Au Québec, plus de 2 500 000 remorques sont immatriculées à travers la province, selon les plus récents chiffres de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). Les assureurs exigent de leurs propriétaires qu’elles soient munies d’un verrou de qualité pour réduire les risques de vol.
Mais que se passe-t-il quand une remorque et son contenu sont subtilisés même si elle était munie d’un dispositif antivol reconnu ? Un tribunal s’est récemment prononcé sur un cas du genre dans un jugement rendu le 15 novembre dernier.
Motomarines, remorque et verrou
En juillet 2018, un couple acquiert deux motomarines. La dame achète une remorque pouvant transporter les deux véhicules auprès d’un marchand spécialisé.
Elle se procure auprès du même commerçant un verrou de marque AMPLock conçu pour bloquer le levier de l’attelage. Ce système fait en sorte qu’on ne peut y insérer la boule d’arrimage. AMPLock est notamment recommandée par Beneva.
La propriétaire de la remorque souscrit une police auprès de la Société d’assurance Northbridge. La motomarine de l’homme est couverte pour 14 000 $ et la sienne, pour 9 739 $.
En juillet 2022, la remorque et les deux motomarines qu’elle contenait sont volées dans sa cour. La dame avise son assureur. Un expert en sinistre trouve sur place le reste du cadenas qui a été coupé à l’aide d’une meuleuse.
Northbridge refuse de rembourser la perte
Informé des résultats de son investigation, Northbridge refuse de rembourser la cliente, invoquant l’exclusion suivante contenue à sa police :
« Le présent contrat d’assurance n’assure pas les pertes ou dommages (…) causés par le vol de la motomarine assurée lorsque celle-ci se trouve sur une remorque à moins que la main de la remorque ait été neutralisée par un dispositif de verrouillage destiné spécifiquement à cette fin ».
L’assureur estime que le verrou posé ne répondait pas à cette exigence. À son avis, il aurait fallu que les propriétaires utilisent un verrou dont l’une des composantes s’insère dans le réceptacle du coupleur qui sert à arrimer la remorque au véhicule. Ne verrouiller que le levier est à ses yeux insuffisant.
Ses clients portent son refus devant la Cour du Québec, division des petites créances.
Le contrat s’interprète en faveur de l’adhérent
D’entrée de jeu, le juge Jean-Pierre Gervais rappelle un principe prépondérant : un contrat d’assurance est soumis aux règles générales prévues le Code civil du Québec qui dit ceci : « Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur ».
D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a établi à propos de l’interprétation des polices d’assurance le principe « que les dispositions concernant la garantie doivent recevoir une interprétation large et les clauses d’exclusion une interprétation restrictive ».
Les assurés se sont conformés à l’exigence
À propos de l’affaire qui lui est soumise, le juge Gervais rappelle ce n’est pas un cadenas standard qui avait été installé. Le verrou avait été acheté dans une entreprise spécialisée dans le domaine et il avait été conçu expressément pour empêcher le levier de l’accouplement de fonctionner.
Il est possible, ajoute le magistrat, qu’un autre dispositif aurait été encore plus efficace et plus difficile à contourner pour leurs voleurs, mais il ne fait aucun doute que celui de la dame était effectivement un dispositif de verrouillage destiné à neutraliser la main de la remorque.
« En l’absence d’exigence plus précise ou pointue de la part de l’assureur, dit le juge, on ne peut que conclure qu’une chose, soit que ses assurés se sont conformés à cette exigence ».
En conséquence, Northbridge s’est vu condamner à verser 13 500 $ en plus des intérêts à l’homme et 8 932 $ à la femme ainsi que les intérêts, en plus des frais de justice.