Selon le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), la décision d’Intact Assurance de revoir l’avenant sur les toitures pouvait entraîner un risque en responsabilité professionnelle pour le courtier.
Dans un message envoyé aux courtiers membres en novembre dernier, la présidente sortante du conseil d’administration, Maryse Rivard, indiquait que l’application du nouvel avenant entrait en conflit avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
Elle écrivait que le RCCAQ avait fait valoir à l’assureur que « la période de 10 ans était pour le moins exagérée, étant donné qu’une toiture bien installée fait encore amplement le travail après une période de 10 ans ».
Au moment de renouveler le contrat, le courtier devra dans tous les cas valider l’âge de la toiture de la résidence assurée. « Dans tous les cas où un assureur impose l’avenant, le représentant se doit de donner tous les renseignements pertinents à son client ou offrir un meilleur produit s’il est disponible », ajoutait Mme Rivard.
Le client n’a pas toujours l’information relative à l’état de la propriété qu’il veut assurer. Une source nous rapporte l’exemple d’un autre assureur qui exige une inspection de la toiture. Un couple avait acheté une propriété dans la région des Laurentides en janvier 2024. Avant la prise de possession l’été suivant, les nouveaux propriétaires ont dû payer quelque 200 $ pour faire inspecter leur toiture à la demande de l’assureur. Le rapport de l’expert confirmait la nécessité de faire des travaux de rénovation, lesquels ont dû être réalisés pour que l’assureur accepte de souscrire le risque.
Deux articles du Code
Lors d’une entrevue subséquente avec le Portail de l’assurance, Richard Giroux, directeur de RCCAQ Assurance, précise de son côté la notion de conflit d’intérêts qui est détaillée dans les articles 10 et 19 du Code de déontologie des représentants.
Au renouvellement, le courtier devra questionner l’assuré concernant l’état de la toiture. Si celle-ci a plus de 10 ans, en fonction du nouvel avenant de la police d’Intact, s’il advient un sinistre comme une tempête de vent, de grêle ou une pluie diluvienne, l’assureur appliquera une dépréciation afin de limiter la portée de la garantie. « Le rôle du courtier est de proposer à l’assuré de lui trouver un autre produit auprès d’un assureur qui n’applique pas une telle norme de souscription », indique M. Giroux.
Le courtier est tenu d’expliquer les conséquences de cet avenant à l’assuré. « Ce qu’on dit aux courtiers, c’est de vérifier au renouvellement que la police répond toujours aux besoins du client », explique-t-il.
Un autre assureur canadien important, en l’occurrence Aviva Canada, applique un avenant similaire dans trois provinces des Prairies où la grêle est un péril plus fréquent. Il s’agit du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
Richard Giroux s’attend à ce que d’autres assureurs imitent Intact. Il souligne que plusieurs courtiers ont des ententes avec cet assureur et y placent la majeure partie de leurs clients.
« Il n’y a rien de mal à favoriser un assureur si le produit répond aux besoins du client. Mais si l’avenant est ajouté, le rôle du courtier est d’offrir des options à l’avantage du client », dit-il. S’il ne le fait pas, le représentant contrevient alors à l’article 19 du Code de déontologie.
Par courriel le 10 février dernier, le directeur général du RCCAQ, Éric Manseau, précise au Portail de l’assurance qu’il n’y a pas eu de nouveaux développements depuis la sortie publique de Maryse Rivard.
L’explication
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Au congrès annuel du RCCAQ à la fin de novembre, le vice-président d’Intact Corporation financière au Québec, Alain Fortin, indiquait que la décision de l’assureur est basée sur l’analyse des données de réclamations par l’équipe du Lab Intact.
« Avec la modélisation et l’innovation technologique, on commence à mieux mixer nos données historiques avec les prévisions, les probabilités de l’exposition au risque dans le futur, ça prend de plus en plus de place. On voit la fréquence, l’augmentation future, la sévérité aussi », expliquait M. Fortin.
Après ses cinq années passées au sein de la filiale On Side Après-Sinistre, Alain Fortin dit avoir été en mesure de constater l’impact des changements subits de température sur l’état d’une toiture, qui sont de plus en plus fréquents durant l’hiver. « On n’a pas de boule de cristal, mais on pense qu’il est temps de commencer à poser des gestes autres que de hausser les tarifs. »
L’assureur estime que les événements climatiques seront en hausse de 25 % d’ici 2040. Même si hausser les primes est inévitable dans ce contexte, « il faut aussi adapter nos produits. Partout au Canada, la couverture offerte pour les toitures était déjà applicable, c’est juste au Québec où ça ne l’était pas », notait M. Fortin.
