Au 31 mars 2023, le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) déclarait un excédent cumulé de 87,4 millions de dollars (M$). Plus de 77 M$ de cet excédent proviennent des surplus déclarés ces 10 dernières années.

Cette donnée apparaît dans le plus récent rapport annuel de gestion de l’Autorité des marchés financiers, rendu public à la mi-septembre.

L’Autorité a été créée en 2004 et a alors intégré le Fonds d’indemnisation des services financiers, qui était auparavant un organisme indépendant. Au 31 janvier 2004, après un déficit de 6,3 M$ durant les 13 mois précédents, le solde du FISF était dans le rouge de 3,1 M$.

Au début des années 2010, après le scandale Norbourg, les coffres du FISF étaient encore assez peu garnis. Depuis, la situation a été nettement rétablie.

En utilisant les données tirées des dix derniers rapports annuels, on constate que l’excédent cumulé est passé de 10 M$ au 31 mars 2013 à 87,4 M$ au 31 mars 2023, comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous. 

En ce qui a trait à l’excédent cumulé du FISF, le porte-parole de l’Autorité Sylvain Théberge indique que l’organisme de réglementation « a l’obligation de s’assurer que le Fonds dispose d’une capitalisation en adéquation avec les risques assumés ».

Dans nos échanges par courriel, M. Théberge précise que la couverture du FISF a été élargie il y a cinq ans. À la suite de l’adoption de la loi 141 en juin 2018, les règles d’admissibilité ont été modifiées et le FISF a pu refaire l’analyse des demandes rejetées en remontant jusqu’à trois ans plus tôt.

Auparavant, si le représentant visé par la plainte agissait en dehors des limites de sa certification, la demande était jugée inadmissible. Ce n’est plus le cas depuis juin 2018. 

À propos de l’an dernier 

Le Portail de l’assurance a déjà résumé les principales données couvrant les activités du Fonds pour l’année 2022-2023. Concernant le nombre peu élevé de demandes accueillies et les sommes versées en indemnités en 2022-2023, M. Théberge fournit l’explication suivante. 

« Le nombre de réclamations reçues ainsi que le nombre de décisions rendues varient donc d’une année à l’autre. Il en est de même de la recevabilité des réclamations, qui dépendra de l’analyse des critères d’admissibilités devant être satisfaits. Suivant la survenance d’une fraude, plusieurs consommateurs peuvent également déposer une réclamation, ce qui peut avoir un impact sur le nombre de décisions et les indemnités accordées pour une année donnée. Également, une fraude commise cette année pourrait être révélée ou à la connaissance du consommateur seulement dans quelques mois ou années. » 

Le surplus de 2022-2023 est gonflé par une charge positive de 4,7 M$ du côté des indemnisations nettes, comparativement à une dépense de 13,2 M$ à ce chapitre en 2021-2022. Sylvain Théberge explique la nature de ces 4,7 M$. 

« Ce montant comprend les provisions prises lors de la réception de nouvelles demandes et les variations survenant au cours de leur analyse. Il comprend également une provision, basée sur l’historique du FISF, pour les fraudes qui sont commises actuellement et qui n’ont pas encore été découvertes (sinistre subi non déclaré). Conformément aux normes en vigueur, ce montant inclut également les paramètres actuariels et comptables applicables », précise-t-il. 

La provision pour indemnisations était de 25,8 M$ au 31 mars 2023. Une portion de 584 340 $ de cette provision découle du courtage hypothécaire, une discipline dont la surveillance a été transférée à l’Autorité en mai 2020

Revenus et dépenses 

Les produits (revenus) du Fonds atteignaient 11,3 M$ en 2022-2023. Plus de 94 % des revenus venaient des cotisations annuelles des professionnels certifiés.

Du côté des charges (dépenses), à part les indemnisations, dont le montant varie passablement d’une année à l’autre, les frais de gestion ou d’administration représentent le montant le plus important.

Le Portail de l’assurance a consulté les états financiers du Fonds d’indemnisation, publiés dans les 10 plus récents rapports annuels de l’Autorité, afin de comprendre d’où venaient les 77 M$ qui ont gonflé l’excédent du FISF. 

On constate que les revenus tirés des cotisations payées par les professionnels de l’industrie totalisent près de 108 M$ sur 10 ans. Durant la même période, les indemnisations nettes ont atteint 27,1 M$. La différence entre les deux est de 80,7 M$ (voir tableau ci-dessous). 

La cotisation annuelle au FISF est de 160 $ pour les disciplines de l’assurance de personnes, de l’assurance de dommages et de courtage en épargne collective. Pour les cinq autres disciplines, incluant le courtage hypothécaire, la cotisation est de 100 $. Lorsqu’un représentant cumule plus d’une discipline, la cotisation exigible pour ce représentant est réduite de 75 $ pour chaque discipline additionnelle. 

Suivi du rapport du VGQ 

Le Vérificateur général du Québec (VGQ) a consacré un chapitre de son rapport 2017-2018 à l’Autorité des marchés financiers, qui incluait une section distincte comprenant des recommandations touchant particulièrement le Fonds d’indemnisation des services financiers.

Le VGQ faisait alors remarquer que le FISF « ne joue pas pleinement son rôle, soit d’indemniser les victimes de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds dans les disciplines prévues. Au fil des ans, la situation n’a pas été corrigée malgré tous les questionnements qui ont été soulevés relativement à l’effet limitatif des conditions d’admissibilité ». 

On notait d’ailleurs que 40 % des demandes étaient rejetées en raison de la condition d’admissibilité qui édictait que le représentant devait avoir agi dans les limites de sa certification. Cette condition a été changée par la loi 141 en juin 2018 et le changement a été fait de manière rétroactive au 13 juin 2015. 

Le VGQ rappelait que dès 2002, le conseil d’administration du Fonds réclamait que soit admissible une réclamation liée à un représentant inscrit dans une discipline couverte, peu importe le produit ou service financier en litige. Cette demande a été réitérée en 2011-2012 à la suite d’une consultation publique menée par l’Autorité. 

Dans le budget soumis au printemps 2016, le ministre des Finances Carlos Leitao annonçait l’intention de revoir les règles d’admissibilité du Fonds. Ce n’est finalement qu’un an plus tard que la réforme de la Loi sur la distribution de produits et services financiers a été lancée. Le processus législatif de révision a duré un an. 

Les autres critiques du VGQ portaient sur l’absence d’un mécanisme de révision des décisions, ce qui a été modifié depuis, et sur les délais trop longs de traitement des demandes d’indemnisation. À cet égard, l’Autorité promettait un plan d’action visant à mieux segmenter les types de dossiers avec les cibles de délai visées. 

Les frais de gestion 

Une autre recommandation du Vérificateur concernait les frais d’administration annuels du Fonds, qui variaient de 1,2 M$ à 2 M$ au cours des cinq années précédentes. Le VGQ soulignait que ces frais étaient élevés vu le « le nombre limité de demandes et les indemnités finalement versées ». 

La période couverte par le rapport du VGQ était de 2011-2012 à 2015-2016. Depuis, sauf pour les années 2016-2017 et 2022-2023, les indemnisations nettes ont été supérieures aux frais de gestion.