En mai, lors du Morningstar Investment Conference de 2022, deux expertes de la société ont donné leur point de vue sur l’évolution du secteur des conseils.   

La première s’est prononcée sur la tendance à la personnalisation, et la deuxième, sur le parcours de planification financière du client.   

Les expertes de Morningstar ont présenté un aperçu de l’avenir des conseils et ont suggéré un modèle de cycle de vie du client pour remplacer la « montagne morbide » qu’on a l’habitude d’enseigner dans les cours de planification financière.   

Lors de sa présentation, Marta Norton, cheffe des placements, Amériques, chez Morningstar Investment Management LLC, a parlé de personnalisation à grande échelle.   

Tout d’abord, elle dit que la personnalisation est un concept tout à fait clair pour certaines personnes. « Quand on se met à parler de personnalisation, certains saisissent aussitôt le concept. Ils comprennent de quoi il s’agit. Mais pour beaucoup d’autres (moi y compris), ce n’est pas aussi limpide. »   

Mme Norton explique qu’auparavant, on utilisait la technologie pour standardiser les produits et la prestation de services, alors qu’aujourd’hui, on s’en sert pour renouer avec les consommateurs — ce qu’elle qualifie d’« ironique », d’ailleurs.   

Citant des statistiques de McKinsey & Company, elle souligne que plus de 70 % des consommateurs s’attendent à ce que leurs produits et services soient personnalisés.   

« La personnalisation fait partie des attentes. Elle est là, et pas seulement dans les grandes sociétés technologiques. Dans la gestion de patrimoine aussi », a-t-elle fait remarquer aux participants au congrès.   

Les solutions technologiques  

Le problème, avec la personnalisation à grande échelle, c’est qu’elle est difficile à implanter systématiquement. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à se servir des solutions technologiques disponibles sur le marché.   

« Au lieu de se concentrer sur des données figées dans le temps pour le comparer à une référence, on pense en temps réel, explique Mme Norton. On peut examiner le bien-être financier du client de A à Z parce qu’on a l’ensemble des renseignements sur le client et qu’il n’est pas question de résultats par rapport à une référence, mais de progrès réalisés vers l’atteinte d’un objectif. »  

« Quand on axe davantage le processus de planification financière sur des objectifs (c’est un peu ça, la personnalisation), on se recentre sur le client, sur ses objectifs financiers à lui. Et on se rend compte qu’on peut arriver à des résultats considérablement différents », affirme Mme Norton. Elle ajoute que cette façon de faire permet aux conseillers d’offrir un meilleur encadrement. « C’est tellement plus facile d’aider les clients à prendre les bonnes décisions au bon moment. »  

Car si l’on continue à se concentrer uniquement sur le rendement du portefeuille et sur des références, on risque de nuire aux résultats du client. En effet, il a été prouvé que la chasse aux rendements (entre autres comportements) fait diminuer la valeur d’un portefeuille.   

« Si on peut amener les investisseurs à atteindre leurs objectifs plus efficacement, alors tout le monde y gagne. Selon moi, la personnalisation est un virage. On arrête de se concentrer seulement sur le portefeuille et son rendement pour retourner à la raison pour laquelle on investit, à la base : réaliser ses objectifs financiers personnels. »  

Les irritants  

Certes, la personnalisation n’est pas sans irritants. Les conseillers qui veulent l’implanter se heurtent à quelques obstacles. Ils ont parfois l’impression que les solutions sont très complexes.   

« Chaque fois qu’une personne change de structure, il faut prévoir des obstacles. Surtout quand on parle d’outils numériques qu’on ne connaît pas nécessairement ou qui demandent un certain temps à apprivoiser », dit Mme Norton. Il faut consacrer beaucoup de temps au contrôle préalable : se renseigner sur les différents fournisseurs, évaluer si leurs solutions conviennent. Je trouve qu’on ne devrait pas passer les irritants sous silence. »  

Ceux qui adopteront ces nouveaux outils, cependant, ne pourront qu’en ressortir gagnants. « Les conseillers qui les adoptent, qui comprennent comment s’en servir, vont s’apercevoir que leurs pratiques seront nettement différentes dans dix ans. »  

Le vrai cycle de vie en planification financière  

Dans une autre présentation, Sarah Newcomb, directrice de la science comportementale à Morningstar, a exposé les tenants et aboutissants d’un nouveau modèle qui peut aider à cerner les différents stades de vie des clients. Ce modèle diffère du graphique linéaire qui, telle une montagne, illustre la trajectoire de la valeur nette (et les stratégies de planification correspondantes) en fonction de l’âge du client.   

« Je trouve que le problème avec ce modèle est qu’il ne décrit pas grand monde. Très peu de gens commencent au-dessus de zéro et y restent toute leur vie. Très peu de gens ne rencontrent aucun revers. Rares sont ceux qui suivent cette trajectoire. »  

Elle suggère plutôt aux conseillers de fonctionner par « modes ». « Les modes sont un peu différents. Un mode, c’est un peu comme une vitesse. Il décrit la situation financière à un moment donné. »   

Mme Newcomb et son groupe en comptent sept : chaos, survie, stabilité, croissance, croissance accélérée, décumul et héritage.   