« On comprend que ce sont des changements qui ne sont pas simples à gérer tous les jours. Mais ça fait juste commencer. L’avenant sur les toitures, c’est un sinistre couvert pour les premières 10 années. Nos modèles disent que ça n’est pas exagéré. On y croit. On espère que l’industrie va emboîter le pas », disait Alain Fortin aux participants du congrès du RCCAQ.
Ce n’est pas la première fois que l’assureur Intact révise les normes de souscription de police d’assurance habitation pour les sinistres reliés à l’état de la toiture de l’immeuble.
Les données disponibles
Lors d’un entretien avec le Portail de l’assurance, à la fin de novembre dernier, le PDG d’Opta Intelligence d’affaires, Greg McCutcheon, rappelle que sa firme fait désormais partie de la filiale canadienne de Verisk. Cette société exploite une flotte d’aéronefs qui a pris des images aériennes de tous les grands centres urbains de l’Amérique du Nord.
Grâce à la haute résolution des images et aux algorithmes utilisés, Verisk a développé un indice de qualité des toitures. « On peut utiliser des algorithmes d’intelligence artificielle pour analyser ces images et fournir des renseignements sur 22 caractéristiques particulières de chaque immeuble, seulement à partir de ces photos. Cela nous permet de prédire la capacité de telle toiture de résister à une tempête de vent ou à un épisode de grêle », indique M. McCutcheon.
Au moment de notre entretien, il ne connaissait pas les détails sur le nouvel avenant proposé par Intact. L’usure d’une toiture est dépendante d’un très grand nombre de variables, selon lui. « Je ne pense pas qu’on peut fixer une limite arbitraire à 10 ans. »
Selon lui, « l’industrie peut commencer à se montrer créative pour trouver des solutions », note M. McCutcheon. Il suggère par exemple des contrats d’assurance de dommages sur plusieurs années en échange d’une contribution financière de l’assureur aux travaux visant à rendre l’habitation plus résistante aux aléas climatiques.
« Le mot-clé est la résilience, il faut s’adapter, car les tempêtes ne cesseront pas de survenir. Il faut axer nos efforts sur la prévention, la résilience, et l’ingéniosité », insiste Greg McCutcheon.
Des solutions
De son côté, Sylvie Langlois, directrice régionale, Services précis de Verisk, souligne que les plateformes iClarify et LightSpeed Entreprises permettent à son organisation de fournir une information très détaillée sur l’état des toitures, mais aussi des alentours d’un immeuble résidentiel ou commercial. « Ces outils ont été intégrés dans notre solution de souscription offerte aux assureurs et aux agents généraux », dit-elle en entrevue avec le Portail de l’assurance.
« On est capable de donner un score de 1 à 5 sur la condition du toit basé sur les images aériennes qu’on prend annuellement dans les plus grandes villes au Canada. » Plus la note est élevée, meilleure est la condition.
Jumelée à l’historique des réclamations dans le quartier où l’immeuble est situé, cette information est utile pour la souscription d’un risque lié aux aléas climatiques. « En fonction de la condition générale de la toiture et ce qui a trait à la possibilité d’infiltration d’eau, la probabilité est minime si l’indice de qualité que nous donnons est élevé », explique Mme Langlois.
Muni de cette information, le courtier est alors en mesure de discuter avec le souscripteur de l’assureur qui évalue le dossier de son client. « Selon les informations qu’on a de l’imagerie aérienne, la toiture peut encore être en excellente condition. Dix ans, c’est relativement récent pour une toiture dépendamment de la qualité du travail », ajoute-t-elle.
La qualité de la définition des images prises permet, après l’analyse, de détecter les défauts ou les faiblesses de la couverture. Les plateformes offertes par Verisk fournissent aussi de l’information sur une grande variété de facteurs qui déterminent l’importance du risque à assurer : le taux de criminalité, la prévention et la lutte contre les incendies, le risque de vandalisme, etc.
« On est capable de donner une idée complète du risque à l’assureur ou au courtier au moment de la souscription. En faisant ça, c’est toute l’information qui se retrouve au même endroit », insiste Mme Langlois.