La tarification accélérée en assurance vie individuelle a pris de l’ampleur au Canada depuis son apparition en 2017, selon un article de Munich Re. Le réassureur observe que la pandémie de COVID-19, survenue en 2020, a favorisé l’adoption de ce type de souscription d’assurance qui ne nécessite pas de prélèvement de fluides corporels ni de tests médicaux de la part de la personne à assurer. 

Bridget Guan

Publié par le réassureur en avril 2025, l’article s’intitule Accelerated underwriting trends: A Canadian market perspective. « En 2017, un seul assureur canadien offrait un programme [de tarification accélérée]. En 2023, ils étaient dix, et d’autres compagnies prévoient en implanter prochainement », dit son autrice, Bridget Guan, directrice et actuaire, solutions de réassurance en vie individuelle de Muniche Re, au Canada. 

Dans son article, Bridget Guan définit la tarification accélérée comme un processus par lequel certaines exigences en matière de sélection des risques sont éliminées à l’endroit d’un sous-ensemble de clients jugés à faible risque. 

Elle explique que des assureurs utilisent des modèles qui permettent de jauger la probabilité de tabagisme ou de détecter les fausses déclarations de l’indice de masse corporelle. Certains y ajoutent l’examen du dossier médical pour compenser l’absence de données biométriques. 

Si les modèles détectent une anomalie, l’assureur exigera des preuves supplémentaires. Il appliquera alors ce que Mme Guan qualifie de tarification complète traditionnelle.

Elle ajoute que des clients peuvent également être sélectionnés pour un contrôle (holdout dans son article) aléatoire ou ciblé. « Au Canada, ces contrôles sont le plus souvent utilisés pour les polices de plus de 500 000 $. En moyenne, environ 10 % des polices font l’objet d’un contrôle aléatoire et 14 % d’un contrôle ciblé », révèle Mme Guan dans son article. 

Meilleure expérience 

Bridget Guan dit que la croissance de la tarification accélérée a contribué à améliorer l’expérience de façon tangible, en rendant la transaction plus rapide et moins intrusive aux yeux des clients. Elle ajoute que l’adoption de la tarification accélérée a permis aux assureurs d’offrir cette meilleure expérience à un plus grand nombre « grâce à des seuils sans prélèvement de fluides corporels plus élevés ». 

Selon les données présentées par l’actuaire de Munich Re, la limite du montant d’assurance émise sans fluides est passée de 1 million de dollars (M$) en 2017 à 5 M$ en 2023. Vérification faite le 25 juin 2025 auprès du centre d’information sur les produits AssuranceINTEL, la limite de 5 M$ demeure d’usage dans l’industrie (voir intertitre → Les assureurs en tarification accélérée). 

Durant la même période, le pourcentage du montant d’assurance qui a été émis sans prélèvements de fluides ni tests médicaux est passé de 29 % à 54 % du montant total d’assurance émis. 

La hausse de la proportion du montant d’assurance sans fluide entraîne du même coup une diminution du délai dans le traitement des demandes d’assurance à tarification complète, comme le montre le graphique suivant.

Antisélection

« Cette libéralisation n’est pas sans risque. Un enjeu récurrent est l’antisélection », prévient Bridget Guan. Elle décrit l’antisélection comme le fait qu’un client ou un conseiller utilise à son avantage la connaissance de l’état de santé de la personne à assurer, sachant qu’aucun prélèvement ne sera exigé. 

Mme Guan remarque que même si la majorité des assureurs n’exigent plus de fluides comme condition à l’émission d’une police, les taux de placement des polices sont demeurés stables. Le placement d’une police signifie qu’elle a été acceptée par le client.

Les données de Munich Re portant sur 2023 révèlent que 80,8 % des polices ont été placés cette année-là. Du nombre de polices placées en 2023, 76 % l’ont été à un risque régulier (standard, dans le jargon des tarificateurs). Toujours en 2023, le taux de refus s’est établi à 8 % et celui de perte de dossier à 11 %.

« Cela laisse croire que les mécanismes de contrôle du risque mis en place par les assureurs sont efficaces », affirme la directrice et actuaire, solutions de réassurance en vie individuelle de Muniche Re. 

