Traditionnellement, les fonctions spécialisées en assurance de dommages se limitaient aux actuaires et aux souscripteurs. L’industrie doit maintenant veiller à embaucher des programmeurs et des mathématiciens informatiques, notamment.
Le hic, c’est qu’elle n’est pas la seule à avoir besoin de ce type d’expertise, au contraire des souscripteurs et, dans une moindre mesure, des actuaires. Comment aller chercher ces nouveaux experts ?
Pour Michel Lacelle, vice-président, services organisationnels pour l’Est du Canada, de l’expert en sinistre IndemniPro, l’industrie devra adapter son message à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elle devra revoir ses façons de communiquer, sans oublier que la technologie évolue. « C’est une adaptation que l’on peut faire dans notre travail à chacun. »
Patrice Jean, chef de la direction de Lussier Dale Parizeau, affirme que l’industrie assistera à un transfert des emplois, de par les fonctions dont l’industrie aura besoin. « La vente d’assurance par Internet sans représentant, c’est quelque chose qui se fera de façon très évolutive. Ça viendra éliminer des tâches répétitives. Il faut voir cet aspect d’un très bon œil. Ça va aussi changer le profil des gens qu’on emploie. Ça rendra les emplois en assurance de dommages plus intéressants. »
Selon Jean-François Desautels, vice-président principal au Québec, d’Intact Assurance, si le professionnel en assurance passe moins de temps à collecter des données, il passera plus de temps avec les consommateurs. « En assurance des entreprises, ça veut dire qu’il pourra passer plus de temps avec son client entrepreneur pour comprendre ses besoins. En assurance des particuliers, on pourra mieux lui expliquer ce qu’est la télématique ou une maison connectée, tout en lui parlant davantage des impacts du changement climatique. Il aura plus de temps pour conseiller. »
Conserver les compétences et accompagner les gens
Michel Lacelle stipule toutefois qu’il sera important de conserver les compétences des gens, tout en les accompagnants tout au long de leur carrière. « C’est la façon de communiquer qui changera. Il faudra faire valoir les compétences qu’on peut l’aider à développer. »
Carl Dubé, vice-président, ressources humaines, de Desjardins Assurances, voit avant tout une évolution des fonctions en assurance de dommages plutôt que leur disparition pure et simple. « Le souscripteur ne disparaitra pas. Il sera plus sophistiqué. L’intelligence artificielle en convertira une partie. Il faut tenir compte que la transaction sera poussée vers le numérique. »
Pour Michel Lacelle, il ne faut pas perdre de vue que l’industrie de l’assurance traite avant tout avec des humains. « On ne s’en va pas vers un contrôle total des machines », dit-il.
Les maisons d’enseignement doivent y être sensibilisées, poursuit Carl Dubé. « On ne cherchera plus la quantité des candidats, mais bien leur degré de sophistication. »
La Coalition pour la promotion des professions en assurance de dommages, dont les quatre hommes sont des administrateurs, complète une étude sur les compétences recherchées par les employeurs en assurance de dommages. Il est prévu que les résultats soient divulgués à l’automne.
« C’est certain qu’on s’attend à ce que l’intelligence artificielle change la donne, dit Patrice Jean. Comment va-t-on l’adapter ? Comment l’intégrer ? C’est ce qui s’en vient. »
Miser sur ses particularités
Puisqu’elle entre davantage en concurrence avec d’autres industries pour recruter, l’industrie de l’assurance de dommages se doit de miser sur ce qui la différencie des autres pour attirer de la main-d’œuvre, affirment les quatre administrateurs.
Michel Lacelle donne en exemple le cas des experts en sinistre. « C’est un domaine très cyclique, qui va selon la météo. Ça rend le domaine attrayant pour certains. On n’en a toutefois pas suffisamment. La sécurité d’emploi est là ! On peut y réaliser une carrière extraordinaire, mais ça demeure méconnu. »
Avoir pied dans les maisons d’enseignements par le biais de la Coalition permet aussi d’aller chercher l’attention des étudiants, dont les nouveaux arrivants, dit Jean-François Desautels. « Les collèges en feront des experts. Le domaine permet ainsi à celui qui le veut de travailler à l’extérieur des grands centres. »
Carl Dubé renchérit en disant que ce genre d’avantages permet à l’industrie d’avoir de bonnes munitions pour recruter. Il en prend pour exemple les ingénieurs industriels, auxquels les assureurs ont recours. « On peut lui faire une offre intéressante, qui lui permettra de mener une carrière enrichissante. »
Lorsque vient le temps d’embaucher un scientifique des données (data scientist), il faut avant tout aller chercher la personne qui possède un diplôme dans ce champ d’expertise, dit M. Dubé. « Par la suite, on peut le développer à l’interne. Nous avons des compétences transversales qu’il peut acquérir. »
L’industrie aura toujours besoin de souscripteurs, dit Patrice Jean. Sa formation et son travail d’analyse sont toutefois appelés à se transformer, dit-il.
« Il devra développer une expertise pour analyser des bases de données ou apprendre à utiliser un système de gestion de la clientèle (CRM). Ça demande une éducation différente. Ça existe déjà un peu. Les avancées technologiques accéléreront cette transformation. Comme organisation, il nous faudra mettre plus de budgets vers ce type de facteurs. »
Jean-François Desautels rappelle que sa compagnie emploie maintenant un météorologiste. Il viendra peut-être un temps où elle embauchera un météorologiste par tranche de 100 représentants certifiés qu’elle emploie.
« C’est la nouvelle réalité ! Le représentant devra expliquer comment fonctionne Uber. On doit le promouvoir : lorsque tu travailles en assurance, tu touches à cela. Les jeunes disent que c’est plus cool qu’ils ne le pensaient de prime abord. »
Ce à quoi Patrice Jean ajoute que l’industrie générera des emplois différents de par la sophistication de l’industrie. Michel Lacelle relate que son entreprise Indemnipro, un expert en sinistre, embauche des experts en médias sociaux.
Carl Dubé convient que les rôles évoluent. « La souscription demeurera. Les compétences seront plus évoluées, en fonction des avancées technologiques. Il n’est toutefois pas certain que la société réussira à suivre au rythme que l’on va. »
Patrice Jean ajoute que si l’industrie ne faisait rien pour promouvoir ses professions, elle n’aurait tout simplement pas d’alternative. « Je suis confiant dans notre pouvoir d’attraction comme industrie. On retrouve de belles possibilités d’avancement de carrière dans notre domaine. L’offre globale est fort intéressante et on rémunère fort bien. »