Bien qu’ils saluent les amendements apportés au projet de loi 141, le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), la section québécoise de l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP-Québec), l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) et la Coalition des associations de consommateurs ont exprimé au Journal de l’assurance leurs inquiétudes face à l’encadrement de la vente de produits financiers par Internet.

Le projet de loi 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières, a été adopté le 13 juin, à deux jours de la fin de la session parlementaire. Le ministre des Finances Carlos Leitão a procédé à près de 400 amendements.

Des lacunes toujours présentes

Si la Coalition accueille favorablement le retrait de l’instauration d’un régime d’assurance de frais funéraires et l’abolition des deux Chambres, elle croit toutefois que des lacunes demeurent. « Il y a encore beaucoup de choses auxquelles on n’a pas pensé pour la protection du consommateur », affirme Jacques St-Amant, analyste à la Coalition. Il mentionne entre autres la vente d’assurance par Internet.

« Légalement, l’assuré doit tout divulguer au moment de la soumission d’une police. Traditionnellement, il y a un conseiller qui va l’aider à ne rien oublier. Avec la distribution en ligne, l’obligation de l’assuré reste, mais l’aide fournie disparait », ajoute l’analyste.

Le RCCAQ est du même avis. « Il faut proposer des balises claires. Il y a encore du travail à faire sur le plan règlementaire. Nous sommes pour une modernisation des cadres règlementaires, mais pas au détriment de la protection du consommateur. Maintenant que le projet de loi est adopté, tout le travail va se poursuivre sur ce volet-là », dit le président du RCCAQ, Christopher Johnson.

Règlements à venir

Lyne Duhaime, présidente d’ACCAP-Québec, se dit satisfaite du projet de loi « qui place le consommateur au centre de l’équation, notamment avec l’élargissement du fonds d’indemnisation, l’encadrement de la vente par Internet et l’exigence que seul un représentant certifié peut offrir de l’assurance ».

Elle ajoute toutefois qu’il y a quelques ajustements règlementaires à faire. Mme Duhaime prévoit entre autres que des précisions devront être apportées à certaines dispositions sur la vente d’assurance par Internet. « Des règlements viendront probablement s’ajouter et ajuster certaines parties de la loi. Il est très rare qu’un projet de loi de cette envergure ne subisse pas quelques ajustements. La loi n’est jamais parfaite », rappelle Mme Duhaime.

ACCAP-Québec se prépare à mettre la main à la pâte. « Nous allons continuer de travailler pour en arriver à ce que l’encadrement donne de bons résultats pour les consommateurs, les conseillers, et les assureurs, a-t-elle insisté. Pour que l’industrie fonctionne bien, tous doivent y trouver leur compte. »

Des zones grises

Pour la Coalition, la vente d’assurances en ligne a encore des zones grises. « Il y a un manque de distinction. Acheter une assurance voyage pour un weekend à New York ce n’est pas la même chose qu’acheter une assurance vie pour 500 000 $. Il manque d’encadrement. On a encadré l’assureur, mais pas le consommateur », affirme M. St-Amant.

« Nous ne sommes pas d’accord pour ce qui touche à la vente de produits d’assurance de dommages par Internet. Nous continuons à dire qu’il faut absolument la participation d’un conseiller certifié », ajoute M. Johnson.

Président de l’APCSF, Flavio Vani a renchéri : « Nous voulons que non seulement ce soit un représentant certifié qui vende un produit d’assurance, mais que ce soit aussi un représentant certifié qui donne des conseils. Car la vente se fait bien avant la conclusion de la transaction par une signature. C’est au moment où il reçoit des conseils que le consommateur prend sa décision. »

Mêmes règles pour tous

Le conseil sans permis indispose l’APCSF parce qu’il crée un double standard dans la distribution des produits d’assurance. « La loi ne nous accorde pas le conseil exclusif et ne spécifie pas qui peut parler des produits », déplore le président de l’APCSF, dont l’intention est de se mobiliser avec des groupes de consommateurs « pour amener plus de clarté dans la distribution ».

« Je m’inquiète du markéting et de la promotion qui sera faite sur les sites Web de vente d’assurance, même si vous ne pouvez acheter qu’avec un représentant certifié. Lorsque j’offre des conseils, j’engage ma responsabilité. Nous voulons que les choses soient claires, et que les règles de distribution soient les mêmes pour tous », insiste M. Vani.

Pas un enjeu électoral

Le RCCAQ ne croit pas que l’adoption du projet de loi 141 aura nécessairement une incidence sur les prochaines élections provinciales d’octobre. C’est plutôt la règlementation qui va jouer.

La Coalition exprime quant à elle avoir des attentes claires et prévoit interpeler les différentes formations politiques dans les prochains mois par rapport aux lacunes qu’elle perçoit.