La limitation de la subrogation de l’assureur, prévue dans le projet de loi 150, amène une contradiction à d’autres mesures contenues dans le texte proposé, a souligné Maxime Laflamme-Leblond, avocat pour le cabinet Papineau Avocats, lors du colloque printanier du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ).

Le projet de loi 150 ajoute l’article 1075.1 au Code civil du Québec, qui stipule qu’un « assureur ne peut être subrogé dans les droits du syndicat à l’encontre d’un administrateur, d’un copropriétaire ou d’une personne qui fait partie de la maison de ce dernier, à moins que le préjudice ne soit dû à une faute intentionnelle ou à une faute lourde »

La subrogation

En assurance, la subrogation est une opération par laquelle un assuré réclame des dommages causés par une tierce partie (par exemple, un autre copropriétaire) à son propre assureur, et qu’alors l’assureur se subroge aux droits de l’assuré pour réclamer l’indemnité payée à la personne responsable des dommages.

« L’article assimile toutes les personnes habitant la copropriété à une grande famille, donc si un copropriétaire, un administrateur ou une personne faisant partie de la famille de l’un de ceux-ci, l’article vient dire que l’assureur du syndicat ne peut pas réclamer son argent à la personne responsable d’un dommage sauf si la faute est intentionnelle ou lourde », a précisé Me Laflamme-Leblond. Il a toutefois ajouté que le syndicat pourrait poursuivre le responsable est récupérer ce que le dommage lui a couté.

Plus grand risque financier pour les assureurs

Or, le projet de loi 150 prévoit également que les assureurs doivent maintenir un niveau de franchise raisonnable, bien qu’aucun détail n’a été fourni à savoir ce qu’est une franchise raisonnable ou comment la calculer. Le gouvernement précisera ces modalités par voie de règlement une fois le projet de loi adopté.

Dans cette situation, les assureurs se trouvent à assumer un plus grand risque financier, sachant qu’ils devront payer des indemnités si un sinistre survient sans possibilité d’entamer des recours contre le copropriétaire responsable, a indiqué Me Laflamme-Leblond. « Les chances que l’assureur paie versus les chances qu’il récupère son argent sont déséquilibrées. Il y a beaucoup plus de chance que l’argent sorte de ses coffres qu’elle n’entre. »

Impact sur les primes d’assurance

L’avocat s’est également questionné à savoir quels seront les impacts possibles sur l’obligation d’avoir des franchises raisonnables. « Est-ce que la situation ne va pas se traduire par une hausse corrélative des primes d’assurance ? »

« Bien que l’article 1075.1 “codifie” en quelque sorte un usage qu’avaient les assureurs de ne pas se poursuivre entre eux, l’impact sera variable selon le sinistre, a ajouté Me Laflamme-Leblond en entrevue au Journal de l’assurance. C’est une chose que les assureurs ne se poursuivent pas entre eux pour un dégât d’eau de 5000 $, 10 000 $ ou même 15 000 $, mais dans le cas par exemple d’un sinistre sur plusieurs étages, les assureurs pourraient se retrouver avec un poids financier très lourd, sans pouvoir poursuivre le ou les responsables pour recouvrer au moins une partie de ce qu’ils auront payé à leur assuré. »

Nomination obligatoire d’un fiduciaire

Le projet de loi 150 rend également obligatoire la nomination d’un fiduciaire en cas d’une perte qualifiée d’importante selon des critères qui seront déterminés par règlement du gouvernement. Par contre, le projet de loi ne précise pas qui peut être déterminé comme fiduciaire. La seule description offerte mentionne qu’il doit être une personne physique capable d’exercer pleinement ses droits et d’être une personne morale autorisée par la loi.

« Il faut comprendre que la loi n’a pas cru bon de déterminer qui a les qualifications pour être fiduciaire. Il peut être déterminé soit par le conseil d’administration ou la déclaration de copropriété », a-t-il expliqué.

Me Laflamme-Leblond a alors suggéré que le fiduciaire soit impartial et indépendant, ait souscrit une assurance en responsabilité civile, soit membre d’un ordre professionnel, ait des compétences particulières et détienne des connaissances du droit et du milieu de la construction.