Lors de la Journée de l’assurance de dommages 2015, Alain Harvey, président de l’Association internationale des enquêteurs en incendie, a fait part du problème du maintien de l’intégrité des lieux du sinistre. Des fournisseurs pressés par les assureurs interviennent trop rapidement, ce qui complique la détermination de la cause du sinistre, laisse-t-il entendre. Il a tenu ses propos lors de la période d’échanges qui concluait l’atelier du 17 mars sur la gestion de la réclamation et du règlement de sinistre.Son groupe offre de la formation depuis quatre ans, mais « je vois très peu de gens du domaine de l’assurance venir nous voir pour suivre de la formation sur les incendies, afin de mieux comprendre la cause du sinistre. S’il y en a trois ou quatre qui viennent à nos formations ou à notre congrès, c’est beau », dit-il.

La protection des lieux à la suite d’un incendie est un réel problème. Comme enquêteur, il a accès directement au personnel qui s’occupe d’éteindre les feux et d’en déterminer la cause. Les policiers et les pompiers n’accordent aucune confiance aux assureurs, car ils craignent de se faire poursuivre si la qualité du travail d’extinction est remise en cause.

De plus, il arrive très souvent à M. Harvey de déplorer la contamination du site par les fournisseurs des compagnies d’assurance. Trois semaines plus tôt en février, il a vécu cette situation et il affirme qu’elle n’est pas rare. « On avait protégé au maximum le site afin de pouvoir le remettre aux autres experts, dont les policiers. Après cela, une autre pelle mécanique est arrivée sur le site, à la demande de l’assureur et du propriétaire, pour remblayer le site au complet. » Évidemment, l’expert en sinistre n’a pu aller bien loin dans son investigation, relate M. Harvey.

Des nouveaux outils


Au sujet de la détermination de la cause du sinistre, Maya Raic, PDG de la Chambre de l’assurance de dommages, répète que ce sujet est au cœur du cahier de formation de l’examen préparatoire à l’examen de l’Autorité des marchés financiers que doit réussir l’expert en sinistre. La démarche de révision du tableau du partage des rôles et responsabilités est inspirée par la nécessité de trouver des solutions et non des coupables, insiste-t-elle.

 

Lucie Constantineau, directrice générale de la Fédération de l’industrie de la restauration après-sinistre (FIRAS), note que ce ne sont pas tous les clients qui lisent attentivement leur police. Si le sinistre survient des années après la souscription, ils ne se souviennent pas toujours des limites et des exclusions. Elle souligne aussi que le marché a évolué dans l’industrie de la restauration après sinistre. De nouvelles technologies sont offertes et permettent d’accélérer le travail. La FIRAS s’occupe d’améliorer la formation de ses membres. Mme Constantineau dit souhaiter que les autres intervenants fassent de même.

Bertrand Vary, président de l’Association des experts en sinistre indépendants du Québec (AESIQ), rétorque que ses membres sont aussi tenus, par leur code de déontologie, de suivre des cours pour l’équivalent de 20 unités de formation continue (UFC) tous les deux ans. Selon lui, ces nouveaux outils offerts aux restaurateurs les incitent à tenter de récupérer des biens trop endommagés. « Pour les dégâts d’eau, on travaille toujours avec un budget limité », dit-il. Mettre beaucoup d’accent au nettoyage des biens fera en sorte de limiter les sommes requises pour la reconstruction ou le remplacement des biens endommagés de l’assuré.

Tout comme Lucie Constantineau, M. Vary reconnait que le travail des restaurateurs est parfois ingrat. Ils doivent répondre rapidement aux urgences, peu importe l’heure ou le jour de la semaine, dans des conditions souvent difficiles.

Le réclamant peut voir l’expert en sinistre comme le porteur des mauvaises nouvelles, celui qui vient fermer le buffet, reconnait-il. Selon M. Vary, « l’expert en sinistre doit gérer le budget alloué par la police de la meilleure manière possible tout en suivant les politiques du commettant ».

Être sur place


Une autre intervenante de la salle souligne que les experts n’ont pas toujours le temps de se rendre sur les lieux du sinistre. Selon Maya Raic, rien n’oblige l’expert en sinistre à être sur la route pour voir la situation par lui-même. Il doit jouer son rôle de chef d’orchestre, répète-t-elle. « Ça prend quelqu’un pour porter le dossier et ce porteur doit assumer la responsabilité du travail accompli par les fournisseurs qu’il utilise », dit-elle.

C’est le même principe pour la détermination de la cause du sinistre. « S’il y a une plainte, c’est l’expert en sinistre qui sera l’objet de l’enquête, sur son rôle, les gestes qu’il a posés, les rapports qu’il a acceptés ou pas, les gestes posés en toute bonne foi afin de déterminer la cause du sinistre. S’il a fait ce qu’il doit faire, il n’y aura pas de problème », précise Maya Raic.

Bertrand Vary ajoute que, même s’il ne dispose pas toujours des moyens suffisants pour déterminer la cause du sinistre, l’expert « ne doit jamais spéculer » sur le sujet. Il ne doit pas hésiter à recourir à l’expertise d’autres professionnels. « On fait notre possible pour établir la cause, on peut faire des commentaires. On peut arriver à des conclusions théoriques, mais spéculer sans aucune preuve, c’est autre chose. »

L’assureur donne généralement son accord pour la réalisation des travaux d’urgence, mais il doit savoir la cause du sinistre avant d’indemniser. Advenant le cas où la réclamation est refusée par l’assureur, le restaurateur peut se retourner vers le client pour se faire payer, indique M. Vary. Selon lui, il est rare que des montants élevés aient été dépensés si la cause n’est pas déterminée.