L’assureur refuse de payer la réclamation, mais il ne réussit pas à prouver que la cause de l’effondrement d’une partie d’un immeuble est l’une des exclusions prévues au contrat. En conséquence, la protection de la police d’assurance a préséance sur l’exclusion et l’assurée doit être indemnisée.
Ce jugement du 8 janvier 2025 a été rendu par la division des petites créances du district de Longueuil de la Cour du Québec. La juge Chantal Sirois a entendu l’affaire le 25 octobre 2024.
Le tribunal condamne la défenderesse à payer l’indemnité réclamée par la demanderesse d’une somme de 4 659,15 $. S’ajoutent à ce montant les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle, plus les frais de justice de 264 $.
L’assurée qui a intenté la procédure est l’Église Baptiste de la Rive-Sud. La défenderesse qui refusait de payer les dommages est Northbridge Compagnie d’assurance. L’Église était propriétaire d’un bâtiment à Longueuil depuis le 1er juin 2017. Elle y tenait ses activités de culte, de formation et des activités communautaires.
Le 24 février 2021, un préposé de l’organisme constate que la corniche du bâtiment s’est partiellement effondrée au sol. En s’effondrant sous le poids de la neige et de la glace accumulées sur le toit du bâtiment, la corniche a entraîné une partie du mur de brique adjacent.
L’indemnité réclamée correspond au coût de réparation du mur de brique, auquel on a soustrait certaines taxes et le montant de franchise prévu au contrat d’assurance. L’Église ne veut pas remplacer la corniche et ne réclame pas d’indemnité à cet égard.
Bâtiment défectueux
L’assureur niait la couverture en alléguant que les dommages sont survenus en raison d’une condition préexistante du bâtiment. Northbridge ajoute que la construction ne respectait pas les règles du Code du bâtiment et qu’un tel vice de construction est relié à l’une des exclusions prévues au contrat.
À cet égard, le tribunal rappelle que la police d’assurance est un contrat d’adhésion. En cas de doute, il doit toujours être interprété en faveur de l’adhérent, soit l’assuré. « Toute exclusion doit s’interpréter de façon restrictive », ajoute la juge Sirois en citant de nombreux litiges tranchés par les tribunaux supérieurs.
Dans la présente affaire, l’assurée a prouvé la possibilité de la protection prévue au contrat. Tous les risques sont couverts, incluant les dommages au bâtiment causés par le glissement ou le poids de la neige et de la glace accumulées sur une structure du bâtiment.
« Il incombe alors à l’assureur de prouver que la protection est écartée sans équivoque par une clause claire et que la protection devient impossible », ajoute le tribunal.
Le 18 mars 2021, un évaluateur après sinistre est mandaté par l’assureur pour visiter le site. Sur sa recommandation, un ingénieur est par la suite chargé de déterminer la cause probable de l’effondrement d’une partie du mur.
Le 22 mars 2021, l’assureur fait enlever les débris de la corniche et en dispose de façon unilatérale, avant même que l’ingénieur procède à son investigation sur les lieux du sinistre.
Le 13 mai 2021, après s’être conduit comme si la réclamation était fondée, l’assureur nie la couverture en invoquant la clause d’exclusion, sur la base du rapport de l’ingénieur.
L’expertise lacunaire
Le rapport consiste en huit paragraphes dans un courriel. Le caractère sommaire de ses observations est souligné par le tribunal, qui déplore également l’enlèvement prématuré des débris de la corniche.
L’ingénieur affirme que la corniche, d’une largeur de deux pieds, était fixée à la charpente du bâtiment par des vis d’une longueur insuffisante. De plus, elle était fixée au mur de brique, lequel n’exerce pas une fonction structurale.
À son avis, cette installation artisanale est une dérogation au Code national du bâtiment. Il ne précise pas à quelle version ni à quel article du document cette dérogation se réfère.
L’expert n’a considéré aucune autre cause possible de l’effondrement de la corniche, « ce qui est une grave lacune dans la méthodologie de l’ingénieur ». Pourtant, l’évaluateur mandaté par l’assureur a lui-même suggéré que le poids de la glace était à l’origine des dommages.
Le tribunal conclut que le rapport de l’ingénieur « donne une impression de complaisance » envers l’assureur qui l’a mandaté. Il n’a réalisé aucun test ni analyse pour étayer son explication sur la cause de l’effondrement. Son opinion est écartée par le tribunal en raison de son caractère bâclé, de la méthodologie et de l’absence de référence aux normes applicables.
La cause probable de l’effondrement demeure inconnue, car trop de facteurs ayant pu contribuer au sinistre n’ont pas été évalués. L’analyse minutieuse des photos déposées en preuve tend à démontrer que le poids de la neige et de la glace ont entraîné la corniche au sol à la suite d’un mouvement subit.
En conséquence, Northbridge n’a pas prouvé la détérioration graduelle du bien assuré ni le lien entre le sinistre et un vice de construction. Si tel est le cas, il ne s’agit pas là de la seule destruction d’une section du mur de brique pour laquelle l’assurée réclame l’indemnité prévue au contrat d’assurance.
La jurisprudence établit que lorsqu’il existe des causes concurrentes du sinistre, l’une couverte et l’autre exclue, la protection du contrat doit prévaloir. « Une police d’assurance de type tous risques doit donc recevoir une interprétation large et libérale qui assure l’accomplissement de son objet », écrit le tribunal.
Northbridge n’a pas réussi à démontrer que, sans une accumulation aussi importante de glace et de neige sur les extrémités du toit et de la corniche, l’effondrement se serait produit quand même. L’assureur est donc tenu d’indemniser l’Église.