L’étude détaillée du projet de loi 30 a finalement eu lieu le 1er mai dernier à l’Assemblée nationale du Québec. Les députés membres de la Commission des finances publiques (CFP) ont adopté la pièce législative de 126 articles, incluant une bonne liste d’amendements. 

Parmi les principaux changements proposés dans ce projet de loi omnibus, le législateur a confirmé son intention d’interdire la distribution sans représentant par les concessionnaires automobiles de produits financiers.

Le cinquième paragraphe de l’article 424 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), qui permettait aux concessionnaires de vendre deux produits d’assurance sans représentant certifié, a été supprimé. 

Ce changement découle des constats faits dans trois rapports distincts soumis par l’Autorité des marchés financiers au fil des dernières années. Le plus récent, qui couvrait la période 2020-2022, a été publié l’automne dernier

Questions de l’opposition 

Les travaux de la CFP ont été lancés par les remarques préliminaires des députés. La députée du Parti libéral du Québec (PLQ) représentant la circonscription de Darcy-McGee, Élisabeth Prass, a déposé une motion préliminaire pour demander des consultations particulières sur le projet de loi 30 (PL-30).

Elle désirait ainsi permettre à la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) de commenter le PL-30. Selon la députée Prass, la fin de ce mode de distribution diminuera la concurrence, ce qui n’est pas dans l’intérêt des consommateurs.

En 2022, quelque 64 000 polices d’assurance de remplacement ont été vendues par 2 200 concessionnaires, ce qui a rapporté des revenus de 150 millions de dollars (M$) aux distributeurs, souligne la députée.

Les produits d’assurance vie, santé et perte d’emploi du débiteur (VSPED) qui servent à couvrir les prêts financiers associés à la vente de véhicules ont aussi été vendus à plus de 72 000 clients en 2022. « Ce geste a un impact sur la santé financière des concessionnaires », note Mme Prass. 

Élisabeth Prass énumère également les suggestions faites par la CCAQ pour mieux encadrer les directeurs commerciaux, certifier leur métier et établir des normes minimales de formation. « Le régime sans représentant facilite l’accès à l’assurance », insiste-t-elle. 

Le Portail de l’assurance a contacté la Corporation pour en savoir plus. La CCAQ n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue en raison de l’absence de son porte-parole, le PDG Ian P. Sam Yue Chi, en voyage à l’étranger. 

Mme Prass a aussi souligné des inquiétudes découlant des changements apportés à l’encadrement du courtage immobilier et le recours aux surnuméraires par les experts en sinistre. 

De son côté, Frédéric Beauchemin, député de Marguerite-Bourgeoys (PLQ), a lui aussi exprimé les mêmes inquiétudes concernant la fin de la vente d’assurance par les concessionnaires.

Trop tard 

La motion a été déclinée par la CFP. Avant le vote, le ministre des Finances, Éric Girard, a rappelé que le PL-30 a été déposé le 7 juin dernier. À cette occasion, les partis d’opposition, incluant le Parti libéral du Québec, n’ont pas demandé la tenue d’une consultation particulière, souligne le ministre.

De plus, l’Opposition officielle avait exprimé son soutien au principe de la loi omnibus, où les intentions du législateur étaient très claires concernant la vente d’assurance par les concessionnaires automobiles. 

Depuis plus de 11 mois, la CCAQ a maintes fois eu l’occasion de faire valoir ses commentaires auprès du ministère des Finances, du cabinet du ministre et de l’Autorité des marchés financiers, constate Éric Girard.

Il ajoute que c’est justement l’intérêt et la protection des consommateurs qui justifient la fin des pratiques commerciales douteuses qui ont été soulevées par l’Autorité. 

Le ministre Girard a passé la majeure partie du temps qui lui était alloué dans ses remarques préliminaires pour résumer la nécessité de ce changement.

La fin de la distribution directe ne signifie pas que les concessionnaires ne pourront plus servir les consommateurs, précise-t-il. « Les concessionnaires pourront collaborer avec des courtiers pour faciliter l’accès à des couvertures équivalentes pour leurs clients », poursuit M. Girard. 

Plus tard en après-midi, lors de l’étude de l’article 105 qui supprime la disposition qui permettait aux concessionnaires de distribuer de l’assurance sans l’aide d’un représentant, le député Beauchemin est revenu sur le sujet.

Le ministre Girard a répété ce qu’il avait dit dans ses remarques préliminaires. Les rapports de l’Autorité ont montré que le produit vendu par les concessionnaires coûtait beaucoup plus cher que le même produit distribué par un courtier.

Le produit financier 

La vente du produit VSPED, qui sert à couvrir le financement de l’achat ou de la location du véhicule, est aussi modifiée. L’article 106 du PL-30 vient modifier le mode de paiement de la prime. 

Si le contrat d’assurance dure plus d’un an, on doit prévoir que la prime est payable au moins une fois par an pour chaque année que dure le contrat. Cette mention sera désormais inscrite à l’article 442.1 de la LDPSF. 

Le porte-parole de l’Autorité, Sylvain Théberge, précise au Portail de l’assurance que les articles 105 et 106 entreront en vigueur le 1er juillet 2026. Initialement, l’échéance était prévue le 1er janvier 2026, mais il y a eu un amendement à la toute fin des travaux de la CFP. 

Des mémoires 

Avant l’étude détaillée, le président de la CFP a déposé quatre mémoires, qui sont en fait des lettres commentant la pièce législative. La Chambre de l’assurance de dommages en a remis un, tout comme le Bureau d’assurance du Canada (BAC). 

Dans les deux cas, les commentaires concernaient les dispositions du PL-30 qui touchaient plus précisément l’utilisation des surnuméraires par les cabinets d’experts en sinistre, dont le recours est autorisé de manière exceptionnelle à la suite d’une catastrophe majeure.

La dernière fois que l’Autorité a permis cette mesure, c’était pour aider l’industrie à supporter le volume de réclamations du verglas qui ont causé des dommages en avril 2023. C’était la cinquième fois en quatre ans que l’Autorité accordait cette utilisation. 

Les autres mémoires ont été soumis par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) et par le Plan Major et concernent d’autres dispositions spécifiques du projet de loi omnibus.