Le 19 février dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré le conseiller en sécurité financière Mathieu Camiré (certificat no 166 363, BDNI no 1804501) coupable de deux chefs d’accusation.

La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience.

Les gestes reprochés à l’intimé ont eu lieu à Drummondville en 2017 et 2018 et concernent la même cliente. La première infraction est proscrite par l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers

Sur une période de quelques jours à la fin octobre 2017, l’intimé n’a pas exercé ses activités avec professionnalisme en indiquant des coordonnées bancaires inexactes dans la proposition d’assurance. Par la suite, il a indiqué une date ne correspondant pas à la date réelle où ces coordonnées ont été obtenues (chef 1). 

Puis, en août 2018, l’intimé a manqué à son devoir de supervision en ne s’assurant pas que son stagiaire procédait à une analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF) de la consommatrice (chef 2). Cette infraction est interdite par l’article 48.1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant

La proposition 

L’intimé est représentant en assurance de personnes depuis 2005 et il est aussi inscrit comme représentant pour un courtier en épargne collective depuis 2008. Il est toujours relié à l’assureur qui l’a recruté à cette fin. 

La cliente mentionnée au chef 1 a été rencontrée par quatre personnes. L’intimé était accompagné par trois travailleurs indépendants en formation auprès de l’assureur. L’un d’entre eux allait être le stagiaire mentionné au chef 2. 

M. Camiré réalise alors l’ABF et prépare la proposition d’assurance vie. La cliente n’ayant pas ses coordonnées bancaires avec elle, l’intimé inscrit des renseignements fictifs avec l’intention de transmettre la bonne information. La cliente signe un document intitulé « changement de compte bancaire » sur lequel aucune information bancaire n’est inscrite. 

Les renseignements sont ajoutés par la suite par l’intimé, qui les transmet à l’assureur avec la feuille de renseignements pour dépôt préautorisé. La proposition d’assurance vie est refusée par l’assureur le 10 novembre 2017. 

Une nouvelle proposition est préparée par l’intimé, mais la cliente n’y donne pas suite et le représentant ne la transmet pas à l’assureur. 

Le procureur de l’intimé plaide que le manquement allégué au chef 1 n’est pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique au sens de la jurisprudence soumise à cet égard. 

La supervision 

Du 31 juillet au 22 octobre 2018, l’intimé est responsable de superviser son collègue en période de probation à titre de représentant en assurance de personnes.

Le 23 août 2018, la même cliente signe une proposition d’assurance préparée par le stagiaire. Aucune ABF n’a alors été préparée. L’intimé signe une attestation de supervision en indiquant que la proposition « répond aux besoins et à la situation » de la cliente. 

À ce sujet, l’intimé considère que son stagiaire n’avait pas à préparer une nouvelle ABF au moment de préparer la nouvelle proposition, étant donné que l’analyse qu’il avait faite 10 mois auparavant était toujours à jour, suffisante et pertinente et que la situation financière de la cliente n’avait pas changé. 

L’intimé ajoute que même si une nouvelle analyse devait être faite par le stagiaire, son défaut de la faire n’est pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique. 

Analyse 

Dans son analyse et son exposé des motifs, le comité de discipline rappelle que le fardeau de preuve qui repose sur les épaules du syndic est celui de la preuve par prépondérance des probabilités. 

Pour être qualifié de faute déontologique, un manquement doit nécessairement avoir un niveau de gravité suffisant et doit dépasser le simple écart de conduite ou l’erreur de bonne foi, indique le comité.

Dans les cas des deux infractions reprochées, le comité estime que l’intimé a manqué à ses devoirs et que ses gestes sont suffisamment graves. Le comité explique ensuite ces motifs sur 15 pages dans une décision qui en compte 23. 

Le syndic a fait la preuve des éléments matériels qui sont reprochés à l’intimé. Le comité détermine que le manque de professionnalisme reproché au chef 1 est assez grave pour constituer une faute déontologique.

