Selon la firme de recherche McKinsey & Company, le contrôle et l’accès à un soutien social peuvent le mieux aider l’employé à se sentir mieux au travail, alors que les entreprises négligent souvent ces principes au profit de la prévention par les saines habitudes de vie.
L’urgence que crée le problème du stress en milieu de travail détourne souvent les dirigeants d’entreprises de l’élément fondamental : l’environnement de travail. C’est ce qu’observe Jeffrey Pfeffer, professeur en comportement organisationnel à l’Université de Stanford, dans son ouvrage Dying for a Paycheck, publié en 2018 par Harper Business.
Le stress en milieu de travail prend un tribut de plus en plus lourd sur la santé physique et psychologique des travailleurs, écrit le chercheur dans le bulletin McKinsey Quarterly, publié en septembre par la firme de consultation dédiée aux dirigeants d’entreprise. Ils réagissent souvent en encourageant les bonnes habitudes de sommeil, l’exercice, la méditation voire la sieste au travail.
200 milliards $ US
« Le stress en milieu de travail coute chaque année près de 200 milliards de dollars en dépenses de soins de santé aux employeurs américains », révèle M. Pfeffer.
Il croit pourtant que les entreprises pourraient réduire les dépenses en soins de santé et améliorer la santé de leurs employés en leur donnant un plus grand contrôle sur leur travail et une vie sociale plus riche au travail. Ces deux éléments devront selon lui être en tête des priorités des gestionnaires. « N’importe quelle entreprise de n’importe quel secteur peut activer ces leviers sans casser la banque. Toutefois, peu le font aujourd’hui », déplore le chercheur.
La santé par l’autonomie
Des décennies de recherche le démontrent, soutient M. Pfeffer : la marge de manœuvre qu’ont les employés de déterminer ce qu’ils font et comment ils le font joue un rôle majeur dans leur santé physique. De récentes recherches indiquent qu’un contrôle limité de leur travail a aussi des effets néfastes sur la santé mentale des employés.
Il cite les études de Whitehall Studies, menées auprès des employés du service public par l’épidémiologiste britannique Michael Marmot. Selon ses travaux, plus un employé occupe un échelon élevé dans l’entreprise, moins grandes sont l’incidence et la mortalité des maladies cardiovasculaires. Il en va de même pour le degré d’autonomie qu’il a dans le travail, qui est d’ailleurs corrélé à l’importance de son rôle hiérarchique, ont découvert les chercheurs. Ces travailleurs plus haut gradés jouissent de plus d’autonomie, et s’en portent mieux, même si leur charge de travail est plus élevée.
Deux fois plus malades
En revanche, le Whitehall Studies a découvert que moins d’autonomie et une plus grande charge de travail riment avec risques de maladies cardiaques et diabète de type 2. « Les employés confrontés au stress chronique avaient au-delà de deux fois plus de chances d’être affectés d’un syndrome métabolique que ceux sans stress au travail », a relaté M. Pfeffer.
D’autres chercheurs ont découvert un tel lien. Une étude de 8 500 cols blancs suédois qui ont traversé une réorganisation a révélé que ceux ayant une plus grande influence et un plus grand degré d’autonomie avaient moins de symptômes de maladie. Ils étaient moins fréquemment absents et souffraient moins de dépression.
Anxiété et dépression
Une étude de 72 employés dans diverses organisations du nord-est des États-Unis a démontré qu’un plus faible degré d’autonomie au travail conduisait à plus d’anxiété et de dépression.
Un environnement de travail rendu chaotique par des évènements incontrôlables peut aussi nuire affecté la motivation, la cognition et l’état émotionnel des employés. Des recherches démontrent que le manque d’autonomie démotive les employés, et réduit leurs efforts. « Cela entrave significativement leur apprentissage au travail, ajoute M. Pfeffer. Dans une situation de moindre autonomie, les gens ont moins de responsabilités et de liberté d’agir, ce qui sape leur sentiment de compétence et d’accomplissement, et contribue au stress, à l’anxiété et à la dépression. »
Jeffrey Pfeffer suggère aux organisations de se prémunir contre les effets indésirables d’une perte de contrôle. Les entreprises doivent créer des postes plus fluides et autonomes, et ériger une barrière contre la microgestion. « La microgestion est courante en entreprise, parce que plusieurs gestionnaires peinent à coacher les employés et à faciliter leur travail, observe-t-il. Lorsque les dirigeants font de la microgestion, leurs subordonnés perdent leur autonomie et leur sentiment de contrôler leur travail, en faveur de leur patron qui ne délègue pas. »
Des entreprises donnent l’exemple
Il peut en être autrement, croit M. Pfeffer. Il donne en exemple Yves Chouinard, fondateur de Patagonia, un équipementier dans les sports d’escalade. Ce dirigeant applique le principe de « direction par absence », relate le professeur de l’Université Stanford. La structure aplanie de la compagnie réduit le risque de microgestion, explique-t-il. Il y a ainsi plus de gens qu’un gestionnaire ne peut en microgérer.
Chez Zillow, entreprise d’annonces immobilières établie à Seattle, le rôle du gestionnaire est de soutenir l’équipe est d’aider à enlever les obstacles, non d’être un dictateur, dit un de ses employés en apprentissage et développement.
L’autonomie n’est pas que pour le sommet de la hiérarchie à Collective Health, une firme de San Francisco qui offre des services de navigation dans le réseau de santé aux participants de régimes d’assurance collective. Directeur principal, solutions cliniques et de réseaux de Collective Health, Andrew Halpert entraine rigoureusement ses recrues du centre d’appel à l’utilisation d’outils clés. Il effectue un roulement de leur emplacement et de leurs tâches, pour leur donner une vue d’ensemble du fonctionnement de l’entreprise et les habiliter à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent. Le système a augmenté la rétention des employés. Les bénéfices surpassent les couts de la firme et de ses clients, a témoigné M. Halpert.
Selon M. Pfeffer, cette expérience montre qu’une reconfiguration des rôles peut améliorer à la fois la santé des employés et l’efficacité pour le client. « En fait, les deux peuvent se renforcer mutuellement », ajoute-t-il.
Soutien social
Les entreprises devront en outre éviter de dresser les employés les uns contre les autres en prônant une culture de compétition. Autre approche à proscrire : celle de considérer l’employé comme un facteur de production, avec qui l’on échange de l’argent contre un travail. Ces approches affaiblissent la collaboration et les liens sociaux.
M. Pfeffer recommande plutôt aux entreprises de prendre quatre résolutions :
– Démontrez votre engagement à venir en aide
Après le décès accidentel d’un employé, la multinationale américaine de logiciels SAS Institute décide de maintenir l’inscription de ses enfants à la garderie des employés de la compagnie.
– Encouragez les employés à prendre soin les uns des autres
La compagnie de soins de santé américaine DaVita a créé un réseau qui permet aux employés de contribuer à un fonds d’aide en temps de crise. DaVita égale la contribution des employés, jusqu’à un montant de 250 000 $.
– Changez le langage
Évitez le langage des titres qui met l’accent sur les divisions et adoptez un langage cohérent avec l’idée de communauté. DaVita se décrit comme un village. Le PDG s’appelle souvent lui-même le « maire », et les employés sont constamment désignés comme des coéquipiers plutôt que des travailleurs.
– Soutenez les connexions partagées
Favorisez les évènements qui rassemblent les gens d’une façon plaisante et significative, fêtes, bénévolat, célébration d’un employé ou lancement de produits. Par exemple, Southwest Airlines est réputé pour ses parties d’Halloween.