Un tiers des emprunteurs ayant demandé un report de paiement l’ont fait par précaution ou pour rembourser d’autres dettes, et non pas pour pallier des pertes de revenu dues à la COVID-19, selon la plus récente enquête de la Banque du Canada sur les attentes des consommateurs au pays.

Il y a donc lieu d’être optimiste quant à la capacité de ces emprunteurs à reprendre leurs paiements comme avant, à la fin de leur période de report, a affirmé Toni Gravel, sous-gouverneur à la Banque du Canada, lundi, lors des RDV de l’Autorité des marchés financiers.

Le risque d’une vague de défauts de paiement chez les consommateurs est faible, dit-il. Plus de 99 % des ménages ayant profité de reports de paiement ont recommencé à rembourser leurs emprunts normalement, ajoute-t-il.

Il est toutefois trop tôt de conclure avec précision les effets sur les prêts hypothécaires, puisque de nombreux reports de paiement à ce chapitre sont arrivés à échéance seulement en octobre. « Nous ne saurons sans doute pas exactement combien de propriétaires sont en retard sur leurs versements hypothécaires avant la fin de l’année ou le début de 2021 », précise M. Gravel. Même si le risque de défaillances généralisées semble bien maîtrisé, il faut surveiller de près les vulnérabilités sous-jacentes, dit-il.

La Banque du Canada entend garder les taux d’intérêt bas pendant encore un temps pour favoriser une large reprise de l’activité économique.

Couteau à double tranchant

En soutenant les emplois et les revenus aujourd’hui, la politique monétaire a contribué à atténuer les risques financiers liés au fort ralentissement économique et à la hausse du chômage qui ont découlé de la pandémie. Or, de bas taux d’intérêt sont susceptibles d’accroître les principales vulnérabilités financières et, du même coup, de nuire à la capacité du système financier et de l’économie de résister à d’autres chocs.

C’est là que des politiques macroprudentielles ciblées, comme les tests de résistance visant les intérêts hypothécaires, jouent un rôle important pour limiter l’accroissement des vulnérabilités. Il est donc essentiel que tous les décideurs surveillent de près la façon dont celles-ci évoluent, dit Toni Gravel.

La dette des ménages

Le ratio de la dette au revenu des ménages a chuté au deuxième trimestre, passant de 175 à 158 %. Cette baisse s’explique en grande partie par les prestations gouvernementales, qui ont augmenté les revenus de bien des ménages, explique le sous-gouverneur de la Banque du Canada. En fait, l’endettement des ménages en tant que tel n’a pratiquement pas changé, malgré des différences significatives entre la dette de consommation et la dette hypothécaire.

La dette de consommation a diminué depuis le début de la pandémie. Une réduction d’à peu près 15 % des soldes de cartes de crédit a été observée. Les ménages ont soit été en mesure de rembourser les dettes ou ont augmenté leur épargne, dit M. Gravel. Cela s’est probablement produit parce que les travailleurs dans les secteurs où le télétravail est davantage possible sont plus susceptibles d’avoir conservé leur emploi. Les gens dépensent aussi moins en articles non essentiels. Ils ont ainsi moins eu recours au crédit dans l’ensemble, surtout au printemps et au début de l’été, ajoute-t-il.

Quant à la dette hypothécaire, elle compte pour la majeure partie de la dette des ménages, dit Toni Gravel. Elle a continué d’augmenter à un rythme soutenu. La raison étant qu’en dépit des bas taux d’intérêt, les gens préfèrent les logements plus spacieux, ajoute M. Gravel, et c’est d’autant plus vrai depuis la recommandation de se confiner à la maison.

La diminution du nombre d’immigrants et d’étudiants étrangers pendant la pandémie est un autre facteur qui pèse sur la demande de logements en copropriétés. Du côté de l’offre, le ralentissement du marché de la location pourrait inciter certains investisseurs immobiliers à mettre en vente leurs logements locatifs. En octobre, le nombre de logements en copropriété à louer à Toronto était 210 % plus élevé que l’année précédente et le loyer moyen était 13 % plus faible. Compte tenu des nombreux chantiers entrepris avant la pandémie, des milliers de logements entreront sur le marché en 2021.

L’impact sur le système financier

Plus le système financier est résilient, plus il sera en mesure d’aider les Canadiens à composer avec la pandémie. La Banque du Canada a conclu que les banques avaient des volants de fonds propres suffisants pour faire face à la situation actuelle. Un signe d’un système financier robuste et résilient, dit Toni Gravel.

Le pays est maintenant dans la phase de récupération qui se caractérise par une croissance plus lente. Il manque encore autour de 640 000 emplois par rapport au niveau d’avant la pandémie. Il est d’autant plus possible que les difficultés aillent en s’aggravant, et que les vulnérabilités financières s’amplifient, croit le sous-gouverneur de la Banque du Canada.

Les professionnels du secteur financier ont cependant généralement confiance dans la capacité du système financier de faire face à un choc majeur selon une étude de la Banque du Canada. Environ 98 % des répondants se sont déclarés au moins « plutôt sûrs » que le système financier pourrait résister à un tel choc. Ils sont aussi d’avis que les risques se sont considérablement accrus.