La Commission d’accès à l’information (CAI) donne raison à la Chambre de la sécurité financière et rejette la demande de révision du conseiller en sécurité financière José Ariel de Trinidad.
Le juge administratif reproche cependant au responsable de l’accès à l’information de la Chambre d’avoir transmis des réponses évasives en avril 2020 concernant les documents demandés par le conseiller.
La décision de la CAI, datée du 29 juillet 2024, nous a été acheminée par le demandeur lui-même et n’est pas encore disponible dans les sites où l’on répertorie les décisions juridiques.
La demande était faite en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
Une longue saga
Le Portail de l’assurance a résumé en mai dernier les nombreux recours intentés par le conseiller de Trinidad auprès de multiples instances depuis qu’il a été sanctionné par le comité de discipline de la Chambre.
En mai 2021, l’intimé avait été déclaré coupable du seul chef de la plainte. Il a été condamné à une amende de 4 000 $ en décembre 2021.
Durant toute la procédure disciplinaire et depuis la sanction, l’intimé multiplie les requêtes en faisant valoir que la reconnaissance de sa culpabilité a été obtenue en raison des menaces qui lui auraient été faites par l’enquêteur de la Chambre.
Pour préparer sa propre défense, l’intimé avait demandé une copie de l’enregistrement de sa rencontre avec l’enquêteur. En prenant connaissance de la preuve divulguée et en visionnant la vidéo de l’entrevue, il n’y a pas retrouvé la séquence de l’incident où il affirme avoir été menacé par l’enquêteur.
La perte de l’enregistrement original serait imputable à une panne de courant survenue à l’automne 2018 à la Chambre. La panne a affecté l’unité de stockage où la version originale de la vidéo de l’interrogatoire était sauvegardée.
Convaincu que le fichier avait été altéré, il a changé son plaidoyer par la suite. En sus, il a traité le syndic de menteur. Selon lui, le bureau du syndic a multiplié les déclarations contradictoires concernant cet enregistrement, sur sa disparition ou sa disponibilité.
Depuis, il tente par tous les moyens d’obtenir la preuve que l’enregistrement original a été modifié ou altéré et que la Chambre en est responsable.
La demande de mars 2020
En mars 2020, le demandeur demande à la Chambre d’obtenir une série de documents et de renseignements reliés à la panne de courant ci-dessus mentionnée. Sa demande comportait 12 points distincts, laquelle référait à l’entrevue filmée du 25 mai 2018.
En avril 2020, la Chambre refuse de lui transmettre les documents demandés, en vertu des articles 28, 29 et 32 de la Loi sur l’accès. La Chambre renoncera plus tard à invoquer les articles 28 et 32 comme motifs de restriction à la communication.
L’intimé soumet ensuite une demande de révision auprès de la CAI. En cours d’instance, la Chambre remet au demandeur une copie de la politique interne de sa Direction de la déontologie et de l’éthique professionnelle (DDEP), au sein de laquelle œuvre le bureau du syndic, qui répond au point 4 de sa demande.
La Chambre soutient ne détenir aucun document se rapportant aux autres points, sauf dans le cas du point 6, où le demandeur réclame une information très pointue sur le type d’unité de stockage du réseau.
Le responsable de l’accès à la Chambre précise que des renseignements ont été repérés, mais que l’intégralité du document regroupant ces informations est refusée au demandeur en vertu des articles 14 et 29 de la Loi sur l’accès.
La Chambre allègue que la divulgation de ce document, où l’on trouve des détails sur les forces et les faiblesses des infrastructures technologiques de la Chambre, pourrait donner lieu à des attaques malveillantes.
Le demandeur maintient sa contestation en indiquant qu’il est invraisemblable qu’un organisme comme la Chambre refuse de donner accès à des documents sous le prétexte qu’ils sont introuvables ou n’existent pas.
Le point 6 de la demande est l’objet d’une analyse distincte par la Commission, qui conclut que les sections pertinentes du plan directeur comprennent des éléments qui ne peuvent être divulgués sans diminuer l’efficacité de la sécurité des systèmes d’information de la Chambre. « Ce document doit demeurer inaccessible en totalité », écrit la CAI au paragraphe 68.
Efforts suffisants
La CAI doit déterminer si la Chambre a repéré et transmis tous les documents demandés. La Commission considère que les recherches menées par l’organisme afin de repérer les documents ciblés par la demande d’accès sont suffisantes.
