Population vieillissante, dollar canadien faible et mauvaise température s’allient pour propulser la croissance de l’assurance voyage destinée aux oiseaux migrateurs.
Alors que la génération des baby-boomers approche de l’âge de la retraite, on s’attend à ce que le nombre de touristes hivernants, les oiseaux migrateurs (snowbirds), augmente considérablement. « Le sujet de l’heure, c’est l’arrivée des boomers », de dire Michael MacKenzie, agent de recherche et de communications à l’Association canadienne des snowbirds.
L’oiseau migrateur est un voyageur canadien de 55 ans et plus qui passera un séjour d’au moins 31 nuits consécutives à l’extérieur du Canada, dit le Conference Board du Canada. L’organisme prévoit enregistrer 750 000 séjours de plus de 30 jours entre 2008 et 2009. C’est 73 % de plus qu’en 2000-2001 où il s’était effectué 433 000 de ces séjours.
Pour sa part, la Travel Health Insurance Association (THIA) a observé au fil des ans que 53 % des 65 ans et séjournent au moins 31 à 60 jours à l’extérieur du Canada. Chez les 55 à 65 ans, cette proportion atteint 63 % pour un séjour de même durée, selon le THIA.
« C’est un peu calme présentement, mais au cours des cinq à dix prochaines années, il y aura un afflux massif de nouveaux touristes hivernants », affirme M. Mackenzie.
Selon l’Association canadienne des snowbirds, plus de 200 000 Canadiens passent chaque année de deux à six mois dans le sud. La plupart d’entre eux se rendent dans des états du sud des États-Unis, dont la Floride, l’Arizona, le Texas et la Californie.
Et la plupart souscrivent à l’assurance voyage. Le THIA rapporte un sondage en 2007 soulignant que 85 % des snowbirds prennent une assurance voyage.
Les baby-boomers auront une influence grandissante sur le nombre de départs pendant plusieurs années. La température et la force du dollar ont pour leur part un impact immédiat cette année, observe Mathieu Laplante, directeur général de SécuriGlobe, un cabinet spécialisé en assurance voyage. Ces deux facteurs augmentent en fait la durée des séjours. « Lorsqu’il fait mauvais, les snowbirds précipitent leur départ et reviennent plus tard. En avril, les gens nous appellent pour demander une prolongation de 7, 10 ou 15 jours. »
La population vieillissante, le dollar et la température ont contribué en grande partie à faire croître les affaires de SécuriGlobe de 30 % en trois ans.
SécuriGlobe assure environ 90 000 voyageurs par an, dont 75 % au Québec et en Ontario seulement. Le séjour moyen de leurs clients se situe entre 110 à 120 jours et la Floride constitue la destination privilégiée même si la Côte ouest et le Texas se démarquent de plus en plus. « Soixante-quatorze pour cent des réclamations que nous avons reçues l’an passé provenaient de la Floride », précise M. Laplante.
M. Laplante dit observer l’éclosion d’une tendance à des séjours de 150 jours coupés en deux, le temps d’un retour pour les Fêtes. Le cabinet est aussi le fournisseur officiel de la FADOQ (Fédération de l’âge d’or du Québec). « En ce moment, c’est la période de magasinage des snowbirds. Elle commence en août et se poursuit jusqu’à la fin de novembre. En septembre, il est possible d’obtenir des taux pré-saison de 5 à 10 %. »
Chez Ogilvy & Ogilvy, cabinet multidisciplinaire établi depuis 1924 à Montréal et aussi présent à Toronto, l’assurance voyage prend une part croissante des affaires jadis concentrées en assurance de dommages. « Il y a cinq ans, les assurances auto, maison et aux entreprises comptaient pour environ 98 % de nos affaires. Les assurances voyage et santé prennent cependant de plus en plus de place, de telle sorte que la part de nos affaires en assurance de dommages est maintenant de 80 % », explique Sam Oliel, directeur des services financiers chez Ogilvy & Ogilvy.
Responsable du département d’assurance voyage créé il y a cinq ans, Suzanne Langlois observe une nette croissance de ses activités ces trois dernières années. Selon elle, les baby-boomers stimulent ce marché parce qu’ils voyagent plus, mais aussi parce qu’ils sont de plus en plus conscients de l’importance de leur santé. « J’ai des clients de 85 à 95 ans encore très actifs. Les clients de 60 ans ont donc encore longtemps à voyager. C’est un marché à développer et les premiers arrivés vont en profiter», soutient-elle.
Les conseillers sont-ils prêts à attaquer ce marché ? Il le faut, tranche Joanne Parent, directrice du développement des affaires pour le Québec chez Coordinateurs en assurance voyage TIC (TIC). « Si le conseiller ne peut pas subvenir aux besoins d’assurance voyage de son client, celui-ci ira voir ailleurs. Le conseiller risque donc de le perdre. »
Les conseillers tendent toutefois à ignorer ce marché en raison de la faible rémunération payée en assurance voyage. Dans sa pratique, par exemple, Suzanne Langlois observe la plupart du temps une commission qui joue dans une fourchette de 10 % à 25 % de la prime. « Il faut beaucoup de volume pour que cela soit rentable », admet-elle. Ce qui ne la décourage pas puisqu’elle voit l’assurance voyage comme une excellente occasion de fidéliser le client.
