Le Tribunal donne raison à la compagnie d’assurance qui alléguait que la demande était irrecevable en raison du délai pour la soumettre à la justice. En conséquence, la poursuite intentée par le conjoint de la personne décédée est rejetée. 

L’affaire a été entendue le 14 février dernier devant la Cour du Québec par la juge Isabelle Labranche, du district de Saint-Hyacinthe. Elle a rendu son jugement le 18 juillet dernier

Le recours a été intenté par Gabriel Cournoyer le 30 mars 2023. Il poursuit alors RBC Assurances à la suite du décès de son épouse, survenu le 1er mars 2012, et réclame le produit de sa police d’assurance vie qui lui est refusé. 

La compagnie d’assurance (la défenderesse) nie d’abord sa responsabilité en raison du délai de prescription largement dépassé par la demande.

Après avoir reçu les pièces alléguées au soutien de la requête du demandeur, elle modifie toutefois sa contestation, affirmant que la poursuite concerne plutôt une police d’assurance voyage émise par la Compagnie d’assurance RBC du Canada.

Les arguments de l'assureur

La défenderesse invoque que le dossier de réclamation, qui a été ouvert le 26 mars 2012, a été fermé par le demandeur en novembre 2019. La documentation et les informations demandées n’ont pas été fournies pour permettre son traitement par l’assureur. 

Par ailleurs, comme l’épouse du demandeur est décédée sans testament et sans désignation d’un liquidateur, la défenderesse soutient que M. Cournoyer ne détient pas l’intérêt légal requis pour agir.

De plus, les montants réclamés ne sont pas justifiés par la moindre documentation, ajoute la défenderesse. La réclamation est de 15 000 $, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle. 

Lors de l’audience, la représentante autorisée de l’assureur souligne que la police d’assurance ne comprenait aucun bénéficiaire et que seul le payeur des frais pouvait obtenir un remboursement. 

Enfin, RBC Assurances présente une demande en irrecevabilité et en rejet de la demande pour tous ces motifs, en plus d’alléguer qu’elle n’a commis aucune faute.

M. Cournoyer s’oppose à la modification de la contestation de sa demande et il apporte de nouvelles pièces lors de l’audience. Il dépose notamment une preuve d’achat de l’assurance datée du 22 février 2012 qui incluait le sommaire des garanties.

Le Tribunal ordonne à l’institution financière de compléter sa preuve documentaire en fournissant toutes les communications reliées au dossier. 

La demande est irrecevable 

L’opposition de M. Cournoyer à la contestation modifiée de RBC Assurances est rapidement rejetée par le Tribunal. Il reconnaît lui-même s’opposer aux allégations et non pas au droit à la modification d’un acte de procédure. 

Cela dit, la juge Labranche doit avant tout se prononcer sur l’irrecevabilité de la demande et se base sur le cadre d’analyse de la Cour d’appel du Québec. Pour accueillir la requête en irrecevabilité, la situation juridique doit être claire et sans ambiguïté. Cela permet d’éviter la tenue d’un procès lorsque la demande est dépourvue de fondement, même si les faits qui la soutiennent sont admis. 

À cette étape, le Tribunal n’a pas à statuer sur les chances de succès de la demande ou le bien-fondé des faits allégués. S’il faut analyser la preuve au-delà de la simple lecture des pièces, le procès devra avoir lieu, indique la juge dans son jugement.

Or, le Tribunal conclut que la Demande est dépourvue de fondement juridique. En effet, le demandeur a déposé son recours plus de 10 ans après le décès de son épouse. Il n’a pas allégué son impossibilité d’agir qui aurait pu modifier le calcul du délai de trois ans applicable en semblable matière.

La jurisprudence citée par la juge établit que l’ignorance du droit ne peut être invoquée pour expliquer l’impossibilité d’agir, même si la partie n’est pas représentée par un avocat. Seule l’ignorance des faits générateurs de droit peut constituer cette impossibilité d’agir. La juge souligne que la demande de M. Cournoyer n’a pas été modifiée durant toute la procédure. 

Le Tribunal doit être prudent dans son analyse d’une requête en irrecevabilité, souligne la juge. Or, dans ce litige, la jurisprudence est claire. 

Pas d’abus 

RBC Assurances affirme que le recours du demandeur est abusif et réclame des dommages. Le Tribunal analyse la définition de l’abus présente dans les dispositions du Code de procédure civile, afin de déterminer si l'assureur a droit à la réparation de son préjudice. 

« Seul un abus de procédure qui se qualifie de faute au sens de la responsabilité civile justifie l’octroi d’une condamnation en dommages-intérêts afin de compenser un préjudice subi », précise le Tribunal en s’appuyant sur la jurisprudence.

Il souligne notamment qu'une demande « manifestement mal fondée » ou même simplement « non fondée » n’est pas toujours le reflet d’une faute intentionnelle ou d’une conduite négligente. 

Si la défenderesse a sommairement établi l’apparence d’abus de la demande, le témoignage et les pièces déposées par M. Cournoyer à l’audience poussent la juge Labranche à estimer qu’il n’a pas agi de manière excessive ou déraisonnable, et ce, même si sa position ne se justifie pas en droit.