Le représentant de la Chambre indique que les investigations faites permettent d’établir que l’organisme ne détient pas d’autres documents que ceux déjà remis.
Au soutien de ses prétentions, la Chambre s’appuie sur les témoignages des deux témoins assignés, soit Me Gilles Ouimet, à l’époque syndic de l’organisme, et Christian Faubert.
L’ex-syndic explique notamment que le contenu de l’enquête conduite par son bureau est strictement confidentiel et conservé dans un espace fermé et distinct. Ces informations ne sont pas accessibles aux autres employés de la Chambre. Le syndic atteste qu’il ne savait pas que la Chambre avait subi une panne de courant qui a affecté la division des technologies de l’information.
Me Ouimet a commenté chacun des points de la demande de M. de Trinidad. Il a notamment rappelé que pour les points 9 à 11, le dossier visé relève du comité de discipline, une instance juridictionnelle indépendante du bureau du syndic.
De son côté, le vice-président exécutif de la Chambre et responsable de l’accès, Christian Faubert, a aussi témoigné. Il n’était pas en poste au moment de la première demande d’accès, mais il a eu connaissance de celle-ci comme responsable de la division des technologies de l’information et des archives.
Le rapport du technicien concerné par la panne a été fait de façon verbale à ses supérieurs, ce qui explique son témoignage devant le comité de discipline, poursuit-il. Il n’existe pas d’autres documents que ceux qui ont déjà été transmis au demandeur.
Le demandeur
Dans son témoignage, le demandeur soulève certaines contradictions dans les réponses données par la Chambre entre juin 2019 et avril 2020. Il conteste l’inexistence d’un rapport écrit sur la panne de courant en se basant sur le témoignage du technicien devant le comité de discipline.
L’ensemble des contradictions qu’il énumère lui laisse croire que la Chambre ne fait qu’éviter de lui fournir la preuve qu’il a été victime des menaces de la part de l’enquêteur et qu’il y a eu falsification de la preuve.
Dans sa décision, le juge administratif Normand Boucher ne donne pas raison au demandeur. « Tous les documents susceptibles de répondre à la demande d’accès ont été communiqués. » Le repérage des documents fait par l’organisme a été « sérieux et complet ».
Cependant, la CAI « se permet d’exprimer son étonnement quant à l’absence d’information relative à la panne de courant de 2018 et de ses impacts pour l’organisation ». Au moment où l’incident est survenu, l’organisme aurait dû avoir « une approche proactive » et signaler l’événement à la Commission, qui aurait pu accompagner la Chambre.
Le juge Boucher souligne aussi le caractère ambigu de la première réponse du responsable de l’accès de la Chambre en avril 2020. Ce dernier avait indiqué que si les documents demandés existaient, ils se trouvaient à la DDEP. Mais il n’a pas indiqué qu’il avait vérifié s’ils y étaient. Cette approche prudente est à proscrire et ne répond pas aux objectifs précisés aux articles 50 et 51 de la Loi sur l’accès, note la CAI.
Le responsable de l’accès doit motiver sa décision de refuser la transmission des documents demandés. Cette obligation vise à « permettre à ce demandeur d’exercer de manière éclairée les choix qui s’offrent à lui, dont celui de contester la décision et de se préparer adéquatement en prévision de la tenue d’un débat contradictoire ».
À propos du point 6 portant sur le plan directeur, la CAI conclut que les renseignements doivent être protégés en vertu du deuxième alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès.
Christian Faubert a pu témoigner à huis clos afin de fournir au juge administratif des précisions supplémentaires concernant le contenu du document et son caractère névralgique en matière de sécurité des renseignements personnels.
La version caviardée que réclamait le demandeur ne lui aurait pas permis d’en saisir le sens et risquerait même d’en altérer sa compréhension, estime la Commission. La CAI prend acte du document transmis au demandeur depuis le dépôt de la demande de révision et rejette la requête de M. de Trinidad.
Le rejet de la demande de révision ne met pas fin aux péripéties judiciaires. Le litige du conseiller avec le comité de discipline se poursuit devant la Cour supérieure du Québec.
De plus, le conseiller en sécurité financière a aussi fait une demande de révision à la Commission d’accès à l’information dans un litige qui l’oppose à l’Autorité des marchés financiers. La CAI doit entendre les parties le 17 octobre 2024.