La propriétaire d’un véhicule volé n’a pas été en mesure de convaincre l’assureur ou le tribunal que ses réclamations étaient fondées. Tout ce qu’elle a obtenu est le remboursement des primes versées, car le contrat a été annulé par la cour.

Maimouna Sou Il était la demanderesse dans ce litige l’opposant à TD Assurances. Le véhicule Range Rover Evoque a été volé en janvier 2022. Elle estimait la valeur marchande du véhicule à 21 900 $.

L’assurée réclamait aussi une somme de 48 099 $ à titre de dommages-intérêts punitifs en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, en raison du comportement de l’assureur. Elle réclamait également 15 000 $ à titre de remboursement des honoraires extrajuridicaires encourus dans le cadre de l’instance.

L’assureur conteste évidemment l’ensemble des réclamations, en raison des déclarations mensongères de l’assurée et de son statut de prête-nom au moment de l’acquisition. Selon TD, la consommatrice n’a pas prouvé la valeur du véhicule lors du sinistre et n’a pas prouvé qu’elle avait un intérêt assurable.

Le jugement a été rendu le 22 avril dernier par le juge Nicholas Daudelin, du district de Montréal de la Cour du Québec. Il conclut que les réclamations sont mal fondées. Les nombreuses incohérences dans les témoignages de la partie demanderesse nuisent à la crédibilité de la demande. De plus, le tribunal estime que l’assureur « n’a commis aucun manquement dans la manière dont elle conduit ses procédures de contestation ».

Le tribunal a pris acte de l’entente intervenue entre les parties pour le remboursement des primes versées par la demanderesse, soit la somme de 2 208,81 $.

Les versions multiples

La décision énumère les contradictions dans les versions de la demanderesse aux différentes étapes qui ont suivi la réclamation et sa contestation.

La preuve de l’intérêt d’assurance de la demanderesse repose sur des documents obtenus auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et des témoignages de son conjoint et de la sœur du vendeur allégué du véhicule. La vente aurait été conclue verbalement entre le conjoint et le vendeur allégué.

La valeur du véhicule sur les seuls témoignages de la demanderesse et de son conjoint. Ils allèguent que la valeur de l’automobile dépasse son prix d’achat, car ils ont effectué de nombreuses réparations par la suite, sans toutefois fournir la moindre facture confirmant ces réparations.

Les certificats d’immatriculation émis par la SAAQ fournis en preuve précèdent le sinistre ou sont postérieurs au vol, mais rien ne confirme que l’assurée était bel et bien propriétaire du véhicule au moment du sinistre. La demanderesse ne peut s’appuyer que sur son témoignage et celui de son conjoint, que le tribunal considère comme étant d’une « faible crédibilité ».

Les circonstances entourant l’acquisition du véhicule et la provenance des fonds pour la financer sont très variables entre la première déclaration à l’expert en sinistre et à l’interrogatoire préalable à l’instruction fait en juillet 2023.

Le conjoint accompagnait un ami qui désirait acquérir le véhicule et lui prêter la somme nécessaire. Au lieu de lui octroyer le prêt, comme son ami ne veut plus acquérir l’automobile, il décide de l’acheter. Mais il ne dit pas qu’il a magasiné le véhicule pour le compte de la demanderesse.

Le vendeur du véhicule et l’ami du conjoint n’ont pas témoigné, ce qui relève du choix de la partie demanderesse, reconnaît le tribunal. Mais il constate que cela mine la crédibilité de la preuve quant au rôle du conjoint lors de l’achat.

La valeur du véhicule au moment de l’acquisition est passée de 22 900 $ à 13 000 $. L’assurée affirme avoir effectué des réparations, mais elle est incapable de les détailler ou de présenter des factures. Lors de la réclamation, l’assurée indiquait n’avoir eu aucun ennui mécanique avec le véhicule et qu’aucun entretien n’avait été fait depuis l’acquisition. La contradiction est soulignée par le tribunal.

Le prix d’achat est réduit à 10 600 $ au moment du témoignage du conjoint. La demanderesse mentionne le chiffre de 12 000 $. Ces contradictions démontrent, selon le tribunal, qu’elle est étrangère au véhicule et « qu’il est tout simplement impossible de s’y retrouver dans les différentes versions » fournies par l’assurée.

Peur du volant

La demanderesse n’aime pas conduire et déteste particulièrement les gros véhicules, alors que le véhicule volé est d’un grand gabarit. Avant l’automne 2021, elle n’avait jamais été propriétaire d’un véhicule. Or, elle est aussi propriétaire d’un modèle Ford Fusion, qui lui aurait été remis par quelqu’un qui lui devait de l’argent.

Or, la dame est salariée dans une station-service et la dette alléguée équivaut à plus des deux tiers de son salaire mensuel net. De plus, la transaction a été faite encore une fois par son conjoint, et l’identité du vendeur est floue. Même la couleur du véhicule varie selon chacune des versions.

Elle est aussi propriétaire d’un troisième véhicule, un Nissan Versa, et les circonstances entourant l’achat sont là aussi très variables d’une version à l’autre. Ce modèle aurait été acquis pour l’aider à apprendre à conduire, alors qu’elle est déjà propriétaire de deux autres véhicules. Selon le cas, elle loue un espace de stationnement privé ou elle laisse le véhicule dans la rue.

Enfin, concernant le véhicule et le sinistre au cœur de l’affaire, l’utilisation du véhicule ou les circonstances du vol sont rapportées de manière fluctuante par la demanderesse. À l’expert en sinistre, elle déclare qu’elle n’en a pas besoin pour se rendre au travail ou aller à son cours d’anglais offert à Terrebonne. Elle jure que son conjoint n’utilise jamais le véhicule.

Le 16 janvier 2022, un dimanche, elle affirme être restée à la maison. Elle ne se souvient pas alors de la dernière fois qu’elle a utilisé le véhicule, lequel était stationné dans la rue. Comme il a neigé, elle dit avoir vérifié trois fois dans la journée si une opération de déneigement allait l’obliger à déplacer l’automobile. C’est à 19 h qu’elle constate que le véhicule a été déplacé. À l’expert en sinistre, elle allègue être sortie une seule fois, sur l’heure du midi.

Lors de l’interrogatoire préalable, deux ans et demi après les faits, la demanderesse affirme plutôt qu’elle est sortie faire des courses ce matin-là. Et en soirée, elle prétend être sortie pour se rendre dans un café avec son conjoint. Or, lors de l’appel d’urgence à la police, elle déclare plutôt qu’elle ne trouve plus le véhicule alors qu’elle voulait rendre visite à sa mère à Terrebonne.

Même le moment exact du début de la cohabitation avec son conjoint dans l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro est changeant dans le temps. « Bref, difficile de s’y retrouver dans un tel foisonnement de versions aussi contradictoires qu’irréalistes », écrit le tribunal.