs, on essaie les mêmes trucs et on a tous le même modèle d’affaires », dit-il.
Affronter la concurrence
L’assureur n’a pas la taille de Desjardins, et ça ne sera toujours pas le cas si la fusion avec SSQ Assurance va de l’avant « après l’approbation des régulateurs », dit-il. Mais la nouvelle entreprise sera mieux équipée désormais pour concrétiser ses idées. « On va accélérer nos forces ensemble, ça se passera ici au Québec, et c’est une grande fierté pour moi », dit-il.
Le secteur des services financiers est en pleine transformation, avec de nouveaux joueurs issus de l’ère numérique. Éric Marcoux a constaté lors d’un récent voyage que les assureurs européens sentent déjà la concurrence des plateformes numériques, comme celle d’Amazon, où l’on peut assurer les produits commandés.
Les facilités de paiement offertes par Amazon seront bientôt décuplées lorsqu’elle ouvrira sa filiale bancaire au Canada. Le fabricant automobile Tesla offre aussi son propre régime d’assurance aux conducteurs de ses voitures. D’autres constructeurs font de même, ou sont sur le point de le faire, ce qui ébranle le marché de l’assurance automobile, estime Éric Marcoux.
Les assureurs perdent des parts de marché en Europe parce que les institutions bancaires ont pris les devants dans l’utilisation des données pour mieux solliciter les consommateurs au moment où ils ont besoin de couvrir un nouveau risque. « Les banques peuvent deviner quand vous avez un enfant, une nouvelle maison, une nouvelle voiture. Nous, il faut que vous nous appeliez », dit-il.
Au Canada, des joueurs comme Sonnet et Humania prennent de nouvelles parts de marché grâce à l’efficacité de leur plateforme numérique. « On doit concurrencer de nouveaux joueurs, on n’a donc pas le choix de se réinventer. On a des partenaires pour cela. Je ne dis pas que c’est la meilleure recette, mais elle fonctionne pour nous », indique M. Marcoux.
L’assureur participe à toutes les activités où il peut rencontrer les entrepreneurs en démarrage, comme Insurtech Québec, dont la quatrième édition aura lieu le 17 avril, et Fintech Québec, dont la troisième édition aura lieu les 17 et 18 juin à Lévis. Certaines startups ont été ciblées par les gestionnaires des fonds d’investissement auxquels La Capitale confie des sommes à cet effet. « C’est comme cela que nous avons pu rencontrer Breathe Life, et aussi Dialogue, par l’entremise du fonds Portag3 », précise Éric Marcoux. Il a d’ailleurs ouvert la porte à rencontrer Rim Charkani, de Walo, l’une des expertes invitées par l’Autorité ce matin-là. Son application vise à aider les jeunes consommateurs à mieux gérer leurs finances.
Le travail du régulateur
En ouverture de la rencontre, Oumar Diallo, directeur fintech et innovation à l’Autorité, précise que le régulateur québécois participe activement aux travaux internationaux concernant l’encadrement du virage numérique des services financiers. Il souligne notamment que sa collègue Lise Estelle Brault préside le comité sur la collaboration entre les régulateurs au sein du Global Financial Innovation Network (GFIN), lancé en février 2019 et dont l’Autorité est membre.
M. Diallo note aussi que le ministère fédéral des Finances a publié, le 31 janvier dernier, les conclusions de la première étape de l’examen mené par le Comité consultatif sur le système bancaire ouvert. Lors de la deuxième étape lancée le même jour, le comité consultatif se penchera particulièrement sur la sécurité des données dans les services financiers dans le contexte de « l’open banking ».