Le tribunal rejette le pourvoi en appel du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages qui désirait infirmer une partie de la décision sur culpabilité rendue par le comité de discipline de la Chambre en octobre 2022.  

La décision en appel a été rendue le 29 juillet 2024 par le juge Louis Riverin, de la division administrative et d’appel de la Cour du Québec. Il a été l’objet d’une rectification le 16 septembre 2024, car le deuxième paragraphe comportait une erreur sur le nombre de chefs pour lesquels l’intimée avait été déclarée coupable par le comité.  

Le 28 octobre 2022, l’intimée avait été déclarée coupable pour les chefs 4, 7 et 9 de la plainte. La plainte initiale comptait 11 chefs, mais les chefs 3 et 8 avaient été retirés. Le comité avait acquitté l’intimée pour six des neuf chefs de la plainte.  

Le 5 juin 2023, le comité acceptait la recommandation commune des parties et condamnait l’intimée à des amendes totalisant 6 000 $. Puis, il a réduit le montant global à 5 000 $ en suivant le principe de la globalité des sanctions. 

Le cinquième chef 

Le pourvoi en appel du syndic portait sur le chef 5 qui reprochait à l’intimée d’avoir exercé ses activités de manière négligente ou d’avoir fait défaut de placer les intérêts de l’assurée avant les siens et ceux de son cabinet, en refusant d’émettre des certificats d’assurance en faveur des clients de l’assurée tant que le financement de la prime n’était pas finalisé. 

Selon le libellé de la plainte initiale, ce geste contrevenait à plusieurs articles du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. 

Le juge Riverin rappelle le contexte particulier de l’affaire. La cliente de l’intimée administre une entreprise de transport. Les polices d’assurance automobile et assurance cargo ont été renouvelées le 24 janvier 2020.  

Par la suite, les échanges avec la cliente n’ont pas permis de régler le financement de la prime. Faute de collaboration de l’assurée, qui ne signait pas le plan de financement permettant de garder la police d’assurance active, l’intimée a expliqué au comité qu’elle ne pouvait continuer à émettre des certificats, lesquels sont requis par les donneurs d’ouvrage du transporteur. 

Le comité a accueilli cette justification de l’intimée et l’a acquittée pour ce chef. Insatisfait de cette décision, le syndic se pourvoit en appel. 

Analyse du tribunal 

Lors de l’appel, le syndic Yannick Chartrand* était représenté par l’avocate Valérie Déziel, de CNDP Avocats. L’appelant allègue que le comité de discipline a commis une erreur mixte de droit et de faits sur deux aspects de ces conclusions. 

Selon le syndic, le comité a erré une première fois en concluant que l’intimée était justifiée de ne pas émettre les certificats d’assurance requis par les donneurs d’ouvrage tant que le contrat de financement n’était pas signé, parce que cela était plus prudent et conforme à son code de déontologie. 

Comme l’appel soulève une question mixte de fait et droit, « le tribunal ne peut intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante, portant soit la détermination des faits ou sur l’application du droit aux faits dans l’hypothèse où le droit a correctement été déterminé ». Il n’appartient pas au tribunal d’appel de refaire le procès, poursuit le juge Riverin. 

Il incombe au syndic de soumettre une preuve prépondérante, identique à celle qui est requise en matière civile. Le syndic avait l’obligation de prouver de façon claire et convaincante que le fait allégué avait été commis selon la description du chef d’accusation. 

Or, le comité a conclu que ce n’était pas le cas pour le chef 5. Le jugement reproduit les paragraphes 84 à 104 de la décision sur culpabilité d’octobre 2022. L’intimée a témoigné que même l’Autorité des marchés financiers a expliqué au client, le 28 février 2020, qu’il devait signer le contrat de financement. 

Le comité mentionne aussi que l’hésitation de l’intimée était basée sur les problèmes encourus avec l’assurée à la suite de trois réclamations survenues deux mois auparavant, et dont l’intimée n’a appris l’existence qu’en plein milieu de son mandat. 

Le comité rappelle aussi que l’émission 

Devoir de loyauté 

Le syndic insiste sur les devoirs et obligations du courtier, notamment son devoir de loyauté envers le client. Un courtier prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances aurait-il agi de la même manière que l’intimée ? 

« Un tel énoncé est vrai. Cependant, il doit être complété et soupesé par les autres obligations déontologiques du courtier, dont les devoirs et obligations envers le public », écrit le tribunal.  

Dans ce cas-ci, c’est le tiers fournisseur que le courtier protège. La précarité financière de l’entreprise qui est sa cliente et son incapacité à lui faire signer la convention de financement mènent l’intimée à conclure que le défaut de paiement mène à l’annulation de la police. Cette situation est préjudiciable envers les tiers. 

Dans ces circonstances, l’intimée était justifiée de ne pas émettre les certificats, estime le comité de discipline. Il était plus prudent et conforme à son code de déontologie d’agir comme l’intimée l’a fait.  

Le tribunal ne voit aucune erreur manifeste et déterminante dans le raisonnement qui mène le comité à conclure que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve. La preuve devait être claire et convaincante. Comme ça n’est pas le cas, l’acquittement sur le manquement allégué est la conclusion qui s’impose. 

Nouvel argument en appel 

Le syndic a soulevé un argument en appel qui n’a pas été discuté devant le comité de discipline. La police n’était pas résiliée au moment où l’intimée refuse d’émettre les certificats, le 14 février 2020. En vertu de l’article 2477 du Code civil du Québec, l’assureur doit transmettre un préavis de 15 jours pour résilier une police. 

Le syndic allègue que l’intimée avait le temps nécessaire pour aviser les donneurs d’ouvrage d’une potentielle annulation de la police, puisque le contrat était toujours en vigueur. 

Dans sa décision, le comité se réfère à un courriel de l’intimée (pièce P-21) qui indique que la police est en voie de résiliation faute de paiement. Or, aucun représentant de l’assureur n’a été entendu à cet égard et seule l’intimée a témoigné.  

Si cette preuve supplémentaire avait été faite, est-ce que le comité aurait modifié sa conclusion ? « Nul ne le sait et ce n’est pas en appel que le tribunal peut s’en convaincre selon l’étroit corridor de l’erreur manifeste et déterminante », lit-on au paragraphe 43 du jugement. 

Autre question 

L’autre question tranchée par le tribunal est la suivante : est-ce que le comité a commis une erreur en concluant que les craintes de l’intimée de faire une fausse déclaration étaient fondées, si elles émettaient ces certificats ? 

Le comité souligne que le syndic n’a fait entendre aucun représentant de l’assuré. La preuve présentée par l’intimée n’a pas été contredite, de telle sorte que le comité considère que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve. 

Le juge Riverin estime qu’il ne s’agit pas ici d’une question mixte de faits et de droit, mais seulement de faits. En conséquence, le syndic invite le tribunal d’appel à substituer son appréciation de la preuve à celle du comité. 

Citant une décision de la Cour d’appel rendue en 2019, où l’on indique qu’il n’appartient pas au tribunal d’appel de refaire le procès, le juge Riverin rejette aussi ce second moyen d’appel. Les frais de justice sont en faveur de l’intimée.

*Me Chartrand avait soumis le dossier en appel, mais il a quitté ses fonctions au bureau du syndic en décembre 2023.