Joel Baker, président de MSA Research, prévoit que le succès de la transaction Desjardins–State-Farm dépendra non seulement de l’intégration, mais aussi de son aptitude à gérer le volet « assurance automobile » de State Farm.« Même les sociétés d’assurance présentes localement ont passablement de difficulté à gérer l’assurance automobile en Ontario, écrit-il. La gestion d’un dossier aussi complexe est encore plus ardue quand on agit à distance. C’est une leçon dont les autres devraient profiter. »

Dernièrement, le marché ontarien de l’assurance automobile a reçu du gouvernement le mandat de réduire la tarification moyenne de 15 % d’ici aout 2015. L’industrie aurait jusqu’à présent réussi à intégrer une réduction de 6 % et devrait atteindre le 8 % au cours de cette année. « En Ontario, la grande question concerne la nature des gestes à poser pour réduire les couts de l’industrie afin d’atteindre cet objectif de 15 %, fait remarquer Paul Holden, analyste financier au service de recherche institutionnel de la Banque CIBC. C’est toute une interrogation. »

« Il y a un certain fouillis du côté des prix, admet Jackie Lentz, analyste financière principale d’A.M. Best. On a assisté à une légère amélioration du côté des prestations d’accident, et les prix continuent de bouger en responsabilité civile automobile. Mais maintenant, la province demande une réduction de 15 % en deux ans. Le marché ontarien est si vaste que, sans véritable mesure de limitation des couts, il y a fort à craindre que les marges fondent. »

Elle fait remarquer en outre que lorsqu’on parle de diminution de la tarification « moyenne », il faut comprendre que tous les conducteurs ne profiteront pas de la même réduction.

Dans son document intitulé Perspectives 2014 dans le secteur canadien de l’assurance de dommages, Doug McPhie, leadeur de la pratique d’assurance de la firme de consultation EY, émet un avertissement similaire. Il invite les assureurs à bien encadrer les attentes de leurs clients tout au long de ce processus très politisé.

« Il reste à voir comment les assureurs appliqueront la réduction imposée par le gouvernement provincial. Jusqu’à présent, cette réduction a été lente, et les titulaires de police ne s’y retrouvent plus au moment de renouveler leur contrat, car leurs primes augmentent au lieu de diminuer », écrit-il.

« Les réductions de tarif ne seront pas équivalentes dans l’ensemble du secteur, ce qui mettra certains assureurs au défi de conserver leur part du marché et de préserver leur rentabilité. Il leur sera essentiel de mettre en place une stratégie appropriée et des communications avec les titulaires de police au cours de cette période. »

Il existe d’autres programmes amorcés à l’initiative des autorités règlementaires, notamment par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Celui-ci s’occupe de modifier les exigences touchant les réserves de capital en vertu du nouveau Test du capital minimal. Les compagnies sont ainsi tenues, par exemple, de mener en interne leurs propres évaluations du risque et de la solvabilité, de modifier leurs méthodes comptables pour se conformer aux nouvelles Normes internationales d’information financière et d’effectuer les autoévaluations prévues par le BSIF en vue de gérer le risque de cybersécurité.

À elle seule, la modification des méthodes comptables obligera les assureurs à vérifier la qualité et la gestion des données, de même que la précision des systèmes de notification, précise Doug McPhie. « Il reste à voir comment les équipes actuarielles et les systèmes comptables en place pourront s’adapter aux nouvelles exigences. »

Il s’attend à ce que de nouveaux risques et types d’assurance continuent à émerger. « En assurance comme en réassurance, les services de recherche-développement doivent explorer de nouvelles façons d’aborder la gestion et la réduction du risque relatif aux produits et aux technologies émergents, dit-il. Les clients s’attendent à ce que les assureurs simplifient le processus de traitement et de production de leur police, en plus d’améliorer leur temps de réponse, croit-il. Il faudra s’occuper de tout cela en gardant les yeux bien fixés sur le portefeuille. »