Le réseau des agents généraux est bien implanté dans le marché de l'assurance de personnes, mais il occupe une place grandissante en gestion de patrimoine.C'est ce que révèle la firme de recherche Investor Economics dans son rapport sur le courtage au détail publié à la fin 2008. Le Journal de l'assurance en a obtenu copie. C'est d'ailleurs la première fois qu'il est remis dans son intégralité à un organe de presse. Dix-huit agents généraux, une douzaine d'assureurs, quelques associations et d'autres intervenants ont participé à cette recherche.
L'un des principaux constats de l'étude est lié au fait que les agents généraux s'approprient une part de plus en plus importante du marché de la gestion de patrimoine. Ils y parviennent grâce à la vente de fonds distincts, de produits de garanties de retrait et de rentes aux conseillers en assurance de personnes. Ils y réussissent aussi par l'ajout de filiales de distribution de fonds d'investissement aupres des conseillers en fonds communs de placement ou agissent en partenariat avec eux.
Le rapport d'Investor Economics explique que le nombre de nouvelles ventes en fonds réalisées par le réseau des agents généraux est considérable. En juillet 2010, elles représentaient 30 % de l'ensemble des ventes de fonds distincts. La crise des marchés survenue en 2008 n'a pas ralenti l'intérêt pour les produits de gestion de patrimoine, ont expliqué Goshka Folda, directrice déléguée principale d'Investor Economics, et Guy Armstrong, analyste principal pour la même entreprise, en entrevue au Journal de l'assurance. Ils affirment qu'au contraire, la crise boursière et la récession qui a suivi ont contribué à accélérer la tendance.
« Beaucoup de conseillers en assurance et d'agents généraux ont vu là une occasion de s'approprier la clientèle qui, traditionnellement, se serait dirigée vers une société membre de l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA) ou de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, voire une banque. Les produits de gestion de patrimoine dotés de caractéristiques de gestion du risque, comme les fonds distincts et les produits de garanties de retrait minimum (GRM), qu'ils proposent se sont incroyablement bien vendus tout au long du cycle baissier », souligne Mme Folda.
La Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA) se dit intéressée à recruter des membres au Québec. C’est ce qu’a révélé Paul Brown, président du comité des adhésions de CAILBA au Journal de l’assurance. M. Brown est aussi président de Worldsource Insurance Network.
M. Brown suit de près l’examen règlementaire en cours, compte tenu de son rôle au sein de CAILBA et des entretiens qu’il a eus avec certains régulateurs. Il estime que l’on régira le réseau des agents généraux en misant sur des principes.
« J’ai une assez bonne idée de ce qui s’en vient. Je crois que la réglementation va de toute évidence reconnaitre que les agents généraux font partie du processus, tout en précisant leurs responsabilités. Du coup, je m’attends à ce que le tout mise sur des principes. La réglementation ne ressemblera pas du tout à celle du MFDA. Ce que j’ai vu jusqu’à présent ne s’avérera pas trop onéreux pour les agents généraux. On agira vraiment en fonction du gros bon sens pour régir la distribution de produits d’assurance », a-t-il dit.
Y aurait-il des avantages à réglementer davantage le travail des agents généraux? « J’y vois indéniablement des avantages. CAILBA a déjà commencé à préparer ses membres à la réalité d’un milieu plus réglementé. À mon avis, tout le monde en profitera », répond M. Brown.
CAILBA est de plus en plus active sur le marché, fait remarquer le président de Worldsource. « C’est tout simplement un signe des temps. Le système de distribution des agents généraux fait désormais partie du paysage. On y reconnait le principal canal de distribution des marchés individuels de l’assurance vie et de l’assurance maladie. Or, comme on légifère davantage du côté des services financiers, il y a beaucoup d’éducation qui se fait en ce moment, ne serait-ce que pour clarifier le rôle d’un agent général, ce qu’il fait et où il intervient dans la distribution des produits », dit-il.
