Rencontré à ses bureaux de Montréal par le Journal de l’assurance le 14 juin, le ministre délégué aux Finances du Québec Alain Paquet, a révélé quels dossiers retenaient son attention. Toutefois, peu importe le dossier, il fait de la protection du public sa priorité. En outre, il dit préférer une approche en amont, visant à prévenir les crises majeures au lieu de les guérir.Il a rappelé d’emblée le rôle crucial que jouait l’industrie des services financiers dans l’économie québécoise. «?La protection du public est une question importante. On n’a qu’à prendre le Fonds d’indemnisation des services financiers. C’est une question complexe. Le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord qui a un tel fonds lorsque survient une fraude. Plusieurs événements sont survenus et qui ont affecté la confiance du public. Il ne faut toutefois pas oublier que 99,6 des professionnels des services financiers sont corrects?», dit-il.
Qu’adviendra-t-il de ce fameux Fonds qui défraie souvent la manchette? M. Paquet dit vouloir laisser la consultation suivre son cours avant de commenter le dossier. «?On doit regarder le tout avec toute la rigueur nécessaire. Il faut bien évaluer les enjeux et mesurer les avantages et les désavantages de chaque proposition?», dit-il.
M. Paquet dit ainsi privilégier une approche en amont et faire tout ce qui est possible pour minimiser les cas de fraude. «?Il y a eu des renforcements de loi et autres mesures du genre. Au-delà de cela, il ne faut pas oublier de bien outiller la population. Il faut éduquer les gens à poser les bonnes questions pour ainsi bien comprendre ce qui leur est offert. Ils ne doivent pas non plus hésiter à demander des documents écrits. Si c’est trop beau pour être vrai, ils doivent se méfier?», dit-il.
Il dresse aussi une mise en garde à la tentation d’élargir l’indemnisation tout azimut. «?Il ne faut pas déresponsabiliser la profession ni la population. On doit donc trouver la bonne solution. C’est pourquoi j’ai demandé à l’Autorité des marchés financiers de mener une consultation. Elle doit évaluer la pertinence de l’existence du Fonds. Si un élargissement est proposé, il faudra voir quels avantages et désavantages en découle pour le public et les fournisseurs. Il faudra aussi voir comment financer le tout et les effets qui en découleront, notamment au plan des risques systémiques?», dit-il.
Gouvernance des OAR
Autre sujet épineux?: la gouvernance des organismes d’autoréglementation (OAR). Le ministre admet que leur rôle est souvent confondu entre protection du public et représentation des membres. «?Il y a eu une évolution dans la société. On est en 2011?: on doit faire les choses différemment. La protection du public doit être primordiale. Il n’y a rien de mal à ce qu’un OAR traite de problèmes associatifs. Ce n’est pas incompatible à son rôle si c’est bien fait. Toutefois, la distance entre l’associatif et la protection du public doit être clairement établie?», dit-il.
Il reconnait toutefois qu’aborder la question de la gouvernance n’est pas chose évidente. Il a d’ailleurs demandé à rencontrer le conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière à cet effet. «?Je veux avoir un échange avec eux pour voir comment on peut faire une étape de plus en matière de gouvernance. Si on peut mieux assurer le rôle de protection du public, tout le monde en sortira gagnant?», dit-il.
Quant à la Chambre de l’assurance de dommages, la réflexion est bien amorcée, dit-il, même si le dossier a soulevé des débats houleux au cours des derniers mois. «?Avec les nouvelles règles de gouvernance, on comptera des gens de l’industrie pour définir les règles déontologiques. Il faut aussi ajouter des représentants du public. J’ai rencontré tous les intervenants touchés par le dossier. Il y a toutefois un consensus. Il est important d’ajuster la représentation du public?», dit-il.
La Chambre de la sécurité financière devrait-elle suivre le même chemin? «?Ça fait partie des éléments de réflexion?», dit-il.
Reconnaissance du MFDA au Québec
Que pense le ministre de la reconnaissance du Mutual Funds Dealers Association (MFDA) au Québec? Il affirme qu’il est important de tenir compte d’un principe de base?: l’harmonisation. Il adresse toutefois une mise en garde?: harmonisation ne veut pas dire uniformisation.
«?Il faut être flexible pour inclure des distinctions. Il ne faut pas tout faire uniformément. Il faut réfléchir à un modèle qui répond aux besoins de tous. Quant à la spécificité de la Chambre, on veut la préserver?», dit-il. Pourquoi avoir fait retirer le projet l’hiver dernier? «?Rien ne nous oblige à nous commettre à une date précise. On veut le meilleur encadrement possible. C’est pour cette raison que j’ai retiré le projet. Nous ne sommes pas là pour permettre à un groupe de faire du développement au détriment d’un autre. On veut qu’émerge les meilleurs choix possibles. On réfléchit donc à une solution. On n’a pas mis de date et ça s’en vient dans les prochains mois?», dit-il.
Le ministre dit aussi vouloir en savoir plus sur le projet de la Chambre, qui réclame le statut d’OAR au Québec des cabinets de fonds communs. «?Il n’y a rien de fermé. Quand la décision sera prise, tout le monde devra être favorisé?», dit-il.
Révision de la loi 188
Plusieurs intervenants du milieu des services financiers réclament une révision complète de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (loi 188). Qu’en pense le ministre?
«?La loi évolue à toutes les sessions parlementaires, par l’entremise de projets de loi omnibus entre autres. On travaille aussi sur un rapport quinquennal en assurance. Nous sommes prêts à considérer des ajustements pour ce segment et j’ai fait une tournée de l’industrie à ce propos. Il n’y a toutefois pas de crise majeure. Quand on sera prêt à aller de l’avant, on le fera savoir. Il n’y a pas d’échéancier pour réviser la loi. L’important est que le travail se fasse. Je ne suis pas le type de ministre qui fonctionne sur échéance. Si on prend en exemple la Loi sur le courtage immobilier, où un OAR a été constitué, il n’y avait pas d’urgence. Nous avons agi en amont pour faire évoluer les choses, même s’il n’y avait pas de crise?», dit-il.
Procureurs
L’Autorité des marchés financiers pourra compter sur de nouveaux procureurs bientôt. Dans son dernier budget, le gouvernement du Québec a alloué une somme de 3,7 millions de dollars pour l’embauche de nouvelles ressources. Les postes ont été affichés et le recrutement est en cours, précise le ministre.
Par ailleurs, le ministre a fait une tournée du Québec au cours des dernières semaines, qui l’a amené de Kuujjuaq à Chibougamau et aux Iles-de-la-Madeleine, entre autres. Il affirme que ce fut une expérience enrichissante. «?Il ne faut pas juste dicter des règlements. Il faut être près des gens. Bien souvent, les solutions sont sur le terrain?», dit-il.
À cet effet, il cite un projet mené en Estrie, où des enfants ont participé à l’Académie des petits trésors, qui leur a donné des connaissances financières en dehors des heures de classe.