Les systèmes d’arrière-guichet deviennent incontournables vu leur apport en conformité. Ces derniers ont toutefois le défi de faire circuler des données uniformes assurant des mises à jour plus conformes.
Selon Mike Donati, PDG de Bluesun, fournisseur du logiciel d’arrière-guichet WealthServ, les nouvelles réglementations issues du secteur des fonds communs tendent à s’étendre vers le secteur de l’assurance de personnes. M. Donati estime la barre de plus en plus élevée en conformité pour les agents généraux. Ils auront besoin de systèmes qui leur permettent de se différencier.
Vice-président vision et innovation de Solutions AGEman, Daniel Brisson renchérit. « La pression de la conformité est très grande sur les distributeurs ». Par exemple, ses clients distributeurs d’assurance qui sont affiliés aux courtiers en valeurs mobilières (comptes nationaux) ont des standards élevés de conformité.
« Nous faisons beaucoup de développements sur mesure pour eux, et l’argent n’est pas un obstacle pour ces clients, souvent affiliés à de grandes institutions financières. Les comptes nationaux souscrivent de gros dossiers d’assurance et sont assujettis au haut degré de conformité qui a cours dans les banques. Tout doit être vérifié et doit balancer à la cenne près. S’il y a trois commissions versées dans un dossier, il faut que ça colle », dit M. Brisson.
Les agents généraux s’affairent
PDG d’IDC Worldsource Insurance Network, Ron Madzia confirme qu’il est crucial pour les agents généraux d’offrir aux conseillers une plateforme qui offre entre autres des outils de conformité. Bien qu’un agent général n’ait pas le pouvoir d’obliger les conseillers à se servir de sa plateforme, M. Madzia soutient qu’il sera extrêmement important pour eux de le faire.
« Les conseillers qui n’ont pas leur propre outil de conformité ou qui n’utilisent pas le nôtre devront éventuellement composer avec le régulateur. Ce dernier deviendra plus sévère quant à la surveillance des conseillers et l’inspection des cabinets », soutient M. Madzia.
PPI Solutions s’affaire à rehausser ses systèmes pour répondre aux nouvelles exigences de conformité. « Il n’y a aucun doute que de nombreuses améliorations à nos systèmes auxquelles nous travaillons actuellement ont rapport aux exigences de conformité actuelles et à venir », dit son PDG, Jim Virtue.
Dans la perspective des nouvelles réglementations, M. Virtue rappelle que la conformité devient très importante pour PPI, pour les conseillers et les clients des conseillers. « Nous devons utiliser notre système d’arrière-guichet en conjonction avec d’autres outils de gestion, pour nous permettre de déceler les problèmes de conformité. »
Aider les conseillers
MICA Services financiers, dont le système AGEman bénéficie d’une passerelle avec le fournisseur de systèmes aux conseillers (front-office) Kronos Technologies, qui permet entre autres à ses conseillers d’accéder à Kronos ABF. « Nous pouvons aider nos conseillers à se bétonner en cas d’inspection de l’Autorité des marchés financiers. Nous leur disons : envoyez-nous vos analyses de besoins financiers. Nous les numériserons dans nos systèmes », a signalé son PDG Gino Savard.
Pas le choix d’avoir un système qui donne des outils de conformité, renchérit David Benamron, directeur des affaires en prestations du vivant et dossiers avancés à Financière MSA. « Surtout lorsqu’en cas d’inspection, l’Autorité demande au conseiller de sortir ses dossiers des six derniers mois. Avec la révision législative qui s’en vient au Québec, nous nous attendons d’ailleurs à ce que les conseillers soient rattachés à un seul agent général. Nous devrons alors faire nous-même l’inspection du conseiller. C’est beaucoup la conformité qui est derrière cela », dit M. Benamron.
Tim Fitzpatrick, PDG de VirtGroup, rappelle que l’agent général reçoit une commission de service pour desservir les affaires en vigueur. Les clients orphelins doivent se voir assigner un autre conseiller. Or, les agents généraux ont besoin des données pour le faire, explique-t-il.
« Après que la police soit livrée, il est presque impossible de garder les données à jour. Il y a aussi le problème de transfert de conseiller d’un agent général à l’autre, ou lorsqu’un bloc d’affaires se vend. Du côté de Fundserv qui traite les transactions de fonds communs et de fonds distincts, le transfert de données se fait automatiquement. Il n’y a pas de parallèle du côté de l’assurance », dit-il.
Les assureurs pointés du doigt
L’alimentation en données en provenance des assureurs pour les propositions (application notification), les affaires en cours (pending) et les affaires en vigueur (book of business) demeure cruciale. Leur uniformisation l’est tout autant.
Organisme qui encourage cette initiative à tous les niveaux de l’industrie, CLIEDIS développe les normes appelées CITS (Canadian Insurance Transaction Standards). Or, ce ne sont pas tous les assureurs qui y adhèrent, et leur nombre peut varier selon le type d’alimentation.
Pour l’heure, cinq manufacturiers alimentent VirtGate en données sur les propositions, huit en données sur les affaires en cours, et quatre sur les données sur l’en vigueur, reconnu comme le nerf de la guerre pour les agents généraux. « Le principal défi est que nous n’avons pas assez de feeds. Nous devons convaincre les assureurs de les créer. Lorsqu’il n’y en a pas, l’agent général doit faire l’entrée de données à la main, avec une interface écran », relate M. Fitzpatrick.
