Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré la culpabilité de Guy Lampron (certificat no 118 869) dans deux dossiers distincts. Dans le premier, il a été déclaré coupable de 21 des 24 chefs de la plainte. Dans le second, il est déclaré coupable sous l’unique chef de la plainte. 

La présentation de la preuve par les procureurs du syndic de la Chambre a nécessité 12 journées d’audience, à partir d’octobre 2019. Il y a eu une pause de 34 mois avant la reprise de l’audience en octobre 2022, et celle-ci s’est conclue le 25 juillet 2023.

Après 18 mois de délibération par les membres du comité, le jugement a été rendu le 2 avril dernier. La sanction dans les deux dossiers sera déterminée plus tard. 

L’affaire est complexe et concerne la contribution de l’intimé aux infractions commises par Claude Martineau, lequel a pu exercer le métier de représentant en assurance de personnes sans détenir de permis à cet égard. 

L’intimé Lampron est conseiller en sécurité financière depuis 1970, occupant notamment la vice-présidence au développement des affaires d’un cabinet de services financiers. À partir de 2014, il retourne à la pratique comme conseiller autonome auprès du même cabinet. 

Après le départ de son adjointe en mars 2014, M. Lampron cherche quelqu’un pour la remplacer. En avril 2015, il n’a trouvé personne et il est débordé, car il vient d’acheter une clientèle. L’intimé avait besoin des services d’un adjoint, car il devait mettre à jour les dossiers des clients dans les 12 mois suivant l’acquisition.

En mai 2015, M. Martineau se présente et offre ses services comme adjoint administratif. Les deux hommes se connaissent près de 40 ans, après avoir travaillé ensemble pour le même cabinet. Le travail attendu de M. Martineau excluait la vente de produits financiers. 

M. Martineau avait aussi été l’assistant du représentant Paul-André Bélisle, lequel a aussi vécu des soucis en matière déontologique pour des infractions de même nature que celles reprochées à M. Lampron. 

Article 35 du Code de déontologie 

La première plainte (dossier CD00-1340) comprend 24 chefs où 11 clients de plusieurs régions ont souscrit des produits d’assurance. L’infraction retenue pour 21 des 24 chefs est proscrite par l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre.

La déclaration de culpabilité comporte aussi des infractions à d’autres dispositions, mais le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures, en vertu du principe prohibant les condamnations multiples. 

L’intimé est acquitté pour les chefs 10, 11 et 19 de la plainte. Le comité l’acquitte aussi sous l’article 3 du Code de déontologie de la Chambre pour les 21 chefs. 

L’intimé Lampron signe les propositions à titre de représentant et, lorsque requis, comme témoin de la signature du client, mais toute la documentation est complétée par M. Martineau. Parfois, les témoignages des clients mentionnés dans la plainte rapportent que M. Lampron n’était pas présent lors de la signature. 

En décembre 2015, en découvrant que M. Martineau a été condamné un an plus tôt, l’intimé allègue qu’il lui a enlevé les nouveaux clients pour ne conserver que les dossiers actifs. Finalement, en janvier 2016, il affirme qu’il a mis un terme à sa relation d’affaires avec M. Martineau. Or, trois des clients ont été rencontrés après cette date. 

Dans son analyse, le comité souligne que huit clients sont venus témoigner des circonstances lors de leur souscription de produits. Dans tous les cas, il est établi que M. Lampron n’a pas signé comme témoin, que ce soit en personne ou via le téléphone. Certes, la mémoire de certains témoignages, faits plusieurs années après les événements, peut soulever des contradictions. Mais leur description du rôle de M. Martineau lors de la souscription des produits est persistante et crédible. 

La preuve documentaire suffit pour les trois autres clients à convaincre le comité que l’intimé a commis l’infraction qui lui est reprochée. Par ailleurs, dans le cas de l’intimé, le comité rapporte que « son témoignage était, à plusieurs égards, fuyant, réticent ou évasif. Bref, le comité conclut que le témoignage de M. Lampron n’était ni honnête, ni sincère, ni fiable ». 

Par exemple, la preuve sur la rémunération accordée à M. Martineau contredit les explications selon lesquelles il peinait à trouver un adjoint administratif en raison du salaire offert. 

Il n’y a pas de déclaration de culpabilité pour les chefs 10 et 19 de la plainte, car la preuve de la syndique n’est pas assez convaincante quant au rôle joué par M. Martineau à l’égard des consommateurs visés. L’intimé est aussi acquitté pour le chef 11 en raison de la preuve contradictoire concernant sa présence comme témoin lors de la signature. 

Lien avec la profession 

Dans la deuxième plainte (dossier CD00-1347), la syndique Lysane Tougas rappelait le jugement sur culpabilité rendu à l’encontre de M. Lampron le 15 octobre 2018 par la Cour du Québec. Le comité déclare l’intimé coupable sous l’unique chef. 

La plainte énumère trois infractions pénales qui ont un lien avec la profession, ce qui contrevient à l’article 149.1 du Code des professions. Cette disposition autorise le syndic à saisir le comité de discipline en lien avec toute décision judiciaire déclarant un professionnel coupable à une loi du Québec, si cette décision a un lien avec la profession. 

Les trois infractions pénales retenues concernent des dossiers où des clients de la région de Trois-Rivières ont été mis en relation avec Claude Martineau, entre juillet 2015 et mars 2016. Dans les trois cas, l’intimé Lampron a aidé M. Martineau, par acte ou omission, à agir comme représentant. 

« Les infractions pour lesquelles M. Lampron a été reconnu coupable découlent de son non-respect de la loi lui accordant le privilège d’exercer sa profession », indique-t-on au paragraphe 285. Le fait d’aider M. Martineau à agir sans permis « dénote un manque d’honnêteté, de sincérité et de probité dont doit faire preuve tout représentant pour assurer la protection du public ». 

L’intimé ne contestait pas l’existence de la plainte pénale et le lien avec la profession. Il a fait valoir une défense d’erreur de droit et de fait causée par des personnes en autorité, soit son avocat et la procureure agissant au nom de l’Autorité des marchés financiers, qui agissait au nom de la poursuite dans le dossier pénal. 

Guy Lampron affirme qu’il a reconnu sa culpabilité à la plainte pénale pour lui éviter un procès coûteux et parce que les procureurs « lui ont laissé croire que ce plaidoyer n’aurait pas d’autres conséquences sur son permis d’exercice ». Son interprétation découle d’un échange de courriel du 11 octobre 2018 entre les procureurs, qui est reproduit au paragraphe 289 de la décision du comité. 

« Le seul moyen pour le professionnel de remettre en cause la déclaration de culpabilité est l’appel », rappelle le comité, ce qui évite de refaire le procès qui a déjà eu lieu. La plainte dans ce dossier a été déposée en novembre 2018. Depuis, l’intimé n’a entrepris aucune démarche pour retirer ses aveux ou obtenir une rétractation de jugement. 

« Retenir la défense de Lampron implique d’écarter l’existence de la décision rendue par la Cour du Québec ou de la contredire, ce que le comité ne peut faire. » 

Les échanges entre les procureurs visaient à clarifier les conséquences de la condamnation en lien avec l’article 219 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). Ces échanges ne pouvaient empêcher la syndique d’utiliser son pouvoir de déposer une plainte en vertu de l’article 149.1 du Code des professions, selon le comité.