Plusieurs dispositions du projet de loi 141 qui concernent l’abolition et l’intégration de la Chambre de la sécurité financière à l’Autorité des marchés financiers sont contraires aux usages et politiques législatives, voire même inconstitutionnelles, affirme la firme d’avocats Lavery.
La Chambre a mandaté cette dernière afin qu’elle émette un avis juridique sur la légalité de son abolition et pour identifier quelles seraient les difficultés administratives et sources de litiges qu’elle poserait.
Atteinte à la liberté d’association
L’avis d’une dizaine de pages évoque notamment la violation de la liberté d’association de la Chambre, puisque l’abolition n’a pas fait l’objet de l’accord du conseil d’administration et des membres, en plus d’être « injustifiée ».
« La liquidation de la Chambre, dans son volet associatif, ne répond à aucun objectif valable ou “suffisamment important”, indiquent les auteurs Jean Martel et Raymond Doray, avocats et associés. Il est difficile […] de soutenir que l’atteinte est raisonnable alors qu’elle contrevient à un engagement historique pris par le gouvernement à l’endroit de la Chambre et de ses prédécesseurs […]. »
Atteinte à la réputation
Également, Lavery avance que le mécanisme d’administration provisoire prévu au projet de loi 141 porte atteinte à la réputation de la Chambre, puisqu’il pourrait être considéré comme une mise sous tutelle. La tutelle est généralement réservée aux entreprises ou organismes qui ne sont pas en mesure d’assurer adéquatement leurs responsabilités de protection du public ou lorsqu’il y a malversation, mauvaise administration ou menace de leur part à la protection du public.
La Chambre s’en défend, alors que la firme d’avocats qualifie ce choix « d’inusité, inapproprié et foncièrement vexatoire ».
L’Autorité en situation de conflits d’intérêts
Par ailleurs, Lavery soutient également que le projet de loi 141 est flou sur la liquidation des biens de la Chambre, et que l’Autorité se place en conflit d’intérêts en étant le liquidateur et le futur possesseur des biens, fonctions et pouvoirs de la Chambre.
Les auteurs avancent même que la permission pour l’Autorité, sans autorisation judiciaire, de résilier ou résoudre tout contrat auquel la Chambre fait partie constitue une autre situation de conflits d’intérêts. Il s’agirait d’un pouvoir « purement discrétionnaire sans autre objectif que de donner lieu à la liquidation éventuelle de la Chambre qui serait conférée à l’Autorité, l’organisme qui bénéficierait directement de cette liquidation et de l’annulation ou rescision de contrats octroyés antérieurement par la Chambre ».
Incohérences dans l'application
Les auteurs avancent que le projet de loi prévoit aussi que l’Autorité puisse choisir les employés de la Chambre qu’elle garderait et qu’ils se verraient imposer le poste et les fonctions par l’Autorité, ce qui serait contraire aux usages et politiques législatives. Ils expliquent que cette situation pourrait multiplier les recours judiciaires.
Finalement, Lavery affirme que l’application des mesures serait problématique en raison de l’incohérence chronologique des mesures prévues. Le projet de loi dicte que la Chambre cessera son existence 30 jours après son adoption. Or, l’article 558 du texte proposé dit que la liquidation de la Chambre ne commencera que lorsque les mandats du comité de discipline prendront fin, ce qui pourrait prendre des mois ou même des années.
La firme conclut en disant que « les activités des comités de disciplines fonctionneraient dans un vide juridique à moins de terminer leur travail le mois qui suit la sanction du projet de loi, ce qui ne parait pas réaliste ».