Le professionnalisme n’est pas défini à la législation ni à la réglementation applicable en l’espèce. S’ensuite une définition du terme et une analyse de la jurisprudence. Le professionnalisme implique une notion de compétence et de rigueur. 

La prime était payable au moment de livrer la police d’assurance. Le mode de paiement de la prime initiale choisie par la cliente était mensuel et par débit préautorisé. Cependant, pour ce mode, la cliente devait inscrire ses coordonnées bancaires dans la proposition. 

Comme les tarificateurs de l’assureur ont besoin de quelques semaines pour analyser la proposition, l’intimé a choisi d’inscrire des renseignements fictifs. Il prétend que la cliente était informée qu’il allait procéder ainsi et que cette méthode ne pose aucun préjudice à l’assureur.

Sur ce dernier point, le comité indique au paragraphe 77 que cet argument sera pertinent à l’étape de la détermination de la sanction, et non pas lors de la décision sur la culpabilité. 

Une méthode mauvaise 

Si cette façon de procéder n’est pas souhaitable, l’intimé affirme qu’elle n’est pas inacceptable. Le comité réfute cette allégation. Ajouter de l’information sur le formulaire après la signature de la cliente équivaut à une signature au préalable d’un document en blanc ou partiellement rempli par la cliente.

Cette pratique a toujours été vue comme étant mauvaise et reprochable par le comité de discipline. La Cour d’appel du Québec lui a donné raison le 24 août 2023 dans l’affaire opposant le syndic au représentant Jean-Pierre Falet. Le Portail de l’assurance y reviendra sous peu. 

Le comité estime qu’il n’y avait aucune urgence à transmettre à l’assureur la proposition d’assurance préparée et signée un vendredi soir à 20 h alors que l’intimé sait que la cliente lui transmettra les bons renseignements bancaires.

L’intimé aurait pu indiquer à la proposition un mode de facturation qui n’exigeait pas d’y inscrire immédiatement les coordonnées bancaires. Il aurait pu inscrire temporairement un mode de facturation direct sur une base annuelle, semestrielle ou trimestrielle. Il aurait pu changer le mode de facturation par la suite. 

En transmettant ainsi de faux renseignements, l’intimé a minimisé l’importance de la véracité de l’information transmise à l’assureur, alors qu’il signe la proposition où cette exigence est dûment inscrite. 

Accepter la façon de procéder équivaut à déterminer que le geste peut être accepté en fonction du genre d’information inscrit et transmis à l’assureur. L’intimé a modifié un document déjà signé par la cliente. En agissant ainsi, le représentant commet une deuxième irrégularité pour corriger la première. 

Cette façon de faire nuit à l’image et à la réputation de la profession. L’intimé était directeur de succursale et vice-président de l’assureur au Québec. Il compte alors 12 années d’expérience. Il était accompagné de trois travailleurs indépendants en formation pour devenir des représentants en services financiers. Le comité considère que l’intimé devait donner l’exemple dans sa façon de procéder. 

Concernant l’infraction reprochée au chef 2, l’intimé prétend qu’il était bien au fait de la situation financière de la consommatrice, puisque cette dernière devait agir dès juillet 2018 comme adjointe administrative de deux représentants.

En conséquence, l’intimé a estimé qu’une nouvelle ABF n’était pas nécessaire et que celle réalisée 10 mois plus tôt était toujours pertinente. La preuve montre plutôt qu’il n’y a aucune note au dossier de la cliente à la période contemporaine à la deuxième proposition. 

De plus, l’analyse réalisée en octobre 2017 indique des renseignements différents concernant la cliente comparativement à ceux indiqués dans la proposition d’août 2018. La preuve est contradictoire sur le caractère similaire de la situation financière de la consommatrice. 

Le stagiaire n’a inscrit aucune note au dossier en marge de la proposition pour expliquer l’absence d’ABF. Le document signé par l’intimé laisse croire que la couverture d’assurance demandée répond aux besoins de la cliente, ce qui n’a pas été vérifié. Encore une fois, ce manquement est assez grave en raison du statut de superviseur de l’intimé, lequel devait donner l’exemple à son stagiaire.