Le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) a suspendu de manière provisoire les certificats d’exercice de François Baillargeon Bouchard en assurance de personnes et en courtage en épargne collective.
Il ne pourra plus travailler comme représentant en matière de distribution des produits et services financiers durant cette période. Le TMF lui a interdit de pratiquer « toute activité en vue d’effectuer directement ou indirectement une opération sur valeurs au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, à l’exception de toute opération sur valeurs effectuée pour son propre compte, par l’entremise d’un courtier dûment inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers », peut-on lire dans le jugement rendu par la juge Antonietta Melchiorre le 28 janvier.
Son cabinet, Groupe financier Bouchard, duquel il était l’actionnaire majoritaire ainsi que le seul administrateur et dirigeant, a aussi été sanctionné. L’entreprise devra nommer un nouveau dirigeant responsable, « lequel devra avoir été préalablement approuvé par l’Autorité des marchés financiers, et ce, dans les 45 jours de la notification de la présente décision ».
Une enquête de l’Autorité des marchés financiers montre que l’intimé a acheté en 2017 des listes contenant des renseignements de clients du Mouvement Desjardins qui avaient été volés par un employé de l’entreprise. M. Baillargeon Bouchard a utilisé lesdites listes jusqu’en 2019 pour leur vendre des produits d’assurance.
Pas de mauvaise intention prouvée
L’intimé disait que « les circonstances entourant leur achat ne laissaient rien présager de suspect ou d’anormal » et qu’il « n’avait aucune raison de se méfier du caractère illégal de la provenance des renseignements contenus aux listes ».
« Aucune preuve ne permet d’associer directement M. Baillargeon Bouchard à l’employé de Desjardins qui serait responsable de la fuite des données. Il semble que M. Baillargeon Bouchard a utilisé les listes de clients de Desjardins sans mauvaise intention et dans le but de rendre un meilleur service aux clients », concède la juge.
Le TMF a néanmoins ordonné à M. Baillargeon Bouchard et à son cabinet de remettre à l’Autorité les listes de clients obtenues de Jean-Loup Lullier Masse ou de quelqu’un d’autre qui comportent des renseignements de clients de Desjardins.
L’Autorité disait avoir des « motifs raisonnables et probables de croire que M. Baillargeon Bouchard aurait commis des manquements aux lois et qu’il n’aurait plus la probité ni les compétences requises pour continuer d’exercer sa profession sans compromettre la protection du public ». Le tout a été confirmé par la juge dans son jugement.
Les permis sont donc suspendus jusqu’à ce que les enquêtes de l’Autorité ou de la Chambre de la sécurité financière (CSF) soient complétées, ce qui a été finalement décidé par le TMF.
Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité, a confirmé au Portail de l’assurance que l’enquête est toujours en cours. « Quant à la demande de la CSF, des plaintes disciplinaires ont été déposées et une audition est fixée en avril 2021. La décision finale pourrait donc également être rendue par le Comité de discipline de la CSF », a-t-il ajouté dans un échange de courriels.
Pourquoi pas plus tôt ?
La demande introductive d’instance a été déposée par l’Autorité exactement un an avant le jugement, soit le 28 janvier 2020.
« Les intimés ont également soulevé un argument que l’Autorité a failli à démontrer l’urgence de prononcer les mesures qu’elle recherche, car il se serait écoulé près de treize mois entre le début de l’enquête de l’Autorité en septembre 2019 et la fin de l’audition de cette affaire à la fin octobre 2020 », peut-on lire dans le jugement.
Les dates d’audition initiales fixée par le Tribunal étaient les 31 mars et 1er avril derniers, plusieurs évènements ont causé le report des audiences.
D’une part, la pandémie a reporté une première fois les audiences aux 29 et 30 juin. D’autre part, des motifs personnels invoqués par les avocats de l’intimé ont fait en sorte que les audiences se sont finalement tenues les 15, 16, 17, 24, et 25 septembre, ainsi que les 9 et 27 octobre.
« Le Tribunal considère que le délai qui s’est écoulé entre le début de l’enquête de l’Autorité et de la CSF et l’audition de la demande de l’Autorité est raisonnable dans les circonstances », peut-on lire.
Toujours son titre sur le Web
Sur le site Web du Groupe Financier Bouchard, consulté le 4 février en avant-midi, on peut voir le nom de M. Baillargeon Bouchard avec son titre de conseiller en sécurité financière et de représentant en épargne collective.
Or, est-ce que c’est permis ? « Il ne peut plus se présenter comme tel dès la décision rendue par le TMF, explique Sylvain Théberge, puisque cette dernière est exécutoire nonobstant toute démarche qu’il pourrait entreprendre, à moins qu’il n’obtienne un sursis de la Cour ».