M. Brown fait aussi remarquer que CAILBA a eu beaucoup de succès en recrutement au cours des douze derniers mois. Selon lui, cette hausse du recrutement est révélatrice sur un point : les agents généraux veulent parler d’une seule voix. « Nous ne sommes pas que de simples concurrents. Nos intérêts communs sont probablement plus marquants que ce qui nous distingue en matière de concurrence », dit-il.
Entre-temps, les agents généraux du Québec ont vu leur association se dissoudre, conséquence du manque d’intérêt à agir de façon concertée. CAILBA chercherait-elle à combler un vide? M. Brown affirme que CAILBA est effectivement intéressée à recruter au Québec.
« L’une de nos stratégies consiste à attirer un nombre aussi grand que possible d’agents généraux importants du Québec. C’est encore qu’au stade préliminaire», dit-il.
Le contexte commercial est certes différent au Québec, particulièrement en ce qui a trait à la réglementation, dit-il, mais bon nombre de dossiers sont semblables d’un bout à l’autre du pays. « Nous avons beaucoup de choses en commun », fait-il remarquer.
-Donna Glasgow
Deux ans après la crise boursière, la tendance reste favorable, précise-t-elle. « On se retrouve encore face à un client qui n'aime pas le risque, généralement plus prudent et plus âgé. Inévitablement, quand on juxtapose cela à l'importance de bien gérer le risque, le tout crée de très bonnes occasions. »
M. Armstrong ajoute que les compétences en vente des conseillers en assurance expliquent la croissance des ventes des produits de gestion de patrimoine durant le cycle baissier. « Le marché pique un peu du nez, puis soudainement, les ventes d'assurance montent en flèche. L'occasion se présente, alors ils se disent : faute de vendre ceci, je vais vendre cela" », dit-il.
John Hamilton, président de l'agent général Groupe financier Horizons, dit avoir clairement noté une progression accélérée du marché du patrimoine depuis la dernière crise. « Les ventes n'ont absolument pas chuté. Nous avons connu une croissance stable et régulière en 2009; nous avons aussi assisté à une augmentation considérable des ventes de certificats de placement garanti (CPG) », dit-il.
M. Hamilton affirme que ses agents généraux ont vu les ventes de CPG doubler en 2009 comparativement à 2008. « En 2010, ce sont les fonds distincts et les ventes de GRM qui restent solides, tout comme les CPG. Nous avons déjà dépassé notre objectif de 2009 », dit-il.
Est-ce que la reformulation de certains fonds distincts et GRM a eu un impact sur les ventes? « Elle en a eu sur l'identité des compagnies qui ont conclu les ventes, fait remarquer M. Hamilton. La Financière Manuvie était assurément le chef de file, mais a considérablement modifié son produit. Nos ventes ont baissé chez eux, mais d'autres compagnies les ont récupérées, car elles n'ont pas toutes fait les changements en question. Du côté de Desjardins Sécurité financière, les ventes ont été solides durant un bon bout de temps, mais ils viennent de faire quelques changements. Dans ce contexte, le courtier cherche ce qui convient le mieux à ses clients - ce qui va de soi. »
Seul agent général québécois ayant participé à l’étude d’Investor Economics, le Groupe Cloutier affirme que les conclusions de la firme sont toujours d’actualités.
En 2007, le cabinet a créé Groupe Cloutier Investissement, son propre cabinet de fonds communs, après avoir délégué cette fonction à un tiers pendant plusieurs années. Il ne l’a jamais regretté.
« Les conclusions de l’étude sont tout à fait vrai chez nous, autant en fonds communs qu’en fonds distincts. La tendance s’intensifie depuis 2008. Notre cabinet a vécu une recrudescence des ventes en fonds d’investissement en 2009 et à ce jour en 2010 », a révélé Patrick Cloutier, vice-président de Groupe Cloutier, au Journal de l’assurance.
Parmi les conclusions tirées de son étude, Investor Economics disait aussi constater une tendance générale : le nombre de conseillers actifs qu’un agent général compte parmi l’ensemble des conseillers sous contrat diminue. Il serait passé de 50 % en 2003 à 45 % en 2008.
