La Terre subit plus de catastrophes naturelles.

Un consensus scientifique s’en dégage : cette hausse est attribuable au changement climatique.

Bien que les réassureurs aient augmenté leurs efforts pour incorporer les effets du changement climatique dans leur prise de décisions, plusieurs d’entre eux devraient renforcer cet aspect de leur gestion, estime S&P Global Ratings dans un rapport intitulé Global Reinsurers Grapple With Climate Change Risks. La firme de notation estime que les réassureurs sous-estiment leur exposition à ce risque, parfois de 33 % à 50 % selon les compagnies évaluées. La firme de notation révèle par ailleurs que ce sont « seulement » 35 % des réassureurs qu’elle évalue qui ajoutent une composante spécifique liée au changement climatique dans leur tarification.

« Les risques non modélisés et les difficultés inhérentes à attribuer l’occurrence d’événements extrêmes au changement climatique créent le risque que ce bouleversement ne soit pas pleinement reflété dans la modélisation des catastrophes des réassureurs, en particulier à court terme, affirme Dennis P. Sugrue, analyste de crédit chez S&P Global Ratings. Les entreprises qui adoptent une approche plus proactive pour comprendre et adapter leur exposition au risque climatique seront mieux protégées contre la volatilité future des capitaux et des revenus liés aux pertes liées au climat. »

S&P Global Ratings affirme craindre que les réassureurs, mais aussi les assureurs, considèrent que le risque posé par le changement climatique ne les touchera pas à l’heure actuelle. « Ils pensent qu’ils ont encore la possibilité de tarifer annuellement leurs polices d’assurance couvrant des biens. Toutefois, le consensus scientifique pointe vers le fait que le changement climatique influence déjà la fréquence et l’intensité des événements météorologiques violents. Cela fait hausser les pertes assurées », peut-on lire dans le rapport de la firme de notation.

Capitaux en danger

Celle-ci a d’ailleurs fait une comparaison sur 30 ans entre les mouvements historiques des taux de prime pour l’assurance catastrophe mondiale et le montant des augmentations de taux estimées nécessaires pour tenir compte des pertes futures liées au climat. « Notre analyse démontre clairement que simplement tarifier annuellement ses polices n’est pas une solution sur laquelle les réassureurs devraient s’appuyer. Nous considérons que l’exposition aux risques physiques du changement climatique est un facteur clé dans nos notations de 19 des 21 réassureurs les mieux notés, principalement grâce à nos évaluations d’exposition aux risques », révèle S&P.

La firme de notation ajoute que son scénario met en évidence que pour les événements les plus récurrents, soit ceux survenant une fois par 50 ans ou plus, il existe un risque que l’exposition de l’industrie soit sous-estimée. Par le fait même, S&P dit croire que l’exposition des réassureurs et des assureurs aux événements ne devant survenir qu’une fois aux 200 ans ou aux 250 ans est aussi sous-estimée. Pour le pallier, les réassureurs et les assureurs n’auront d’autre choix que d’augmenter leurs réserves de capitaux, estime l’entreprise de notation.

L’exemple français

Pour appuyer ses dires, S&P donne en exemple les récents résultats de tests de résistance menés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution auprès des banques et des assureurs en France. Le régulateur a découvert que les taux de sinistralité des catastrophes naturelles pourraient être multipliés par deux à cinq d’ici 2050, ce qui se traduirait par une augmentation des primes pour assurer les catastrophes naturelles en France de 130 % à 200 % sur la même période, soit une augmentation moyenne annuelle de 2,8 % à 3,7 %.

« Ces exemples montrent à quel point il peut être difficile pour le secteur d’augmenter les prix sur une période plus longue de 30 ans, alors que les cycles actuels de hausse des prix sont beaucoup plus courts et suivent généralement des événements de perte régionaux », fait valoir S&P.

Et encore, la firme de notation fait remarquer que le marché de l’assurance de dommages est dans une phase de resserrement qui prévaut depuis 2018. Il résulte d’ailleurs des nombreuses catastrophes naturelles survenues en 2017.

« Il se peut que les assureurs considèrent avoir des réserves suffisantes pour le moment et qu’ils banalisent la chose », se demande S&P.