Les assureurs en tarification accélérée  

Une porte-parole de Munich Re a précisé au Portail de l’assurance que les données recueillies par le réassureur portent sur les produits d’assurance vie individuelle en général, et que Bridget Guan ne peut donc commenter l’usage de la tarification accélérée pour des produits en particulier. 

AssuranceINTEL révèle de son côté que la limite du montant d’assurance qui peut être émis sans fluide ni examens varie d’un assureur à l’autre.

En vie entière avec participation, Canada Vie, Manuvie et Sun Life offrent jusqu’à 5 M$ de couverture d’assurance par l’entremise de la tarification accélérée. Équitable fixe sa limite à 3 M$. Plusieurs assureurs ont fixé la leur à 2 M$. Il s’agit d’Assomption Vie, Desjardins Assurances, Empire Vie et iA Groupe Financier. Financière Foresters, Co-operators Vie et RBC Assurances n’offrent pas la vie entière avec participation à tarification accélérée. Beneva, CUMIS Vie, BMO Assurance, ivari et UV Assurance n’offrent pas d’assurance vie entière avec participation. 

En assurance vie entière sans participation, BMO Assurance, Canada Vie et Sun Life offrent une limite de couverture d’assurance à 5 M$ en tarification accélérée. Assomption Vie, Beneva, Desjardins Assurances, Empire Vie et iA Groupe Financier fixent la limite à 2 M$. Financière Foresters et UV Assurance n’offrent pas d’assurance vie entière sans participation à tarification accélérée. Co-operators Vie, CUMIS Vie, Équitable, ivari, Manuvie et RBC Assurances n’offrent pas d’assurance vie entière sans participation. 

En assurance vie universelle, BMO Assurance, Canada Vie, Manuvie et Sun Life offrent une limite de montant d’assurance de 5 M$ en tarification accélérée. Équitable l’offre jusqu’à 3 M$. Beneva, iA Groupe financier et RBC Assurances fixent la limite du montant d’assurance disponible en tarification accélérée à 2 M$. De leur côté, ivari fixe la limite à 1 M$, et Desjardins Assurances à 500 000 $. CUMIS Vie et Co-operators n’offrent pas la tarification accélérée en assurance vie universelle. Assomption Vie, Empire Vie, Financière Foresters et UV Assurance n’offrent pas d’assurance vie universelle. 

En assurance temporaire 10 ans (T10), BMO Assurance, Canada Vie et Manuvie offrent jusqu’à 5 M$ de couverture d’assurance en tarification accélérée. Équitable offre une limite de 3 M$. Empire Vie aussi, mais pour les assurés de 0 à 17 ans seulement. L’assureur ramène sa limite à 1 M$ pour les 18 à 50 ans. Les assureurs suivants ont fixé leur limite à 2 M$ : Assomption Vie, Beneva, Desjardins Assurances, iA Groupe financier et RBC Assurances. Ivari offre la tarification accélérée jusqu’à une couverture de 1 M$. 

De son côté, Sun Life a répondu à AssuranceINTEL que des informations sont à venir à savoir si sa T10 Assurance-vie temporaire Évolution Sun Life offrira la tarification accélérée et jusqu’à quelle limite. L’assureur n’offre pas la tarification privilégiée sur sa T10 Assurance-vie temporaire Go Sun Life

CUMIS Vie, Co-operators Vie, Financière Foresters, Humania Assurance et UV Assurance n’offre pas de T10 à tarification accélérée. Humania a toutefois précisé à AssuranceINTEL qu’une émission instantanée de sa T10 est possible directement sur sa plateforme, jusqu’à un montant maximal de 1 M$. 

Du chemin à faire 

L’industrie doit encore progresser, estime Bridget Guan. Elle rappelle dans son article que l’augmentation des seuils sans fluides visait à accroître le taux de traitement des affaires sans intervention humaine. « Mais ce taux plafonnait à 25 % en 2023 », souligne l’actuaire de Munich Re. 

Mme Guan constate qu’une grande part des demandes d’assurance à tarification accélérée nécessite encore une revue humaine ou des preuves additionnelles. « L’ajout de nouveaux modèles analytiques et de données externes pourrait permettre de combler l’écart entre les taux de traitement sans intervention humaine ciblés et ceux réellement atteints », écrit-elle.

Cet article est un Complément au magazine de l'édition de juin 2025 du Journal de l'assurance.