Au Québec, le Groupe Cloutier dit plutôt vivre la tendance inverse. « Nous avons une croissance de la proportion de nos conseillers actifs, dit M. Cloutier. Lorsque l’on en demande la raison, notre offre de service revient souvent dans les critères de satisfaction des conseillers. De plus, nos programmes dédiés aux recrues apportent beaucoup de succès chez les nouveaux conseillers. »
Investor Economics disait aussi constater que le réseau des agents généraux se concentre davantage sur les nouvelles affaires que sur l’en-vigueur. Il s’agit d’une affirmation à laquelle M. Cloutier n’adhère pas. « Nous sommes les spécialistes de l’en-vigueur, clame M. Cloutier. Nous nous en faisons une mission. » Le Groupe Cloutier mise par exemple sur des spécialistes dans les cinq secteurs suivants : vie, prestations du vivant, collectif, investissements et courtage hypothécaire.
-Alain Thériault
Paul Brown, président et chef des opérations de Worldsource Insurance Network, dit qu'en 2010, « la croissance et les revenus attribuables à nos produits de gestion de patrimoine, soit les fonds distincts (dont les GRM), les rentes et les CPG de même que les rentes de placement garanties dépassent d'environ 40 % les résultats de l'an dernier. La gestion de patrimoine affiche une croissance assez renversante depuis quelques années. »
M. Brown souligne que quelques facteurs peuvent expliquer cette croissance. Il cite notamment la venue des GRM et le fait que les conseillers membres du MFDA se retournent vers leur permis en vente d'assurance pour proposer des produits de placement. « C'est essentiellement parce qu'ils souhaitent œuvrer dans un milieu de travail régi par des principes plutôt que par des règlements », dit-il.
Il ajoute que « la simple demande du consommateur » a suffi à alimenter les ventes de GRM. Il dit toutefois que la reformulation de produits aura un effet sur les ventes.
« C'est incontestable. Si nous avons eu d'aussi bons résultats, c'est notamment parce qu'on s'est hâté d'acquérir, avant qu'il n'y en ait plus, des produits existants qui présentaient certains attraits très intéressants », dit-il. M. Brown ajoute avoir assisté à maintes reprises au cours de sa carrière, qui s'étire sur plus de 20 ans, à « une montée fulgurante des ventes face à la modification du prix d'un produit ».
Selon Doug Paul, vice-président exécutif aux ventes et au marketing de Transamerica Vie du Canada, « les agents généraux ont certainement vu les fonds distincts s'imposer de plus en plus dans leurs ventes ». Il impute en outre ce changement à l'arrivée des produits avec garantie de retrait minimum. Transamerica offre d'ailleurs sa propre gamme GRV, appelée Cinq à Vie.
M. Paul estime que les GRM ont ravivé l'intérêt de bon nombre de conseillers pour les produits d'assurance vie, car elles offrent une solution en matière de planification financière à long terme. « Comme le produit s'intègre bien au coffre d'outils du conseiller type en assurance vie, il a fait renaitre le désir d'ajouter la gestion de patrimoine en assurance vie », dit-il.
M. Paul dit aussi croire que ces produits subiront un jour des changements. Il ne croit toutefois pas que ces changements pourraient perturber l'attrait de ces produits. « Ces produits présentent encore et toujours une excellente valeur en planification successorale », dit-il.
Accent sur l'assurance vie
Guy Armstrong, d'Investor Economics, souligne toutefois qu'un grand nombre d'agents généraux préfèrent continuer de privilégier leur marché principal, soit l'assurance vie.
« Certaines sociétés très florissantes estiment que leur principal objectif consiste à fournir des produits d'assurance vie. Selon elles, c'est là leur domaine et c'est là qu'elles ont du succès. En fait, quelques-unes ont exprimé une certaine inquiétude face à l'engouement croissant pour la gestion de patrimoine », dit-il.