À la faveur du climat économique relativement favorable, le marché actuel du cautionnement se porte bien. Cependant, les assureurs choisissent la prudence dans maints secteurs, notamment celui de l’habitation. La venue de l’agence québécoise des partenariats public-privé (PPP) risque aussi de changer la donne en matière de cautionnement.L’essoufflement du marché immobilier a laissé plusieurs unités de condominium haut de gamme inoccupées de façon prolongée. « Les condos de grande valeur sont en grande quantité sur le marché. Nous sommes maintenant plus prudents quand nous acceptons de cautionner les projets», avance Jocelyn St-Louis, vice-président opérations cautionnement chez AXA Assurances.

Il ajoute que le cautionnement est requis même lorsque le prêt servant à financer le projet est garanti par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). « Tout dépend comment la banque juge le dossier de l’entrepreneur, mais je sais que c’est un garantie de plus en plus requise par celle-ci. » Les banques n’en demandaient pas autant auparavant.

M. St-Louis signale que les édifices à condominiums de quatre étages et moins sont assujettis à la garantie des maisons neuves, administrées par les principales associations professionnelles de constructeurs d’habitations. Ce n’est pas une obligation pour les édifices à condos plus élevés.

La SCHL estime que les prêteurs font aussi preuve de prudence dans ce marché. « Il se peut que les exigences se resserrent. Quelle est-elle pour cette catégorie de construction? Où est le projet? Le marché est-il en équilibre ou en déséquilibre? », demande Suzanne Côté, directrice régionale, développement des affaires au bureau montréalais de la Société.

Elle signale aussi que l’édifice neuf à condominiums, considéré comme une construction commerciale plutôt que résidentielle, se classe dans le marché des entreprises. Par contre, la revente de condominiums entre dans le marché des particuliers.

D’autres assureurs constatent aussi le mouvement accru de demandes de cautionnement pour ces nouvelles tours à condominiums tout en refusant d’y voir une tendance. « L’institution financière l’exige occasionnellement. Je ne constate pas d’effet marqué pour l’instant », rapporte Pierre Gratton, directeur du cautionnement chez Jevco, filiale de Kingsway.

Même son de cloche du côté de St-Paul Garantie. « Nous remarquons une légère augmentation de la demande de cautionnement relativement à la construction de tours à condominiums, mais non significative », fait laconiquement savoir, par courriel, le vice-président directeur de la succursale de Montréal, Luc Gauvin.

Vice-président du cautionnement et du crédit à l’Unique, Gaétan Boudreau constate aussi que les banques demandent plus souvent une garantie de cautionnement aux promoteurs de condos. Les prêteurs hypothécaires ont peut-être resserré leurs exigences, dit-il.

Du côté des institutions financières, on maintient que l’exigence de cautionnement pour les édifices à condominiums de grande valeur n’est pas une nouveauté. Pour sa part, BMO Groupe financier exige un cautionnement à la fois pour les édifices à condominiums de grande valeur et pour les résidences de personnes âgées, dont le financement est garanti par la SCHL. « Nous l’exigeons depuis toujours. Ça fait partie de notre diligence et de nos critères de travail », indique Lucie Gosselin, porte-parole de BMO.

La Banque CIBC évalue les demandes de financement de façon similaire, toujours pour les condos de grande valeur. « Nous fonctionnons au cas par cas, mais ça a toujours été exigé à la banque, surtout pour un projet de plusieurs millions de dollars. C’est toujours un risque », affirme la directrice des relations publiques au bureau de Montréal, Marie-Ève Francoeur.

La plupart des assureurs s’entendent pour dire que le cautionnement ajoute une lettre de créance à un projet, quel qu’il soit. Lorsqu’une tierce partie garantit un projet, sa réalisation s’en trouve facilitée, car la caution vient assurer de remplir les obligations prévues au contrat lors de problème, argue Pierre Gratton. Il souhaite même que le cautionnement soit plus souvent exigé pour la construction résidentielle.

L’agence des PPP

La création, par le gouvernement du Québec, de l’Agence des partenariats privé-public (PPP) pourrait amener un vent de demandes de cautionnement, bien que l’organisme gouvernemental n’en soit qu’à ses débuts. « Il y a peu de projets PPP à ce jour, sauf celui du prolongement de l’autoroute 25 », fait remarquer Jocelyn St-Louis.

À ses yeux, il importera que les assureurs qui offrent du cautionnement s’adaptent à la présence de ce nouveau joueur gouvernemental dans le marché. « Il faudra s’entendre dans ce contexte-là. Il y aura certes des cautionnements plus importants à mettre en place, par exemple dans le cas de la construction des méga-hôpitaux (Centre hospitalier de l’Université de Montréal et Centre universitaire de santé McGill). Ça pourrait constituer un défi », note M. St-Louis.

Quant à savoir si l’Agence se chargera de ce grand projet de construction, Québec n’avait pas encore tranché, au moment de mettre sous presse. « La possibilité est là, nous l’envisageons, mais aucune décision n’a encore été prise », rapporte l’attaché de presse du ministre des Finances Michel Audet.

Jocelyn St-Louis ajoute que si AXA souscrit aux PPP, son engagement se limitera au cautionnement de construction. « Quant au volet de l’exploitation, qui s’étendait sur 20 ou 30 ans auparavant, le cautionnement pourrait être divisé en tranches de deux ou trois ans. »

Pierre Gratton indique que son implication dans le cautionnement des PPP dépendra du niveau de l’engagement financier du gouvernement dans la réalisation de grands projets.