Lors de l’étude détaillée du projet de loi 30 (PL-30), le 1er mai à l’Assemblée nationale du Québec, le gouvernement a promis de mieux baliser le cadre réglementaire entourant l’utilisation des employés surnuméraires par les cabinets d’expertise en sinistre

Des amendements ont été ajoutés et adoptés par les élus membres de la Commission des finances publiques (CFP). Le travail d’analyse des quelque 126 articles du PL-30 a été fait sur une période de quatre heures. L’étude des articles 90 à 102, qui modifient diverses dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), a duré une trentaine de minutes. 

Un amendement plus important concerne l’article 90. On a ajouté un troisième alinéa à l’article 10 de la LDPSF, qui est propre à la profession d’expert en sinistre. Cet article dit ceci :

L’expert en sinistre est la personne physique qui, en assurance de dommages, enquête sur un sinistre, en estime les dommages ou en négocie le règlement.

Les deux premiers alinéas définissent les personnes qui ne sont pas des experts en sinistre. L’ajout du troisième alinéa indique désormais ce qui suit : 

« 3° la personne domiciliée au Canada à l’emploi d’un cabinet, d’une société autonome ou d’un expert en sinistre inscrit comme représentant autonome qui, uniquement au moyen des technologies de l’information, pour un sinistre automobile qui découle soit d’un sinistre prévu à la convention d’indemnisation directe visée à l’article 173 de la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25) soit d’un bris de vitre ou pour un règlement d’un sinistre d’un montant maximal de 5 000 $, en exerce une fonction sous la supervision de ce représentant autonome ou d’un expert en sinistre qui agit pour le compte de ce cabinet ou de cette société autonome. » 

L’ancienne limite était de 2 000 $ et le montant était le même depuis 25 ans. Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) demandait que cette limite soit portée à 7 500 $ (voir ci-dessous). 

Encadrement 

Le projet de loi prévoit également la supervision requise par les cabinets qui ont recours à ces employés surnuméraires appelés à régler des réclamations de moindre envergure. L’article 95 du PL-30 a introduit le nouvel article 85.1 à la LDPSF.

Le cabinet doit s’assurer des éléments suivants avant l’entrée en fonction de la personne embauchée dans ce contexte : 

  • cette personne n’a pas fait cession de ses biens ou n’est pas visée par une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ;
  • elle n’est pas déclarée coupable par un tribunal canadien d’une infraction ou d’un acte qui a un lien avec l’exercice de l’activité de représentant. Si le cabinet sait que cette condition n’est pas remplie, il doit cesser de l’employer à ce titre. Cela inclut une déclaration de culpabilité prononcée par un tribunal étranger pour un acte lié à l’exercice de l’activité de représentant ;
  • elle n’est pas sous tutelle ou mandat de protection ;
  • elle n’a pas été titulaire d’un certificat qui a été révoqué, suspendu ou assorti de restrictions ou de conditions par le comité de discipline ou par un organisme du Québec, d’une autre province ou d’un autre état chargé de surveiller les activités des personnes agissant à titre de représentant.

L’article 200 de la LDPSF a été modifié par un amendement récent, introduit par l’article 99.1 du PL-30 déposé le 1er mai dernier. Il prévoit que pour chaque discipline des représentants certifiés assujettis, l’Autorité des marchés financiers peut déterminer les règles relatives à la discipline de l’expertise en règlement de sinistres en matière de qualifications et des obligations des représentants qui supervisent un employé surnuméraire. 

Selon les explications fournies par le ministre des Finances Éric Girard à la fin des travaux de la CFP, la plupart des changements proposés entreront en vigueur un an après la sanction du projet de loi, ce qui devrait se faire d’ici l’ajournement des travaux de l’Assemblée en juin. 

La Chambre 

La Chambre de l’assurance de dommages demandait des règles claires pour encadrer la notion de superviseur. En commission parlementaire, Jean-Hubert Smith-Lacroix, coordonnateur au développement législatif et réglementaire au ministère des Finances, est intervenu pour confirmer la volonté du législateur de donner suite à cette demande.

Les changements apportés à l’article 200 permettront à l’Autorité de préciser le cadre réglementaire qui assujettira les superviseurs, précisait-il le 1er mai dernier. 

Dans son mémoire sur le projet de loi 30, la Chambre recommandait également de créer une nouvelle catégorie de certificat pour les experts en sinistre afin de créer des parcours accélérés menant à la certification. 

La Chambre demandait aussi de préciser directement dans le projet de loi, plutôt que par un éventuel règlement, que les non-certifiés seront limités à réaliser les activités réservées lors du traitement des cas suivants :

  • les dossiers de remplacement ou de réparation de vitres de véhicules automobiles ;
  • les dossiers soumis à l’application de la convention d’indemnisation directe.

