L’harmonisation règlementaire entre les secteurs de l’assurance et des valeurs mobilières est un sujet qui préoccupe les régulateurs depuis de nombreuses années, tant au Canada qu’à l’international. Au Québec, l’Autorité des marchés financiers estime que « le fruit est mûr » et qu’il est donc temps de tenir une réflexion à ce sujet. Celle-ci s’oriente vers la soumission des fonds distincts et des fonds communs aux mêmes règles en matière de divulgation des commissions.ja_23_03_img10

Le régulateur a abordé le sujet lors d’un panel tenu à la mi-novembre dans le cadre de son Rendez-Vous annuel. L’Autorité se questionnait alors au sujet de la possible uniformisation de l’encadrement de certains produits d’assurance et de valeurs mobilières, jugés similaires pour assurer le bon fonctionnement du secteur financier. Les fonds distincts, commercialisés par les assureurs, étaient particulièrement visés par cette réflexion.

Si les disparités entre ces différents produits se justifient par les spécificités propres à chaque secteur d’activité, c’est la différence dans leur mise en conformité qui peut être remise en question. Cet encadrement à géométrie variable pourrait contribuer, à terme, à la création d’écarts règlementaires, potentiellement contraires au bon fonctionnement du secteur financier et à l’intérêt du consommateur, a fait valoir Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution de l’Autorité, qui agissait à titre d’animateur du panel.

« À plusieurs reprises, l’Autorité a été interpellée sur les risques d’arbitrage règlementaire, notamment par l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). L’Autorité se doit donc d’avoir cette réflexion en compagnie des acteurs de l’industrie, souligne Louise Gauthier, directrice des pratiques de distribution et des OAR, à l’Autorité des marchés financiers. L’industrie des valeurs mobilières est en train de changer son fusil d’épaule et vante aujourd’hui l’encadrement. Je pense que le fruit semble mûr pour la réflexion que nous engageons aujourd’hui. »

Pour Bruno Michaud, vice-président principal, administration et ventes, chez Industrielle Alliance, le besoin de revoir la règlementation de ces produits est moindre, la protection du consommateur étant, selon lui, assurée. « En matière d’expérience client, de fonds communs ou de fonds distincts, c’est la même chose. Les deux produits sont identiques, mis à part la garantie d’assurance. D’un côté comme de l’autre, le client est protégé sur le plan de la sécurité et de la conformité », dit-il.

Il est vrai que tous ces concepts d’encadrement et de conformité sont très loin des questions que se pose le consommateur, qui recherche plutôt un guide l’aiguillant à travers l’ensemble des produits existants, souligne Stéphanie Grammond, chroniqueuse spécialisée en finances personnelles pour le quotidien La Presse.

« L’OCRCVM a publié un rapport qui prouve que le consommateur ne se souvient pas du titre de son conseiller ni des produits souscrits, surtout quand les qualités sont assez semblables. Pour l’investisseur, la frontière entre tous ces produits est bien fine », dit-elle.

Quelles règles pour les fonds distincts?


En 2009, le G20 avait demandé au Forum conjoint international, composé de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance et du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, de revoir les différentes approches règlementaires pour les secteurs bancaires ainsi que ceux des valeurs mobilières et de l’assurance. Le G20 avait aussi demandé au Forum conjoint de faire des recommandations quant aux améliorations à apporter.

 

Ce travail a cheminé jusqu’au Québec, ont fait remarquer les panélistes. Ainsi, à partir de juillet 2016, les conseillers financiers seront tenus de présenter une information plus précise à leurs clients, en vertu d’une nouvelle règlementation sur le commerce des valeurs mobilières. Chaque année, ils devront remettre un tableau d’amortissement à leurs clients. En ce qui concerne les frais, le conseiller devra désormais les publier en dollars courants.

« Selon moi, la divulgation des commissions ne va pas changer la donne. En revanche, il y a un risque d’iniquité dans la distribution des fonds communs. Il va se créer des débats, prévient Bruno Michaud. Il faut les mêmes règles entre les fonds communs et les fonds distincts. »

Stéphanie Grammond se réjouit de l’arrivée de ces nouvelles règles. « C’est une très bonne nouvelle, car la moitié des épargnants ne connait pas le rendement de ses produits. Je pense qu’il y aura des effets positifs dans la relation entre les épargnants et leurs conseillers. »

Elle souhaite aussi une uniformisation règlementaire entre produits de valeurs mobilières et produits d’assurance. « Il faut maintenant appliquer ces mêmes règles aux fonds distincts, ajoute-t-elle. Pourquoi certains n’auraient-ils pas à se fier aux règles? Les fonds communs et les fonds distincts doivent avoir les mêmes règles. »

Vers une redéfinition du rôle du conseiller


Du côté de l’Autorité, même son de cloche. Alors que l’on se félicite de l’arrivée de ces nouvelles normes, il faut maintenant les harmoniser entre tous les produits similaires. « On a atteint le bon niveau de quantité d’informations transmises au client, souligne Louise Gauthier. Je pense que l’industrie de l’assurance doit à son tour adopter les mêmes règles. »

 

« Dans la vente de produits de valeurs mobilières comme de produits d’assurance, il y a trois grandes étapes : l’analyse de besoin en assurance qui correspond à la connaissance du client, la mise à jour des informations sur le client et, enfin, la connaissance des produits. Au bout du compte, le conseiller doit avoir les mêmes obligations », dit Mme Gauthier.

Autre question centrale : la redéfinition du rôle de conseiller liée notamment à l’avènement des nouvelles technologies et à la souscription sur Internet. « En assurance et en valeurs mobilières, le conseil est réservé aux inscrits, aux professionnels, prévient Louise Gauthier. Or, les assureurs réclament la possibilité de vendre des produits en ligne sans l’intervention d’un conseiller. Si un produit est proposé sur Internet, il doit être soumis à la même règlementation, quels que soient les outils utilisés », dit-elle.

« La notion de conseil est-elle amenée à évoluer? », s’interroge pour sa part Bruno Michaud. « Internet est justement là pour que le client ne fasse pas de faux pas. Le conseiller et Internet doivent travailler en complément. »

 


 

 

MRCC2 mis en œuvre le 15 juillet 2016


Dans le cadre des réformes du Modèle de relation client-conseiller, phase 2, couramment appelé le MRCC2 dans l’industrie, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) exigeront une divulgation améliorée du cout des placements. Amorcées depuis juillet 2013, ces réformes seront mises en œuvre intégralement le 15 juillet 2016.

 

À cette date, les cabinets de fonds communs devront divulguer en dollars sur le relevé de compte annuel du client le total des commissions versées aux cabinets certifiés par l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM). Ils devront le faire pour la période couverte par le relevé et pour l’ensemble des actifs détenus par le client auprès de son conseiller en épargne collective. Les frais à divulguer incluent les commissions de suivi, les frais de référence et toute autre rémunération.