Le 8 octobre 2024, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi 68 (PL-68) visant à réduire la charge administrative des médecins de famille et des médecins spécialistes. Dix mois plus tard, la surveillance et la vérification des assureurs pour attester qu’ils ne dérogent pas aux dispositions de cette loi qui interdira certaines de leurs pratiques n’ont pas débuté, a constaté Le Portail de l’assurance.
Qu’en sera-t-il des mesures qui vont toucher les assureurs? Aucune des parties impliquées dans le déroulement des négociations n’a pu fournir de dates d’entrée en vigueur, les assureurs bénéficiant ainsi d’un sursis.
Il n’y a pas que ce volet majeur en attente. Certaines mesures sont en vigueur depuis le 1er janvier dernier, mais les règlements n’ont toujours pas été finalisés et publiés au moment d'écrire ces lignes, le 18 août 2025. Deux ministères, ceux du Travail et de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ainsi que Santé Québec sont impliqués dans le PL-68, ce qui complexifie sa mise en vigueur. Des discussions se poursuivent entre eux.
Malgré des échanges de courriels échelonnés sur une période de plus d’un mois avec ces trois intervenants, aucun n’a été en mesure de livrer au Portail de l’assurance à la mi-août un état précis du dossier et de répondre aux demandes de précisions touchant les responsabilités des assureurs.
Alléger les tâches administratives des médecins
Déposé par le ministre du Travail, Jean Boulet, en mai 2024, le projet de loi 68 vise à dégager les médecins de certaines tâches administratives afin qu’ils aient plus de temps en clinique à consacrer à leurs patients. Plusieurs de ses dispositions principales visent spécifiquement les compagnies d’assurance.
En substance, le PL-68 interdit à un assureur ou à un administrateur de régime d’exiger d’un assuré, d’un bénéficiaire ou d’un adhérent qu’il reçoive un service médical afin d’obtenir le versement de certaines prestations. La loi permet aussi au ministre de la Santé d’imposer l’utilisation d’un formulaire d’assurance qu’il déterminera lui-même.
Le projet de loi prévoit qu’un inspecteur autorisé pourra pénétrer dans tout lieu où un assureur ou un administrateur de régimes exerce ses activités, et exiger qu’il lui remette un rapport portant sur la conformité de ses pratiques vis-à-vis les billets médicaux.
En cas d’entorse, les contrevenants s’exposeront à des amendes s’élevant entre 10 000 et 1 000 000 de dollars.
Des dispositions qui tardent à venir
L’abolition des demandes de billets médicaux pour absences de trois jours et moins est en vigueur depuis le 1er janvier. D’autres articles majeurs touchent aussi les assureurs. Ces enjeux principaux sont :
- L’abolition des services médicaux jugés non nécessaires dans le processus de remboursement des intervenants couverts par les assureurs.
- L’abolition des rendez-vous médicaux non nécessaires pour les personnes indemnisées par un assureur.
- L’abolition des rendez-vous médicaux non nécessaires dans le processus de remboursement des aides techniques couvertes par les assureurs.
Tâche confiée à Santé Québec
La tâche de surveiller les assureurs a finalement été confiée à Santé Québec. Ce sont des inspecteurs de cette nouvelle entité qui devront se charger de ce travail de surveillance.
Or, ces enquêteurs n’étaient pas en poste à l’été 2025.
« Aucun inspecteur n’est nommé pour le moment pour voir à l’application de cette Loi, a indiqué Marianne Paquette, une porte-parole de Santé Québec, au Portail de l’assurance par courriel le 20 juin. L’Inspecteur national des services du domaine de la santé et des services sociaux, qui compte 54 postes d’inspecteur au total, pourrait être appelé à veiller à l’application de ces nouvelles dispositions lorsqu’elles seront en force. Ce point particulier devra toutefois faire l’objet de discussions. »
Plus récents développements
Le vendredi 15 août, le MSSS reconfirme au Portail de l’assurance qu’il est impliqué dans sa mise en œuvre, mais rappelle que le projet de loi est porté par le ministère du Travail. Il nous dirige donc vers lui pour obtenir réponse à certaines de nos demandes de précisions.
Trois jours plus tard, volte-face : le ministère du Travail indique au Portail de l’assurance que c’est plutôt le MSSS qui répondra à nos questions. Des discussions se sont tenues en haut lieu tard vendredi, nous explique-t-on, et il a finalement été convenu que c’est le ministère de la Santé qui sera le mieux placé pour répondre.
« Le processus et les étapes entourant le projet de loi se poursuivent selon nos plans, a finalement indiqué au Portail de l’assurance sa porte-parole le 18 août. Certains délais sont survenus, principalement en raison de discussions intergouvernementales et d’analyses juridiques toujours en cours. En effet, nous maintenons une collaboration étroite avec nos partenaires afin d’éviter toute incohérence réglementaire ou administrative suivant la publication des règlements. »
« Il n’est pas possible de confirmer une date d’entrée en vigueur pour le moment, a-t-elle ajouté. Ce dossier est une priorité pour le MSSS. Nous travaillons donc avec diligence pour que nos travaux avancent et se réalisent le plus rapidement possible. »