Alors que le secteur de la copropriété doit faire face à l’augmentation des primes et des franchises, certains assureurs réguliers le délaissent. C’est tout le contraire du marché des condos de luxe qui lui, a le vent en poupe.
Pourtant, assurer un condo régulier et assurer un condo de luxe repose sur les mêmes principes, la loi étant la même pour tous. Dans les deux cas, le syndicat de copropriété a la même obligation d’assurer les parties communes et privatives, de mettre en place un fonds de prévoyance, ou encore, de mettre à jour le carnet d’entretien.
Pourquoi alors les assureurs vivent-ils des histoires à l’opposé dans ces deux segments ? Comment le marché régulier des copropriétés pourrait-il s’inspirer du marché des condos de luxe ?
« Il n’y a rien de particulier qui distinguerait les condos de luxe des condos réguliers, tant au niveau des formulaires que des produits proposés. Il n’y a rien de spécifique », confirme Caroline Phémius, en charge des communications au Bureau d’assurance du Canada (BAC).
En revanche, il existe bien certaines spécificités du marché de luxe qui pourraient potentiellement faire évoluer la position du législateur, et offrir aux syndicats de copropriété de meilleurs outils pour administrer au mieux les copropriétés.
La première différence concerne ce qui a trait aux améliorations que les propriétaires peuvent apporter à la construction. Dans le cas des condos de luxe, il existe en effet des particularités propres au bâtiment et à l’amélioration des parties privatives.
« Si l’on prend le cas d’un loft dans un ancien bâtiment industriel, on vend généralement la coquille, et le propriétaire s’occupe par la suite d’aménager le reste, explique l’avocat Yves Joli-Cœur, par ailleurs secrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ). Ces améliorations ne sont pas prises en charge par le syndicat, et il existe une obligation pour le copropriétaire d’assurer ces améliorations. Mais qu’en est-il après 20 ans ? Qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’un propriétaire de 3e ou 4e main ? Dans le cas de condos moins bourgeois, le volet améliorations est généralement moins important. » Ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut chercher.
Autre volet qui différencie le marché de l’assurance des condos de luxe, c’est l’introduction de clauses propres à la typologie du bâtiment. C’est par exemple le cas de certains immeubles qui abritent, sous un même toit, des activités d’hôtellerie, mais aussi des appartements de grand standing. Ce genre de bâtiment implique généralement la modulation du produit d’assurance.
« Le travail du courtier d’assurance va être plus délicat dans ce cas et entrainer plus de réflexions de sa part, même si le régime de droit est le même pour tout le monde, poursuit Me Joli-Cœur. Est-ce que le problème est réglé pour autant ? Non, le déficit d’entretien qui fait en sorte que le bâtiment vieillit mal peut toujours exister. Toutefois, la clientèle des condos de luxe est plus à même de maintenir l’état général du bâtiment. »
« Aux courtiers de mousser le marché auprès des assureurs ! »
C’est donc peut-être entre les mains du courtier que se trouvent les solutions pour donner un nouveau souffle au marché de la copropriété, et inciter les assureurs qui lui ont tourné le dos à reconsidérer leur position.
« Dans les condos de luxe, il est rare que les syndicats transigent avec des assureurs directs. Ils passent généralement par des courtiers qui possèdent une approche qui n’est pas uniquement liée au prix, et qui possèdent plus d’exigences sur la qualité. Quand la prime est peu élevée, en revanche, il n’y a généralement pas d’exercice complet en termes de diagnostic et donc, une insuffisance en termes d’assurance », conclut Yves Joli-Cœur
A-t-on pour autant deux niveaux de service en ce qui a trait aux condos ? On serait tenté de répondre par l’affirmative, même si le devoir de conseil d’un agent d’assurance est le même, quel que soit le condo.
Christian Duval, président de Formation Christian Duval et spécialiste des questions liées à la copropriété, dit à peu près la même chose.
« Les immeubles à condo de luxe sont généralement de gros immeubles qui sont administrés par des entreprises de gestion privée. Et dans ce cas, c’est ce qui fait la différence puisque ces entreprises connaissent la loi 122 ou l’article 273, explique-t-il. Dans le cas d’un immeuble plus petit, les copropriétaires ne passent pas par ce genre de compagnies, ce qui implique moins de professionnalisme, moins de connaissances de la loi, moins de connaissances sur la réalité de l’entretien ou sur la gestion du carnet d’entretien. »
La formation des syndicats en question
Il existe bien des différences en termes de gestion, mais les obligations demeurent pourtant les mêmes. Et si les obligations sont les mêmes, comment expliquer alors une telle différence dans la gestion des questions d’assurance entre le marché de la copropriété dit régulier, et celui des copropriétés de luxe ?
« Il manque peut-être ce bout-là, celui de la formation. Ce serait peut-être une solution, apporter plus de connaissances, dit Christian Duval. Lors de la création du comité consultatif en 2012, cette question-là avait déjà été mise en avant. On attend toujours que les règles changent. »
La formation des syndicats de copropriété, c’est justement ce qu’appelle de ses vœux Dan Coyle, directeur pour le Québec du programme Garantie Or, à La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord, et spécialiste de l’assurance des copropriétés de haut standing. Notamment face à l’augmentation exponentielle de la demande, notamment pour les condos de luxe.
« Une des prochaines étapes sera de faire un meilleur travail pour minimiser les dommages causés par l’eau, avance M. Coyle. Il faut éduquer les conseils d’administration sur les produits existants, notamment les valves de fermeture automatique. Au niveau des copropriétés, ce devrait être obligatoire, car ce système permet de protéger la propriété, et de protéger l’édifice. »
À ses yeux, il s’agit d’une des solutions pour enrailler l’augmentation des primes, l’augmentation des franchises et le retrait de certains assureurs réguliers de ce segment. « Il est de notre responsabilité de faire de la formation, nous avons le devoir d’éduquer, notamment parce que certains dégâts peuvent être évités », dit-il.