La distribution de garanties de remplacement par les marchands d’automobiles continue de susciter des inquiétudes au sein de l’industrie de l’assurance. Certains acteurs craignent de voir le phénomène s’étendre à d’autres secteurs que l’automobile.Deux visions s’opposaient au terme de la consultation qu’a tenue l’Autorité des marchés financiers, les 24 et 25 octobre derniers, sur l’encadrement de la distribution de certains produits par les marchands d’automobiles, dont la garantie de remplacement.

C’est pourquoi l’industrie de l’assurance souhaite que l’Autorité considère rapidement la garantie de remplacement comme étant un produit d’assurance, et qui devrait être distribué par un représentant certifié et régie par l’Autorité.

« Si on permet aux concessionnaires de vendre des produits d’assurance, est-ce qu’on va permettre aux agents immobiliers de vendre de l’assurance habitation? Est-ce que le vitrier va pouvoir vendre une garantie pour sa vitre? Si on le permet, il n’y aura plus de fin à ce phénomène », prévient Hubert Brunet, directeur général du Regroupement des courtiers de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ).

Pour M. Brunet, il est clair que la garantie de remplacement est un produit complémentaire à la police d’assurance automobile.

« On ne comprend pas que des gens s’obstinent encore là-dessus. Pourquoi y aurait-il deux modes de distribution différents pour le même produit? C’est difficilement défendable. Même l’Association pour la protection des automobilistes dit que la garantie de remplacement devrait être considérée comme un produit d’assurance. En ce qui nous concerne, les dés sont jetés. La garantie de remplacement est un produit d’assurance», défend M. Brunet.

Celui-ci insiste également pour que la garantie de remplacement soit vendue par des représentants certifiés.
« Le produit qui est vendu ici n’existe pas ailleurs. Au Canada anglais et aux États-Unis, ils appliquent la garantie d’écart, qui est considérée comme une obligation envers le créancier. Il est donc clair que la garantie de remplacement vendue au Québec est une assurance complémentaire à la police automobile. Si un assureur de première ligne ne la couvre pas, la garantie de remplacement ne peut s’appliquer», renchérit M. Brunet.

Les marchands d’automobiles à l’opposé

De leur côté, les marchands d’automobiles souhaitent continuer à distribuer le produit qu’ils ont mis en place.
Pour eux, la garantie de remplacement se compare à une garantie mécanique et n’est pas nécessairement un produit d’assurance. Les concessionnaires d’automobiles veulent cependant agir comme distributeur si l’Autorité vient à décréter la garantie de remplacement comme un produit d’assurance.

Ceux-ci s’entendent tout de même avec l’industrie de l’assurance sur le fait que le marché de la garantie de remplacement et de ses à-côtés doit être réglementé.

La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) affirme cependant que ce marché devrait être réglementé par l’Office de protection du consommateur, et non par l’Autorité, comme le réclame l’industrie de l’assurance.

« C’est important qu’il y ait un guichet unique. Puisque nous sommes déjà régis par la Loi de protection du consommateur, les concessionnaires automobiles devraient être régis par l’Office, et non par l’Autorité. C’est un produit que nous avons lancé en 1992 et pour lequel nous recevons très peu de plaintes », affirme Jacques Béchard, président de la CCAQ.

« Les marchands d’automobiles doivent continuer à offrir ce produit, insiste M. Béchard. Plusieurs intervenants l’ont reconnu. Nous sommes en faveur de l’encadrement et il y a un consensus là-dessus. Cependant, ça n’a pas de sens de vendre un produit spécifique d’assurance pour un produit qui est connexe à l’automobile », soutient-il.

De plus, le président de la CCAQ rejette du revers de la main l’obligation de détenir un permis pour vendre une garantie de remplacement.

« Ça n’a pas de bon sens. Il faut d’abord vendre une voiture pour vendre un crédit automobile ou une garantie de remplacement. En ce moment, si le consommateur a un problème avec sa voiture ou avec son concessionnaire, il communique déjà avec l’Office », fait remarquer M. Béchard.

Certains organismes ont cependant des positions plus nuancées concernant la réglementation de la garantie de remplacement.

L’Association pour la protection des automobilistes (APA) affirme que la garantie de remplacement est un produit d’assurance, mais se dit tout de même en faveur d’une vente sans représentant.

Pour l’APA, les garanties de remplacement devraient être vendues par l’intermédiaire d’un cabinet agissant par l’entremise d’un courtier spécial tel que visé dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers. L’APA croit qu’avec un bon encadrement, la vente de produits d’assurance par les marchands d’automobiles pourraient être considérée comme une forme de distribution sans représentant.

Le Mouvement des caisses Desjardins considère également la garantie de remplacement comme un produit d’assurance, qui peut être vendu sans représentant. Le Mouvement recommande tout de même que ce soit un assureur qui distribue les garanties de remplacement par l’entremise de représentants certifiés, tout en laissant la porte ouverte aux marchands d’automobiles. Le Mouvement Desjardins propose que ceux-ci puissent agir à titre de distributeur, réglementés par un guide de distribution.

Les deux organismes affirment que l’Autorité des marchés financiers devrait encadrer le marché de la garantie de remplacement.

Urgence d’agir?

Maya Raïc, présidente-directrice générale de la Chambre d’assurance de dommages, croit que le problème actuel réside dans le fait qu’il n’y a pas d’explication donnée au client sur le produit lors de la vente.

« Tout le monde veut que la garantie de remplacement soit encadrée, mais personne ne sait comment. Il est temps qu’on statue sur la question pour trouver les balises requises. Pour le public, il est important à nos yeux que la garantie de remplacement soit considérée comme un produit d’assurance encadré par l’Autorité », souligne-t-elle.

Mme Raïc soutient même qu’il y a urgence d’agir. Pour justifier ses propos, elle s’est fait l’écho d’un dirigeant, ayant déposé un mémoire à l’Autorité, qui affirmait s’être fait offrir une garantie de remplacement non plus pour une auto, mais lors de l’achat d’un ordinateur.

À l’Autorité des marchés financiers, on veut prendre le temps de bien analyser la situation avant de statuer sur quoi que ce soit. Nancy Chamberland, surintendante à la direction de l’encadrement de la distribution à l’Autorité, ne fixe aucun échéancier pour déterminer si la garantie de remplacement est un produit d’assurance ou non.

« En tant que régulateur, nous ne voyons pas de péril en la demeure. Il n’y a pas urgence d’agir. Nous nous attendons à ce qu’il y ait d’autres discussions à ce sujet. On ne veut rien précipiter. Nous ne pouvons affirmer que le dossier sera clos pour la fin de 2007. Nous ne prenons pas de promesse que nous ne pouvons tenir », complète la surintendante.