Durant la fin de semaine du 11 et 12 juin, de fortes pluies s’étaient abattues sur la région du Saguenay. Leur ampleur avait rappelé à Richard Cantin, président-directeur général de Cantin, Gagnon Assurances, cabinet en assurance de dommages qui possède des bureaux à La Baie, Jonquière, Chicoutimi et Dolbeau-Mistassini, les grandes précipitations qui avaient précédé le grand déluge du 19 au 21 juillet 1996.
En 2022, elles ont entraîné une catastrophe naturelle d’un autre ordre : au lendemain de ce week-end très arrosé, le 13 juin, le sommet d’une falaise du secteur de La Baie s’est écroulé en soirée et a emporté dans sa chute une maison, puis forcé l’évacuation de 21 autres dans les heures qui ont suivi.
« Ce ne sont pas des événements qui surviennent souvent, commente Richard Cantin. On voit plutôt cela à l’étranger, mais là, ça se passait chez nous, dans notre propre cour ». Parmi les sinistrés qui ont dû quitter leur demeure pendant plusieurs semaines se trouvaient certains de ses clients. « Quand c’est arrivé, ajoute-t-il, on s’est senti très inquiet pour la sécurité des gens ».
Heureusement, en raison des premiers signes de mouvement de sol observés un mois et demi plus tôt, des murs de soutènement installés par la ville de Saguenay ont limité les dégâts et peut-être empêché des pertes de vie. Mais pour les déplacés, des gens qui ont eu peu de temps pour abandonner leurs maisons et leurs biens, les conséquences ont été immenses malgré l’aide matérielle et financière apportée par le gouvernement du Québec. Richard Cantin, qui connaît personnellement certains des sinistrés, parle aujourd’hui de choc et de traumatisme chez certains. Ce sont des vies entières qui s’effondrent en quelques minutes, au sens propre et figuré.
Des travaux deux mois plus tard
Les effets de cet énorme glissement se font encore sentir deux mois plus tard. Le secteur est toujours en vaste chantier, mais pas de construction ; plutôt de démolition. Lors du passage d’un journaliste du Portail de l’assurance, le 17 août, une maison située au sommet de la falaise avait été rasée le matin même par une pelle mécanique et une autre devait l’être deux jours plus tard. Des camions réalisaient des va-et-vient constants pour transporter les débris en parcourant des rues devenues fantômes et poursuivre les travaux de nivellement du terrain. Les restes d’un garage résidentiel se trouvaient toujours au milieu de la pente. Au total, six maisons doivent être entièrement démolies et le sort de deux autres est en suspens.
Le 26 août, les travaux de stabilisation se poursuivaient, indiquait la ville de Saguenay. À cette date, 9 042 m3 de terre avaient été excavés, soit 36 % du total prévu de 26 460 m3. L’accès au périmètre de sécurité demeure toujours interdit, mais des autorisations exceptionnelles sont autorisées sous la supervision de la Protection publique pour aller récupérer des biens personnels. Du mercredi 31 août au 2 septembre, les propriétaires et locataires de 53 résidences auront accès à leur maison durant une période d’heure pour y prendre des biens, mais ces propriétés pourront être réintégrées quand les lieux auront été sécurisés.
C’est une catastrophe naturelle qui s’est produite à petite échelle dans une zone très limitée. À la lumière des travaux majeurs qu’elle entraîne, on peut facilement deviner les répercussions physiques et monétaires si elle avait touché plusieurs secteurs de La Baie ou de Saguenay à la fois ou si ce type de catastrophes venait à se reproduire dans le futur au Québec ou dans d’autres secteurs à risque.
Pas de couverture pour les glissements de terrain
Comme ses collègues courtiers et les gens de l’industrie de l’assurance, Richard Cantin constate que les événements climatiques du genre sont en hausse depuis quelques années au Québec : inondations, tornades, orages très violents, gros épisodes de pluies, de grêle et de vents très forts. S’ajoute cet été ce glissement de terrain majeur à La Baie en plein secteur habité. La liste s’allonge.
Dans les jours qui ont suivi ce nouveau sinistre naturel, les bureaux de Christian Cantin ont reçu des appels d’assurés ou de clients anxieux qui voulaient savoir s’ils étaient couverts pour les conséquences de ce glissement, s’ils auraient droit à des indemnités ou s’il existait une couverture d’assurance pour ce type de désastre. La réponse est malheureusement non, regrette ce courtier en assurance de dommages d’expérience. Pour l’instant, il est impuissant et ne peut aider sa clientèle face à un événement du genre.
« Nous sommes très conscients que c’est une couverture qui n’existe chez aucun assureur à ma connaissance et on le savait dès le départ : c’est exclu dans tous les formulaires », regrette-t-il.
En faveur d’un avenant mouvement de sol
Même s’il reconnaît que la ville et le gouvernement du Québec ont beaucoup fait pour aider les sinistrés, Richard Cantin croit tout de même qu’une assurance glissement de terrain ou mouvement de sol devrait exister.
« En tant que courtier d’assurance, on veut que nos clients aient la meilleure protection, commente-t-il. Le gouvernement va verser des montants d’argent aux sinistrés. Les citoyens touchés ne seront donc pas abandonnés, mais avec des couvertures d’assurance, nos clients pourraient être encore mieux protégés. Il faudrait s’assurer toutefois qu’il n’y ait pas de paiements en double et d’indemnités versées à la fois par les assureurs et la sécurité publique ».
Il n’est pas le seul à souhaiter que des compagnies d’assurance offrent cette protection en cas de glissement de terrain, certains assurés sont frustrés que les assureurs ne le fassent pas.
Le PDG de Cantin, Gagnon Assurances rappelle qu’à la suite des inondations de 2017 et 2019, certains assureurs ont commencé à offrir une couverture pour le débordement de cours d’eau pour certains secteurs, tout en excluant d’autres. C’est un produit qui n’était pas offert dans le passé et qui l’est maintenant en 2022. Pourrait-on voir des compagnies en faire autant dans le futur pour les mouvements de sols et les glissements de terrain ?
« On serait favorable à ce qu’un avenant du genre soit proposé dans le futur, répond Richard Cantin. Nos clients pourraient être mieux protégés. Plus il y a de solutions à leur disposition, mieux c’est. Bien sûr, ce serait à ceux qui sont à risque de décider s’ils le prennent ou pas, mais au moins, la protection serait disponible ».