Les réseaux de vol automobile cachent de nombreuses facettes qui vont au-delà du simple vol. La dernière en lice : le terrorisme.L’an dernier, des véhicules volés en Amérique du Nord ont été retrouvés au Moyen-Orient, notamment à Kaboul, en Afghanistan. Ils étaient destinés à servir de bombes ambulantes pour commettre des attentats à la voiture piégée. Heureusement, ces véhicules ont été retrouvés avant de connaître cette funeste destinée.

C’est ce qu’a révélé le Bureau d’assurance du Canada (BAC) au Journal de l’assurance. « On en retrouve souvent en Haïti et à Dubaï. On en rapatrie d’un peu partout dans le monde. On en a rapatrié 213 en 2007, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg », affirme Joey Ouellet, directeur du service d’enquête du BAC.

Pourquoi l’Amérique du Nord exerce-t-elle un tel attrait pour les terroristes et non l’Europe? « Un VUS, c’est pratique dans le désert. De plus, ici, la matière première ne coûte rien comparativement à l’Europe : un véhicule coûte deux fois moins cher ici. En plus, ça ne coûte que quelques milliers de dollars à envoyer. C’est très payant », explique M. Ouellet.

De St-Eustache à Haïti

Freddy Marcantonio, directeur du développement des assurances et distribution stratégique chez Repérage Boomerang, parle aussi de « commerce international ». Il révèle que des conteneurs ont été retrouvés à Saint-Eustache et que les véhicules qu’ils contenaient étaient destinés à Haïti. De l’autre côté, des conteneurs retrouvés en Haïti contenaient des véhicules ayant encore leur plaque d’immatriculation du Québec.

Selon M. Marcantonio, l’Afrique du Sud est maintenant l’un des pays qui reçoit le plus de véhicules volés du Québec. « Le vol auto est un grave problème là-bas. Ils ont des blaster flame throwers, une sorte de tuyaux qui sortent du véhicule pour brûler les voleurs. Le taux de vol y est très élevé et il y a beaucoup de braquage », dit-il.

Au Québec, les gangs de rue se partagent maintenant le créneau du vol auto avec le crime organisé. Le crime organisé s’occupe de la revente à l’extérieur du pays et les gangs de rue se chargent de la revente des pièces.

Porte d’entrée

Le vol automobile représente une porte d’entrée privilégiée pour les jeunes vers le crime organisé et les gangs de rue. C’est aussi très payant pour eux. « Un jeune de 19 ans peut facilement se faire 250 000 $ en une année comme distributeur. Son rôle est d’amener un véhicule qui ne causera pas de problème au crime organisé et il est payé en conséquence », explique M. Marcantonio.

Il est même très avantageux pour les réseaux de voleurs de faire appel à des jeunes. « S’il se fait prendre, le jeune va-t-il être accusé? Les peines sont moins sévères. En plus, à 18 ans, le dossier disparaît », relève Joey Ouellet.

En général, les peines pour le vol automobile ne sont pas très sévères. « La législation au Québec est très souple pour les voleurs automobiles, affirme Freddy Marcantonio. C’est facile de recommencer. Les remises en liberté se font avec des peines minimales. Les voleurs sont souvent accusés de recel et non de vol. Ils sont tous des doctorants en vol. Même si le véhicule qu’ils veulent est dans une cage au zoo de Granby, ils trouveront le moyen d’aller le chercher s’ils veulent l’avoir. Ce sont de petites PME. »

Les voleurs s’adaptent au changement. Pour faciliter la fraude de clés, certains voleurs gardent de la pâte à modeler dans leurs poches pour copier des empreintes. D’autres voleurs sont plus directs. Ils percent un trou dans une balle de tennis et réussissent à déverrouiller certaines portières en pressant sur la balle. L’air comprimé fait ainsi lever le bouton de la portière.

Cependant, la nouvelle technique privilégiée des voleurs est le cool-off. Ils volent le véhicule, le stationnent à un endroit et attendent de 12 à 24 heures pour être sûrs qu’il n’est pas équipé d’un système de repérage. « Le distributeur doit être certain que le véhicule est « propre ». C’est moins cher pour eux d’agir ainsi et ils causent moins de dommages aux véhicules », explique M. Marcantonio.

Il ajoute que les voleurs ont des machines pour modifier les numéros d’identification des véhicules (VIN) « Ils achètent ces numéros dans des cours à scrap, ce qui est légal, car le système le permet. Il est même possible de les acheter sur Internet et ça ne coûte pas cher. Ils ont aussi des machines à sablage. Les voleurs s’adaptent au marquage, comme ils se sont adaptés au Boomerang à une certaine époque », rappelle-t-il.

Les systèmes de protection doivent aussi s’adapter. C’est pourquoi Repérage Boomerang a développé le Boomerang Espion. « Avec Espion, sur 58 vols, on a retrouvé 58 véhicules. Notre taux de vol des véhicules ayant un Boomerang Espion a diminué de 40 %, passant d’un peu plus de 1,6 % à moins de 0,8 % », révèle M. Marcantonio.