Pour la présidente de la Banque Royale du Canada (RBC) au Québec, les femmes doivent apprendre à faire part de leurs ambitions, à se faire confiance et à choisir des carrières où elles peuvent s’épanouir et être heureuses.

Nadine Renaud-Tinker a tenu ces propos lors de la quatrième édition du colloque Femmes en finance, organisé à Québec par le Cercle finance du Québec. Son principal conseil : se faire confiance.

« Je suis souvent sortie de ma zone de confort pour accepter de nouveaux défis. Si on a l’impression que ça va être dur, il faut se demander si on relève le défi ou si on s’en va. Chaque fois, je me suis levée », dit-elle.

Les femmes hésitent souvent à faire part de leurs ambitions. « Au début de ma carrière, je ne partageais pas beaucoup là-dessus. Je peux le dire : c’est typique chez les femmes. On a le premier réflexe de se dire qu’on n’est pas prêtes. Il faut prendre le risque et sauter. »

Mme Renaud-Tinker souligne que si l’on veut pousser une femme à grimper les échelons, il vaut mieux s’y prendre à l’avance. « Les hommes, quand on leur offre une promotion, ils ne se posent jamais la question de savoir si ça aura des répercussions sur leur famille », dit-elle.

Elle recommande de trouver dans son entourage un mentor à qui demander conseil en cas de doute. « J’ai appris plus de mes collègues que de mes supérieurs », souligne-t-elle.

Un moment charnière

Alors qu’elle étudiait au baccalauréat en psychologie, Nadine Renaud-Tinker travaillait comme conseillère à la clientèle à RBC. « Je voulais travailler avec les enfants », dit-elle. On lui a offert un emploi à la fin de ses études. Un de ses directeurs lui a ajouté des responsabilités, voyant qu’elle était capable d’en faire plus.

Puis, on lui a proposé de nouvelles responsabilités dans lesquelles elle ne se sentait pas très à l’aise, même si elle travaillait fort. Son supérieur lui alors indiqué : « Nadine, si ça ne va pas mieux dans les prochaines semaines, il faudra peut-être que tu penses à aller travailler ailleurs », raconte-t-elle. Ce moment charnière lui a donné la motivation dont elle avait besoin pour en faire plus.

Elle a alors entrepris des études en finance, avant de suivre une formation en planification financière, puis de faire une maitrise en administration des affaires. En même temps, elle travaillait et donnait naissance à deux enfants. Durant toute cette période, il lui était difficile de trouver du temps pour elle-même.

« Ça a valu la peine. J’ai beaucoup appris; sinon, je ne serais pas ici. Nous avons fait des choix et des sacrifices. Il faut apprendre à se connaitre et savoir ce qu’on veut faire dans l’entreprise. Je répète souvent à mon équipe : “Vous avez le contrôle sur ce que vous faites.” Ça s’applique aussi à moi. »

Les attentes

Les attentes sont-elles plus élevées pour les femmes de carrière ? « Il y a toujours plus de stress quand on est aussi une mère. Je me demande toujours si j’en fais assez pour mes enfants, pour la famille. J’ai des attentes de performance très élevées. En général, dans notre milieu, je pense qu’on juge encore les femmes plus sévèrement que les hommes », dit-elle.

Selon Mme Renaud-Tinker, il est possible de travailler fort, d’avoir une vie familiale et d’être heureuse, mais il faut l’avoir choisi et se préparer en conséquence. Dans son cas, les 21 premières années passées à RBC l’ont aidée à se former. « Il faut choisir les tâches qu’on aime. L’entreprise a vu des qualités de leadeurship chez moi et m’a poussée à les utiliser. »

La première qualité d’un gestionnaire, c’est d’être authentique, dit-elle. Il faut favoriser les échanges et le dialogue de manière constante. « Si la moitié de tes collègues ne sont pas heureux, on ne peut pas penser à gérer le succès ou la croissance. Pour avoir du succès, ça prend l’engagement de tous les membres de l’équipe. »

Mme Renaud-Tinker affirme que son premier mandat est de créer un environnement de confiance où ses collègues pourront faire fructifier leurs talents, même si les changements technologiques bousculent constamment les façons de faire. Autant que possible, elle essaie d’enlever toutes les barrières hiérarchiques dans son entreprise.

« Tous les représentants peuvent me parler directement. Je veux du feedback, mais il faut aller le chercher. Personne ne vient se confier naturellement. »

Servir de modèle

Dans les 12 mois qui ont suivi son entrée en fonction, Mme Renaud-Tinker affirme avoir maintenu un bon rythme de travail, mais ensuite, les exigences du poste ont grimpé. « Je me rends compte que je suis occupée de trois à quatre soirs par semaine. J’essaie de ne pas aller jusqu’à cinq. »

Il faut se garder du temps pour soi, poursuit-elle. « Quand on est fatiguée, on ne peut pas être aussi performante et avoir le même impact sur son équipe. »

Elle tient également à déléguer certaines tâches. « J’ai d’excellents vice-présidents qui méritent de se faire connaitre, dans tous nos segments de marché. La RBC au Québec, ce n’est pas juste moi. »

Cela dit, occuper une telle fonction force à faire des choix. « Je ne suis pas obligée d’en faire autant. Je veux changer les choses, mais ça doit rester atteignable. »

Une connexion permanente

La demande psychologique découlant de l’omniprésence des moyens de communication nous pousse à être connectés en permanence, reconnait-elle. En conséquence, elle évite toute correspondance avec les collègues durant la fin de semaine. Au mieux, elle rédigera une lettre qu’elle peaufinera le lundi matin. « Il faut faire attention. »

Lorsqu’on préside une grande entreprise, doit-on se faire une carapace ou montrer ses émotions ? Nadine Renaud-Tinker revient sur la nécessité de l’authenticité.

« Si tu veux chercher le cœur des gens, si tu veux les comprendre, il faut apprendre à les connaitre. On n’y arrive pas en parlant seulement du travail. Si on ouvre la porte, il faut prendre le temps d’écouter. »

Que fait-on pour se faire confiance lorsqu’on veut gravir les échelons ? « En prenant des risques. J’ai eu de bons mentors, mais il faut toujours se poser les bonnes questions, celles qui nous bousculent. Je me les pose tous les jours. Est-ce que je fais du bon travail ? Est-ce que j’ai pris le bon moyen pour obtenir l’effet visé ? Je le ferai toute ma vie, et je considère que c’est une force. »

Quand on lui demande pourquoi elle se remet ainsi toujours en question, Nadine Renaud-Tinker rétorque que ça n’a rien à voir avec un manque de confiance. « Je le fais parce que je veux être la meilleure que je peux être. Pour ça, je dois savoir que je fais la différence dans mon organisation et dans mon milieu. »

Les effets du stress

Philippe Boucher, du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), note que dans bon nombre d’entreprises, on ne trouve même pas de salle commune permettant aux employés d’échanger en dehors de leur poste de travail.

« Il faut implanter au moins une chose, ne serait-ce que de prévoir une pause un peu plus longue, si on veut favoriser le soutien social entre collègues », dit-il.

M. Boucher souligne que les femmes ne sont pas plus stressées que les hommes au travail. Cependant, elles subissent différemment les effets du stress. Par exemple, chez les personnes qui travaillent plus de 40 heures par semaine, les femmes ont 63 % plus de chance de souffrir du diabète que les hommes.

Philippe Boucher ajoute qu’on observe aussi plus de détresse psychologique chez les femmes, de même que plus d’hypertension masquée – c’est-à-dire invisible dans le cabinet du médecin, mais visible au travail. (Alain Castonguay)

Notre série sur le sujet des femmes en finance :