Avec les bas taux d’intérêt qui perdurent et les futures normes comptables qui alourdiront le poids de leurs engagements à long terme, les assureurs voient comme une bouffée d’air l’arrivée d’un instrument de dette d’une durée inédite. La taille de cette émission est toutefois minime en fonction de leurs besoins réels, ont confié des spécialistes à FlashFinance.ca.Le ministre des Finances Joe Oliver a poursuivi le plan de match inscrit à son budget de février sur la gestion de la dette publique : le gouvernement fédéral a émis 1,5 milliard de dollars (G$) d’obligations à 50 ans à un rendement de 2,96 %. Elles échoient le 1er décembre 2064. Le gouvernement a ainsi voulu réduire le risque de refinancement de la dette et maintenir ses cotes de crédit.

L’émission a rapidement trouvé preneur et les principaux intéressés en veulent déjà plus. « L’industrie de l’assurance de personnes accueille favorablement cette initiative. Nous espérons que cette émission annonce le début du développement d’un marché robuste des obligations à ultra-long terme au Canada », a dit à FlashFinance.ca Stephen Frank, vice-président du développement des politiques et de la santé à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

Directeur des communications et des affaires publiques de l’Institut canadien des actuaires (ICA), Les Dandridge, a fait savoir que l’ICA a aussi réagi positivement à la nouvelle émission. Membre de l’ICA, Mercer modère cet enthousiasme. Hrvoje Lakota, stratégiste en chef, solutions dynamiques de réduction des risques de Mercer à Toronto, ne croit pas que la nouvelle émission transformera l’industrie dans laquelle il évolue. « C’est un outil additionnel dans notre arsenal de gestionnaire de risques, mais une émission de 1,5 G$ est loin de régler le problème. Les engagements totaux des régimes de retraite à prestation déterminées dans les secteurs publics et privés dépasse un billion de dollars », fait valoir l’actuaire.

Il espère ainsi voir d’autres émissions. « Ce serait bien de voir d’autres émetteurs, comme les provinces et les corporations, commencer à émettre de la dette à plus long terme », souhaite M. Lakota. Or, il insiste sur l’utilité du nouvel outil de gestion des risques. Peu usité pour un investisseur individuel vu son bas rendement, une telle obligation aidera en revanche les assureurs et les caisses de retraite à gérer le risque de taux d’intérêt, dit-il.

« Tout dépend du type de risque qui vous concernent, explique M. Lakota. Une hausse des taux d’intérêt diminuera la valeur des engagements d’une caisse de retraite alors qu’une baisse des taux l’augmentera. Les obligations tendent à se comporter comme ces engagements et peuvent donc servir à gérer le risque de taux d’intérêt. De la même façon, un assureur derrière des polices d’assurance vie permanentes et des rentes viagères aura besoin de ces obligations de longue durée pour gérer ses engagements à très long terme. »

L’émission vient donner un outil supplémentaire aux assureurs pour atténuer une faiblesse soulignée par le Fonds monétaire international dans son Programme d’évaluation du secteur financier canadien, publié en mars. Le FMI avait alors souligné le fait que les plus longues obligations du Canada se limitaient à une durée de 30 ans, ce qui n’est plus le cas.

Le spectre des normes internationales d’information financière (IFRS) des contrats d’assurance a aussi exacerbé cette lacune. L’industrie attend toujours leur format final et espère que l’obligation d’escompter à la valeur d’aujourd’hui leurs engagements de demain sera aboli. L’International Accounting Standard Board de Londres s’est réuni à la fin du mois d’avril à ce sujet, mais aucune décision n’a été prise.