Le 15 septembre dernier, le Tribunal des marchés financiers a accueilli la demande de l’Autorité des marchés financiers et a prononcé une ordonnance de blocage à l’encontre de la firme Proasist Service et des institutions financières où elle détient des actifs.

La firme visée vend de l’assurance de frais funéraires aux consommateurs québécois. L’intimée agit ainsi à titre d’assureur ou de cabinet d’assurance sans posséder l’autorisation ou l’inscription requise par la loi. De plus, le contrat d’assurance de frais funéraires est interdit au Québec. En faisant la commercialisation de ce produit, l’intimée contrevient à l’article 2442 du Code civil du Québec. En prononçant ces ordonnances, le Tribunal veut ainsi éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé et protéger l’intérêt public.

En vertu de divers articles de la Loi sur l’encadrement du secteur financier, de même que de l’article 115.3 de la Loi sur la distribution et services financiers et de l’article 469 de la Loi sur les assureurs, le tribunal ordonne à l’intimée Proasist Service de ne pas se départir des fonds qu’elle a en sa possession ou qui lui ont été confiés, incluant les coffrets de sûreté. Cette entreprise fait aussi affaire sous la dénomination sociale Repatriacion Latina.

Firme montréalaise

L’intimée a été fondée en août 2016 et elle a des bureaux sur la rue St-Hubert à Montréal. L’actionnaire majoritaire de Proasist Service est la filiale de Repatriacion Latina aux États-Unis. La société mère des deux entreprises serait la société La Ofrenda S.A., établie en Colombie.

Le site internet de cette entreprise indique que La Ofrenda offre des services funéraires à l’échelle nationale et détient une couverture internationale à travers 15 sociétés présentes dans 8 pays.

La preuve soumise par l’Autorité comprend les noms des trois administrateurs de l’intimée, dont Juliana Restrepo Correa, la seule employée de l’entreprise et qui s’affiche comme gérante. Celle-ci est responsable de la promotion au Québec des services de l’intimée, et ce, avec le soutien d’une équipe de marketing colombienne.

L’enquête menée par l’Autorité révèle que l’intimée aurait déjà vendu le produit d’assurance de frais funéraires à plus de 1 300 consommateurs du Québec. Ces assurés pensent que leurs frais funéraires sont ainsi couverts, alors qu’ils ne le sont pas.

De plus, l’intimée serait financièrement incapable de faire face aux obligations découlant de ces contrats d’assurance, lesquelles s’élèveraient à 13 millions de dollars (M$).

L’intimée cible les consommateurs qui sont d’origine latino-américaine, auxquels on offre un abonnement à un programme qui permet à l’adhérent de faire rapatrier son corps dans le pays de son choix après son décès. L’intimée s’occuperait de préparer la documentation requise pour le rapatriement des corps et ferait affaire avec des maisons funéraires.

Selon l’âge de l’adhérent, l’abonnement coûte de 10,35 $ à 15,35 $ par mois, et ce, jusqu’à son décès. Quelque 1 346 personnes résidant au Québec auraient signé ces contrats d’adhésion. Le coût du programme ne devrait pas augmenter avec le temps, promet l’intimée.

Le coût du rapatriement d’un corps dans un pays d’Amérique latine varie de 10 000 $ à 15 000 $. Les conditions d’accès au programme en cas de décès sont très rigoureuses. L’adhérent ayant au moins 65 ans ne doit pas avoir de maladie préexistante et doit payer sa prime pendant au moins 6 mois.

Mme Restrepo Correa est responsable des comptes bancaires de l’intimée au Québec. L’avoir net est négatif, notamment en raison d’une dette de plus de 200 000 $ envers son actionnaire majoritaire, Repatriacion USA. L’intimée n’a même pas produit ses états financiers pour les années 2020 et 2021.

L’intimée n’aurait réalisé qu’un ou deux rapatriements depuis sa fondation en 2016. Les obligations financières pourraient même dépasser les 20 M$ si tous les adhérents décèdent dans le délai minimum requis.

Près de 400 000 $ ont été versés à l’intimée par les primes payées par les clients québécois, via une multitude de petits transferts bancaires, de virements Interac ou de paiements par carte de crédit effectués par l’entremise du processeur de paiements Wave. Il semble que la majorité des primes versées ont été transférées dans le compte personnel de la seule salariée de l’intimée.

Selon le tribunal, la preuve soumise montre que le produit offert serait en fait de l’assurance de frais funéraires au sens de divers articles du Code civil.

Autres étapes

L’Autorité entend demander à la Cour supérieure de rendre des injonctions contre l’intimée et ses représentants pour faire cesser leurs activités et demander l’annulation des contrats d’assurance et l’interruption du paiement des primes.

La requête de l’Autorité a été soumise le 2 septembre et le TMF l’a entendue le 7 septembre dernier. Le tribunal estime que la preuve présentée par l’Autorité montre que l’intimée a commis des manquements aux lois applicables ou actes contraires à l’intérêt public.

Le TMF estime que le contexte d’urgence justifie la décision de prononcer ces ordonnances, même si elles peuvent causer un préjudice irréparable à l’intimée. En conséquence, elle met en œuvre diverses mesures préventives pour protéger les actifs des consommateurs.

Institutions financières

Outre l’intimée, la même ordonnance de blocage cible les institutions financières où Proasist Service détient des comptes bancaires ou des coffrets de sûreté, soit la succursale de la Banque Royale du Canada, sise sur la rue Beaubien Est à Montréal, de même que la succursale de la Caisse Desjardins du Cœur-de-l’Île, sise rue Bélanger à Montréal. La société Wave Financial est aussi ciblée par la même ordonnance de blocage.

Les ordonnances sont entrées en vigueur le 15 septembre et elles sont valides pour une durée de 12 mois, à moins qu’elles ne soient modifiées ou révoquées avant le 14 septembre 2022.