Près de quatre ans après la réclamation, l’assureur devra rembourser les dommages dus à l’assuré à la suite du vol de sa motomarine. Le refus d’indemniser était basé sur le manque de collaboration de la part du consommateur, mais le tribunal estime plutôt que le client n’a pas manqué à ses obligations.
Pour expliquer son refus de verser l’indemnité réclamée, la Société d’assurance Beneva invoquait en sa faveur l’article 2471 du Code civil du Québec, qui prévoit les obligations de l’assuré en matière de collaboration avec l’assureur. Le plus tôt possible, l’assuré doit faire connaître à l’assureur toutes les circonstances entourant le sinistre, fournir toutes les pièces justificatives et attester de la véracité des renseignements fournis.
« Lorsque l’assuré ne peut, pour un motif sérieux, remplir cette obligation, il a droit à un délai raisonnable pour l’exécuter », peut-on lire au même article.
Le 11 août dernier au district de Terrebonne de la Cour du Québec à Saint-Jérôme, le juge Henri Richard a entendu les parties et tenté de répondre à la question : est-ce que l’assuré a contrevenu à l’article 2471 en refusant de répondre aux questions de l’enquêteur soumises plusieurs mois après le sinistre?
Les parties ne contestent pas la valeur de la réclamation pour la motomarine, établie à 12 525 $. Dans cette affaire, le vol a eu lieu le 20 septembre 2021.
Les documents
Dès le lendemain, l’assuré Philippe Legault a soumis sa réclamation. Il a transmis à l’assureur tous les renseignements demandés. Il a aussi autorisé la cueillette et la communication de tout renseignement sur sa situation financière. De manière parallèle, il fait une déclaration statutaire auprès du service de police qui dessert la municipalité où il habite.
L’enquêteur de Beneva rencontre l’assuré dans les jours suivant le vol et lui parle des événements survenus dans sa municipalité où surviennent des incendies criminels, en plus de lui poser des questions sur les activités commerciales de son frère.
Le 26 février 2022, soit cinq mois plus tard, l’enquêteur transmet par courriel les demandes de documents reliés aux relevés bancaires et de cartes de crédit pour les mois d’août à octobre 2021 et au dossier de conduite de l’assuré. L’enquêteur demande aussi à identifier certains numéros de téléphone cellulaire.
L’avocat de M. Legault demande à l’enquêteur « de motiver chacune de vos demandes d’information quant à leur pertinence pour la réclamation de notre client ». Une experte en sinistre de Beneva répond à ce courriel en indiquant qu’à défaut de donner suite aux demandes de l’assureur, en fonction des règles édictées dans le Code civil, l’assureur ne peut répondre à la réclamation. Elle appuie cette prétention sur une jurisprudence de la Cour supérieure.
Le 31 mai 2022, l’assureur ferme le dossier, ce qui a mené à la mise en demeure de l’avocat de l’assuré et aux procédures du présent litige.
Analyse
Dans son jugement daté du 26 août 2025, le juge Richard indique ne pas comprendre pourquoi l’assureur invoque le jugement rendu par la Cour supérieure, où le tribunal devait trancher des objections formulées lors d’un interrogatoire préalable.
L’article 2471 du Code civil vise à permettre à l’assureur de déterminer si la couverture d’assurance s’étend au sinistre déclaré et d’examiner les dommages, indique le tribunal. Si l’assuré refuse de répondre, sa mauvaise foi peut causer un préjudice à l’assureur, et il peut ainsi perdre son droit à l’indemnisation.
Le refus de l’assuré de fournir les données de géolocalisation de son appareil cellulaire afin que son assureur vérifie l’intégrité de celles-ci ne cause pas de préjudice à l’assureur, estime le tribunal. Pour invoquer l’article 2471, Beneva doit prouver que l’intransigeance de l’assuré lui cause un préjudice.
Après analyse, le tribunal conclut que l’assureur n’a pas établi cette preuve. Dans les jours suivant la réclamation, il a transmis tous les documents demandés. Il a autorisé la cueillette de toute information concernant sa situation financière.
L’avocat du consommateur était en droit de demander à l’enquêteur de Beneva de motiver chacune de ses demandes d’information faites le 26 février 2022, considérant les propos de cet enquêteur à l’égard d’incendies criminels et des activités commerciales du frère de M. Legault, « qui ne le concernent d’aucune manière ».
Au montant réclamé, le tribunal ajoute les intérêts au taux légal de 5 % par an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil à compter de la date de la mise en demeure, soumise le 6 juillet 2022.