Les dommages découlant d’une maladresse de l’homme à tout faire ont coûté 20 559,36 $. L’assureur a tenté d’obtenir le remboursement de ses frais. Son recours a été rejeté par le tribunal.
Le juge Denis Lapierre, du district de Bedford de la Cour du Québec, a donné raison au défendeur Marc Cournoyer dans le recours intenté par Desjardins assurances générales.
Le sinistre à l’origine du litige est survenu le 5 décembre 2019. L’assureur est rapidement informé de la situation. Une firme de restauration après sinistre est mandatée. Un entrepreneur général vient colmater la fuite quelques jours plus tard. Il reviendra sur place le 11 février 2020 pour procéder à la réfection complète et dans les règles de l’art.
L’assureur envoie un avis d’engagement de la responsabilité du défendeur dès le 20 mars 2020. Diverses mises en demeure ont été envoyées par la suite. Une conversation téléphonique entre l’assureur et le défendeur a eu lieu le 20 avril 2020 et l’enregistrement a été déposé en preuve.
L’audience a eu lieu le 12 février 2025 et le jugement a été rendu le 24 mars dernier.
Travaux antérieurs
Au procès, les parties ne s’entendent pas sur la chronologie des événements qui ont précédé la déclaration de sinistre. Le tribunal retient ce qui suit. Le défendeur est un artisan verrier qui boucle ses fins de mois en effectuant de menus travaux pour les voisins du village, où il est connu comme un homme à tout faire.
Les clients, qui sont les assurés de Desjardins, confient au défendeur la réalisation de différents menus travaux à la petite maison ancienne qu’ils ont tenté de vendre, sans succès, et qui est vouée à la location.
Peu de temps avant l’arrivée d’une locataire, prévue pour le 15 juin 2019, les assurés lui demandent de remplacer le revêtement du plancher de parqueterie de la salle de bain. En replaçant un morceau à la jonction du nouveau plancher et du petit podium qui soutient le bain, l’ouvrier perce malencontreusement avec un clou de finition le tuyau d’eau dont il ignorait l’existence. La locataire signale la fuite aux propriétaires, qui en avisent le défendeur.
À partir de là, les versions se contredisent. Le défendeur admet avoir procédé à la réparation au moyen de matériel de fortune dont il disposait. Il jure avoir informé ses clients que l’installation était temporaire afin de permettre l’alimentation en eau et qu’il fallait sécuriser la réparation par des moyens plus conformes. « Après avoir mentionné qu’ils ne se souvenaient pas avoir reçu un tel avertissement, ses clients l’ont ensuite nié », indique le tribunal.
Le défendeur affirme n’avoir par la suite reçu aucune nouvelle ni aucun contact de ses clients avant le dégât d’eau survenu en décembre 2019. Les propriétaires affirment plutôt avoir eux-mêmes invoqué le recours à un plombier. Selon eux, le défendeur aurait rétorqué : « C’est moi le plombier », avant de faire la réparation.
Les deux parties s’entendent cependant sur le caractère sommaire du travail fait en août 2019, soit de resserrer les collets de plomberie installés en juin. Cette tâche a d’ailleurs été répétée par l’entrepreneur venu interrompre la fuite le 10 décembre 2019.
Le défendeur affirme qu’il n’accepte pas des travaux de construction ou de rénovation majeure, et ne touche pas à l’électricité et à la plomberie. L’avertissement qu’il dit avoir prodigué à ses clients est logique dans le contexte, selon le tribunal.
Comme la première intervention de l’homme à tout à faire engagé au noir s’est avérée un échec, cette confiance déclarée par les propriétaires « est, sinon improbable, à tout le moins imprudente », indique le tribunal.
Réclamation infondée
D’autre part, le tribunal souligne que la réclamation faite en vertu de la garantie de l’entrepreneur prévue à l’article 2120 du Code civil du Québec souffre d’une grave lacune. L’avis d’engagement de responsabilité émis par Desjardins en mars 2020 ne décrit pas le type de sinistre et encore moins son origine.
S’il y a un domaine où les tribunaux ont appliqué l’obligation de mise en demeure, c’est bien celui des malfaçons, précise le juge Lapierre. L’avis devait décrire sommairement la malfaçon reprochée et permettre à l’entrepreneur visé d’aller sur place vérifier l’existence du défaut et la nécessité d’y apporter des correctifs ou de suggérer ses propres solutions.
Or, l’eau provenant de la salle de bain a traversé la cloison qui sépare cette dernière de la cuisine, dont une partie n’est accessible qu’en retirant les armoires de cuisine non standard et bâties en place. Ces armoires vétustes ont été remplacées par des armoires de qualité standard, mais neuves.
Le défendeur, s’il avait été invité sur place, aurait pu démontrer que le plancher était déjà en mauvais état avant le dégât d’eau et que son remplacement aurait pu être fait sans démanteler les armoires de cuisine. Il n’en a pas eu l’occasion.
Le contrat d’assurance comportait une clause de valeur à neuf, et celle-ci n’est pas opposable au défendeur. Desjardins exerce un recours subrogé et ne saurait détenir plus de droits à son égard que ses assurés n’en détiennent eux-mêmes, selon le tribunal.
Les mises en demeure envoyées par la suite ne comportent pas d’invitation à se rendre sur place. L’assureur se contente de réclamer une somme précise, ce qui donne à penser que les travaux ont déjà été effectués.
Limiter les dommages
Enfin, le défendeur souligne des questions quant aux efforts faits par les assurés pour minimiser leurs dommages. Après le sinistre du 5 décembre 2019, la réparation complète ne sera faite que deux mois plus tard, le 11 février 2020. Le tribunal ne sait rien de ce qui a été fait dans l’intervalle.
La preuve soumise par Desjardins pour appuyer sa réclamation est insuffisante et le tribunal la rejette. Il condamne l’assureur aux frais de justice.