  • Chaos  

La valeur nette est négative, et la tendance indique qu’elle devrait le rester. Le client a probablement besoin qu’on le conseille sur la gestion de son endettement d’abord et avant tout. Très souvent, il aura un horizon de quelques jours, et non pas de quelques années (et certainement pas de décennies). « Le client doit miser sur son réseau de soutien. Il doit s’organiser et lire son courrier, explique Mme Newcomb. Il faut l’amener à penser en termes de jours. Étirez son horizon sur deux semaines. »  

Pour ce qui est de l’endettement, la solution peut être une consolidation de dettes ou, dans certains cas, une faillite.   

  • Survie   

La valeur nette est plus ou moins nulle. Il est difficile de la maintenir en territoire positif.   

« Il faut essayer de faire passer l’horizon du client de quelques semaines à plusieurs mois. Faites l’inventaire de ses comptes. Amenez-le à créer un calendrier des rentrées et sorties d’argent, à automatiser tout ce qu’il peut automatiser. Il doit évaluer les choses qui menacent le peu de stabilité dont il profite. »  

  • Stabilité   

« En mode stabilité, la valeur nette est près de zéro, mais elle est positive. Elle ne tend pas à la hausse : elle fait du surplace. » Le client devrait revoir son horizon temporel mental, gérer les risques et créer un plan de placement. « Les mêmes choses que vous feriez pour n’importe quel client en planification financière. » À cette étape, le client ne peut probablement se permettre que les assurances essentielles.   

  • Croissance   

La valeur nette est positive et tend à augmenter graduellement. Ici, on peut étirer l’horizon de planification jusqu’à plusieurs dizaines d’années. On automatise tout. On surveille le bilan autant que possible. On gère l’endettement.   

Mme Newcomb ajoute qu’on peut également réduire au minimum les mauvaises créances et aider le client à comprendre pourquoi certaines dettes sont acceptables. « Vous pouvez l’aider à rediriger une partie de ses ressources pour créer des sources de revenus », dit-elle.    

À ce stade, on devrait aussi veiller à gérer les rentrées et sorties d’argent, l’objectif étant de maximiser l’épargne et de gérer les risques. Le client peut commencer à se procurer les assurances non essentielles, mais utiles. Il est temps de penser à l’optimisation fiscale.   

  • Croissance accélérée   

Ici, l’horizon de planification passe de plusieurs décennies à plusieurs générations. « La croissance accélérée n’est pas nécessairement un objectif pour tout le monde. Ça pourrait dire que le client prend d’excellentes décisions, ou bien qu’il assume trop de risques », explique Mme Newcomb.   

« Ce n’est pas nécessairement un objectif. C’est tout simplement une situation financière qu’il convient d’évaluer pour déterminer si la croissance est stable et saine. » Dans ce mode, le client peut probablement se permettre toutes les assurances utiles.   

  • Décumul   

La valeur nette est bel et bien positive, mais la tendance est négative. L’âge est important ici. « Si quelqu’un est en mode décumul à 25 ans, ce sera peut-être problématique. Mais ça dépend aussi de la taille de sa valeur nette. »   

  • Héritage  

La valeur nette est positive et, selon les projections, devrait le rester même après le décès. La tendance n’est pas négative au point de faire tomber la valeur nette dans le rouge pendant la vie du client.   

À ce stade, on discute de succession, de philanthropie et de liquidateur (exécuteur testamentaire). « Il faut avoir une stratégie bien définie à long terme », suggère Mme Newcomb, ajoutant qu’on peut également commencer à organiser la gouvernance familiale et à planifier le transfert de richesses intergénérationnel. « C’est là qu’on peut faire durer ses avoirs 100 ans, voire plus, si on le planifie. »  

En bref, Sarah Newcomb suggère aux conseillers de fixer des objectifs à court terme qui conviennent à la situation du client et qui lui permettront de passer au mode suivant. « C’est ça, le concept. Je rappelle que tous les modèles sont erronés. Certains sont utiles, d’autres sont un peu plus utiles », dit-elle.   

« Nombreux sont les gens qui commencent leur vie en mode héritage. Certaines personnes passeront leur vie entière en mode survie, d’autres vont alterner entre survie et stabilité, et d’autres vont se rendre jusqu’au chaos avant de revenir. Quelqu’un qui commence en mode chaos et qui gagne à la loterie passera directement au mode héritage. Mais si cette personne n’a pas appris à gérer ses finances, elle retombera probablement en mode chaos tôt ou tard », fait-elle remarquer, soulignant que le décumul, par exemple, n’a pas toujours lieu en fin de vie. « Tout comme le modèle de cycle de vie, chaque mode correspond à certaines aptitudes, à certaines façons de penser ou à certains comportements. »  

Les gens peuvent emprunter quantité de chemins différents pendant leur vie. Les conseillers qui comprennent d’où viennent leurs clients se retrouveront devant une mine d’information. « Ces modes peuvent vous aider à déterminer le chemin parcouru par le client et la direction dans laquelle il veut aller. »