Après s’être blessée à la suite de deux chutes survenues en 2020, la consommatrice soumet un formulaire de réclamation d’invalidité en vertu de son contrat individuel d’assurance accident. La compagnie conteste la réclamation au motif que son invalidité est causée par une maladie, et non un accident. Le tribunal donne plutôt raison à l’assurée.
Dans un jugement rendu à Montréal le 24 septembre dernier, la juge Mélanie Dugré de la Cour du Québec condamne la société Industrielle Alliance, Assurances et services financiers (IAASF) à verser les prestations prévues, de même que le congé de paiement de la prime pour une période de 7 mois et demi.
Le contexte
L’assurée Siham Khattar travaillait à temps partiel comme préposée au remorquage pour la Ville de Montréal et aussi comme conductrice d’une voiture taxi. Elle est détentrice d’un contrat individuel d’assurance accident émis par IAASF et qui est valide du 14 juillet 2021 au 1er août 2022.
La consommatrice se retrouve en situation d’invalidité à la suite de chutes survenues le 1er mars 2020, alors qu’elle accomplissait ses tâches pour la municipalité, et le 20 mai 2020. Le formulaire de réclamation d’invalidité est soumis à l’assureur le 25 juin 2020. Parallèlement, la Commission des normes, de l’équité et de la sécurité du travail (CNESST) est aussi interpellée, comme la première chute a eu lieu sur le lieu de travail.
La cliente souffre d’une déchirure du ménisque interne du genou gauche, d’une fracture du pied gauche et de plusieurs contusions. Le Dr Yves Charbonneau confirme les blessures subies par la demanderesse et précise que cette dernière est en attente d’une consultation en orthopédie.
Le 3 décembre 2020, l’assureur confirme qu’il accepte la réclamation à l’issue de l’expiration du délai de carence, soit à compter du 31 mars 2020. Pour la période commençant le 26 octobre 2020, l’assurée doit soumettre une nouvelle demande d’indemnité et produire les renseignements demandés.
Le 14 juillet 2021, le Dr Alain Roy, chirurgien orthopédiste, est mandaté par l’assureur pour procéder à une expertise de la condition de l’assurée. Dans son rapport, il conclut à l’absence de limitations fonctionnelles chez la demanderesse, en plus de constater la disproportion entre les résultats objectifs de son examen et les plaintes subjectives de la patiente. Le 20 août 2021, l’assureur informe la demanderesse que le paiement des prestations a pris fin le 14 juillet 2021.
La Dre Clara-Flore Moukhtar, médecin traitante de l’assurée, reconnaît cette disproportion entre les symptômes ressentis et la blessure, mais elle est d’avis que sa patiente n’est toujours pas apte au travail. Selon elle, les douleurs sont devenues chroniques et la limitent dans ses activités quotidiennes.
Le tribunal accorde une valeur probante plus importante à l’opinion de la médecin traitante qu’à celle du chirurgien orthopédiste, lequel n’a fait qu’un seul examen de la demanderesse. Devant le tribunal en août 2025, Mme Khattar témoigne que de juillet 2021 à août 2022, elle était incapable de fonctionner et avait besoin d’aide pour la plupart des tâches au quotidien.
Un voisin de la dame confirme les difficultés de cette dernière, de même que sa nièce, qui a quitté son pays en octobre 2021 pour venir l’aider à son domicile. Le tribunal estime que l’assurée a prouvé que son état de santé la rendait inapte au travail de juillet 2021 à août 2022.
La clause
L’assurait conteste la réclamation au motif que, même si l’assurée était réellement inapte à accomplir les fonctions de son occupation régulière, son invalidité était causée par une maladie, et non un accident. Or, le contrat comprend une exclusion si l’invalidité est reliée à une maladie. Concernant la clause d’exclusion, il est précisé au contrat que toute invalidité découlant d’une maladie est exclue, même si cette dernière a été contractée de façon accidentelle.
Toutefois, le tribunal estime qu’elle ne s’applique pas au présent dossier. L’assurance souscrite est un contrat d’adhésion et les conditions imposées ne sont pas négociables. Puisque l’assurée a prouvé son invalidité, il appartient à l’assureur de prouver que l’exclusion s’applique. Celle-ci est interprétée de manière restrictive et en cas de doute, la balance penche en faveur de l’assurée.
L’assureur allègue que le caractère chronique des douleurs constitue une maladie, laquelle est constatée à partir du 14 juillet 2021 par le Dr Roy. Selon le tribunal, IAASF « ne soumet aucune expertise ni opinion médicale au soutien de sa position ». Elle se limite aux résultats d’examens radiologiques et aux diagnostics des médecins.
Si la cause de l’invalidité s’est transformée en cours de route pour devenir une maladie, l’assureur doit préciser à quel moment et dans quelles circonstances cette évolution a eu lieu, ce qu’il ne fait pas. Le tribunal conclut que l’assureur n’a pas prouvé que la clause d’exclusion s’appliquait au présent dossier.
La condamnation
Par ailleurs, IAASF soutenait que les prestations d’invalidité payables après les 24 premiers mois d’invalidité doivent être intégrées aux prestations versées par la CNESST, de telle sorte qu’aucune prestation n’était payable au-delà du 28 février 2022.
Sur cet aspect du dossier, le tribunal confirme que l’assureur peut intégrer les prestations versées par la CNESST, lequel excède le montant de 1 000 $ de la prestation d’invalidité prévue au contrat. Aucune somme n’est donc payable par l’assureur après le 28 février 2022.
La valeur des prestations d’invalidité pour la période du 14 juillet 2021 au 28 février 2022 est estimée par les parties à 7 533,33 $. À cette somme s’ajoute l’exonération de la prime mensuelle de 59,05 $ durant la même période, soit 484,44 $.
L’assureur est donc condamné à rembourser la somme de 8 017,77 $ à la demanderesse. À cela s’ajoutent les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle depuis la mise en demeure datée du 28 septembre 2021.
Selon le calculateur du Barreau du Québec consulté par le Portail de l’assurance, comme la dette est due depuis près de 1 500 jours, le montant total à verser par l’assureur est d’environ 10 700 $, plus les frais de justice de 230 $ à rembourser à la demanderesse.