Il explique que cette résistance des assureurs provient du fait qu’investir dans des alimentations en données ne leur donne pas de bénéfices immédiats. Le PDG de VirtGroup estime que certains comprennent de plus en plus qu’investir en ce sens rapportera des bénéfices à long terme.
« Les assureurs doivent moderniser leurs systèmes »
Les assureurs ont aussi leurs systèmes d’arrière-guichet. PDG d’Equisoft, Luis Romero propose des solutions d’analyse de besoins et de gestion de patrimoine, ainsi que des solutions d’illustrations et de propositions électroniques en assurance. Il poursuit aussi sa mission d’inciter les assureurs à moderniser des systèmes d’arrière-guichet, en distribuant depuis déjà 12 ans au Canada la solution d’Oracle.
OIPA, pour Oracle Insurance Policy Administrator, a retenu entre autres les faveurs de La Capitale. Il est à l’étude chez d’autres assureurs de Québec que M. Romero n’a pas voulu nommer. Le temps presse d’agir pour les assureurs, insiste-t-il.
« Les systèmes d’arrière-guichet de plusieurs assureurs sont vieux. Ils sont souvent écrits en langages de programmation désuets, tels COBOL ou Assembleur, a-t-il observé. Beaucoup d’assureurs utilisent Ingenium, un système qui a près de 30 ans. Certains ont des systèmes de back-office qui remontent à 40 ans, voire 50 ans. Cela cause un problème d’innovation. Au moment de lancer un nouveau produit, il en coutera à l’assureur quelques millions de dollars pour adapter son système. »
Urgence maintenant
Pourquoi cette vétusté ? Il n’y avait pas la même urgence que maintenant, répond Luis Romero.
« Les assureurs sont allergiques aux risques et aux dépenses. Les projets sont scrutés à la loupe, dix fois plutôt qu’une. Pendant la préparation à la nouvelle fiscalité des polices, les assureurs ont surtout rapiécé leurs vieux systèmes, plutôt que d’en profiter pour les changer », a-t-il déploré.
La situation commence toutefois à évoluer. Il le constate lorsqu’il installe pour un assureur sa solution d’avant-guichet. Celle-ci permet aux clients d’interagir avec l’assureur, et requiert une communication avec son système d’arrière-guichet.
« Se connecter à un système écrit en COBOL, c’est plus compliqué. Ça ralentit le processus. Aux États-Unis, nos clients qui ont fait cette interface sont passés d’une émission de police de 45 jours à 10 minutes. Il y a un appétit chez les assureurs canadiens, maintenant qu’ils sont sortis de la crise et se sont habitués aux bas taux d’intérêt », a-t-il observé.
L’innovation peut aussi venir des plus petits assureurs qui sont plus agiles. Il prend l’exemple d’Humania Assurance, qui profite de sa petite taille pour innover en ce sens, avec son produit HuGO.
Il estime que les assureurs ne bougent pas vite non plus sur les formats CITS. Le chantier est gigantesque : connecter aux systèmes d’agents généraux issus de divers fournisseurs aux vieux systèmes des assureurs, maintes fois modifiés. « Si les assureurs remplacent leurs systèmes dépassés par d’autres systèmes maison, cela compliquera les choses. S’ils optent pour un même système, la vie sera plus facile pour les AGEman de ce monde », a-t-il dit.
Parmi ses concurrents dans les systèmes d’assureurs figurent Accenture et Fast. OIPA compte actuellement une quinzaine de clients, a révélé M. Romero. Il en compte une trentaine dans ses solutions d’avant-guichet.
Les agents généraux veulent plus
Les agents généraux espèrent quant à eux que la situation se dénouera bientôt, car cela urge. Il nous manque toujours ces fameux fichiers CITS dont on nous parle depuis des années. Cela n’a pas de bon sens que les systèmes d’arrière-guichet n’aient pas cette information uniformisée en temps réel avec les assureurs », déplore le PDG d’Aurrea Signature, Christian Laroche.
Cette situation frappe durement les agents généraux en cette ère de conformité. Surtout en ce qui touche le traitement des données sur les polices en vigueur de leurs conseillers.
« Nous ne pouvons obtenir les informations de tous les assureurs en temps réel sur les affaires en vigueur. Je dois assigner des employés à la tâche d’obtenir les données sur l’en vigueur de tous les assureurs. Nous traitons avec 17 assureurs. Si je peux l’avoir en temps réel, le conseiller pourra l’avoir en temps réel lui aussi. Ce qui est fort utile, par exemple, pour évaluer le portefeuille de client à l’aube de la retraite. Cela éviterait aussi que mes employés alternent entre Outlook et le système d’arrière-guichet pour traiter les données », insiste M. Laroche.
Et leur tâche n’est pas mince, rappelle-t-il. Outre l’en-vigueur, ils doivent aussi traiter l’information des propositions d’assurance, de suivi des nouvelles affaires et de l’émission des contrats, en plus du traitement des commissions et bonis, une autre sphère où les processus d’échange de données trainent la patte, a-t-il ajouté. D’après lui, seuls les formats CITS sur les nouvelles affaires se sont réellement imposés à ce jour.