Quant aux dossiers dont la valeur de la réclamation soumise par le sinistré était inférieure à 2 000 $, comme prévu à la directive de l’Autorité, la Chambre recommandait d’attendre avant de modifier la réglementation. Elle demandait de créer une table de concertation ayant pour mandat d’obtenir les données nécessaires à la prise de décision et de mesurer les impacts quant à la protection du public. 

La Chambre notait également que personne dans l’industrie n’a été en mesure de quantifier le nombre d’experts en sinistre qu’il faudrait avoir pour servir adéquatement la population.

« Même si le nombre d’experts en sinistre augmente, cela ne règle pas le problème de la pénurie de fournisseurs et d’entrepreneurs requis pour réaliser les différents travaux de remise en état des lieux », indiquait la Chambre.

La Chambre suggérait aussi de prévoir une certification spéciale pour les experts en sinistre provenant des autres provinces canadiennes, sous réserve que leur mandat soit temporaire.

La Chambre souligne que le Code de déontologie des experts en sinistre n’a pas été créé dans le contexte où un intermédiaire est présent entre l’expert certifié et le consommateur. 

Tenue de dossiers 

Dans le règlement à venir, la tenue des dossiers sera requise pour le suivi des réclamations, ce qui n’était pas possible avec le fonctionnement de la directive de l’Autorité, ajoute M. Smith-Lacroix. 

Le critique de l’opposition officielle en matière de finances, Frédéric Beauchemin, a plusieurs fois exprimé son inquiétude par rapport au « travail de terrain » et la qualité du service au consommateur. 

Les dossiers de réclamation demeurent sous la responsabilité du superviseur, même s’il y a eu une autre personne qui intervient, souligne M. Smith-Lacroix. Les surnuméraires ne vont pas sur le terrain et le travail se fait au téléphone ou en ligne, ajoute le ministre Girard. 

Mémoire des assureurs 

Dans son mémoire, le BAC rappelait que la limite de 2 000 $ à la somme d’un règlement que le surnuméraire pouvait régler avait été fixée en 1998 et n’avait pas été indexée depuis. La simple indexation des coûts reliés à la rénovation résidentielle porterait ce montant à 4 556 $ en 2023, selon les chiffres fournis par Statistique Canada rapportés par le BAC. 

En conséquence, l’organisme estimait « justifié et raisonnable » d’augmenter cette limite à 7 500 $, afin de pallier l’augmentation des événements météorologiques extrêmes et à « la pénurie de main-d’œuvre actuelle ». 

Le BAC a aussi fait des commentaires sur la vérification des antécédents des employés non certifiés, notamment sur la question des antécédents à l’étranger. 

Pour les réclamations dont il peut s’occuper, le surnuméraire qui interagit avec le client doit indiquer dès le départ qu’il n’est pas expert en sinistre, indiquait M. Smith-Lacroix en commission parlementaire. 

Selon le BAC, cette obligation pourrait créer de l’incertitude « qui amènera plusieurs assurés, déjà en situation de stress au moment de faire une réclamation, à demander à traiter avec le superviseur certifié, ce qui réduira considérablement l’objectif d’améliorer le service à la clientèle en période de pointe ». 

Le Bureau souligne que les stagiaires et les représentants en période de probation n’ont pas à donner une telle information alors qu’ils sont également supervisés par un certifié. 

Autres amendements 

Les articles 218 et 219 de la LDPSF ont aussi été modifiés par des amendements déposés à la dernière minute au projet de loi 30. Ces dispositions sont reliées aux pouvoirs de l’Autorité en matière de révocation, de suspension ou de restrictions imposées au titulaire d’un permis (article 218) ou en matière d’octroi et de renouvellement du certificat (article 219).

Si le représentant certifié a été déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d’une infraction ou d’un acte qui, de l’avis de l’Autorité, a un lien avec l’exercice de l’activité de représentant, l’Autorité peut intervenir. Les amendements déposés en lien avec ces deux articles ont supprimé la mention disant que celui qui demande le permis « s’est reconnu coupable d’une telle infraction ou d’un tel acte ». 

Selon les explications fournies par le ministre Girard en commission parlementaire, cette mention a été supprimée pour corriger « les incohérences entre la LDPSF et la Loi sur les valeurs mobilières lorsqu’il est question de critères permettant de refuser l’inscription à une personne voulant démarrer dans l’industrie ou d’exclure une personne qui en fait déjà partie ». Une disposition similaire à la Loi sur les instruments dérivés a aussi été modifiée de la même manière. 

L’article 258 de la LDPSF a institué le Fonds d’indemnisation des services financiers. On a ajouté à cette disposition la mention que le Fonds sert aussi à payer les indemnités relativement aux produits et services financiers fournis par le stagiaire d’un représentant certifié ou par l’employé supervisé d’un expert en sinistre. 

On précise que la victime a droit aux indemnités si le manquement a eu lieu avant la suspension ou la révocation du permis ou de l’inscription de la personne ou de la société.