Joanne Parent estime que le conseiller peut profiter d’une vente d’assurance voyage plus qu’il ne le croit. Il y a une mine d’or qui se cache souvent sous chaque vente, soutient-elle. « L’assurance voyage, ce n’est pas qu’un cours séjour à Cuba. Cela peut être de l’assurance voyage pour des gens de leur famille qui vivent à l’étranger et viennent leur rendre visite. »
Mme Parent rappelle que l’immigration est un phénomène en expansion au Québec et au Canada, et qui est appelé à stimuler la croissance de l’assurance voyage pour plusieurs années à venir. Le conseiller peut aussi vendre un produit qui s’adresse aux étudiants étrangers.
Le marché des snowbirds se fragmente également en plusieurs segments géographiques, fait remarquer Mme Parent. En plus des États-Unis, le Mexique, les Caraïbes, Cuba, le Venezuela, le Costa Rica deviennent des destinations de plus en plus prisées. « Les baby-boomers ont changé. Ils sont plus en santé et plus en moyens. »
Les besoins sont nombreux et les produits sont complexes, ajoute-elle. « J’observe qu’il manque de conseillers qui connaissent à fond les produits d’assurance voyage pour les séjours de longue durée. » Elle ajoute que les commissions sont plus importantes sur les produits de long séjour que pour ceux de court séjour. TIC a d’ailleurs lancé en août un produit d’assurance voyage récemment qui vise directement le créneau des baby-boomers, Le Migrateur.
L’expertise du cabinet
Connaître à fond les subtilités de l’assurance voyage demande une grande expertise qui n’est pas à la portée de tous. Les cabinets spécialisés s’offrent donc pour prendre en charge les clients des conseillers.
« Si les conseillers ne veulent pas se casser la tête avec l’assurance voyage, on peut s’en occuper pour eux », lance Suzanne Langlois. Plusieurs conseillers externes lui réfèrent d’ailleurs leurs clients.
« Il y a tellement de détails à comparer. Les questions médicales sont très importantes pour l’assurance aux snowbirds. Si le client vous répond qu’il est en santé, vous apprendrez peut-être qu’il prend une pilule pour le diabète si vous allez au fond des choses », donne-t-elle comme exemple.
Aussi, l’âge du client est très important, ajoute-t-elle. Des compagnies n’acceptent pas d’assurer les personnes de plus de 79 ans qui viennent visiter des proches au Canada. D’autres ne couvriront pas les étudiants qui partent visiter l’Europe pendant deux mois avec leur sac à dos.
En parlant directement avec les clients, elle constate que la plupart sont peu sensibilisés à l’assurance voyage. « Certains croient qu’ils sont assurés avec leur carte de crédit sans savoir que cette couverture se limite au décès et à la mutilation accidentels. D’autres me disent qu’ils sont couverts avec l’assurance collective. Mais certains régimes ne couvrent que 80 % des soins, alors 20 % de 300 000$, c’est déjà 60 000$. » Selon elle, la facture totale pour un infarctus subi aux États-Unis peut facilement atteindre cette somme.
Mathieu Laplante reconnaît qu’il est difficile pour un conseiller de se spécialiser en assurance voyage. Les employés de SécuriGlobe ont eux aussi le permis qui leur permet de vendre de l’assurance voyage. Un centre d’appel permet de répondre aux questions des conseillers et des assurés.
« La sélection des risques est complexe. Elle comporte à la fois des éléments d’assurance vie et de dommages», observe M. Laplante. Son cabinet prend aussi le client en charge après la vente. Par exemple, 74 % de nos réclamations de 2007 sont survenues en Floride. Nous avons une vice-présidente, services aux assurés, sur place à Fort Lauderdale. C’est une ancienne infirmière du Québec. »
M. Laplante dit par ailleurs recevoir les références de plusieurs cabinets avec qui il partage les commissions sur les ventes d’assurance voyage. Il distribue aussi directement à des associations, par exemple la Fédération des retraités du Nouveau-Brunswick et l’Association des retraité(e)s du groupe TVA.
Parmi les principaux assureurs qui passent par le courtage pour distribuer leurs produits, Mathieu Laplante cite Manuvie, Croix-Bleue, Coordinateurs en assurance voyage TIC, ETFS, et Echelon. Greenshield, Ingle International et Travel Underwriters sont également actifs dans le marché.
Pour sa part, Coordinateurs en assurance voyage TIC vend plus que la moitié de son assurance voyage par l’entremise de courtiers, précise Gino Riola, directeur du marketing pour TIC à Toronto. Les agences de voyage constituent l’autre réseau de TIC.
Ce sont davantage les conseillers qui traitent avec les snowbirds, selon M. Riola. Les agents de voyages s’occupent souvent des demandes d’assurance simples, mais en raison de la durée des séjours et de l’âge et de la santé des hivernants, une approche plus consultative est nécessaire. Selon M. Riola, les conseillers en assurance sont plus rompus à fournir de tels services.