En cumulant les fautes professionnelles ou en établissant de façon erronée la valeur de reconstruction de l’immeuble d’un client, un courtier peut se faire sanctionner lourdement. Un jugement récent rendu par la Cour supérieure du Québec vient de le démontrer.

La société demanderesse est propriétaire d'un immeuble de trois étages, à Québec, dans lequel elle exploite un bar. Pour assurer son immeuble, elle fait affaire depuis 2006 avec le cabinet de courtage Lemay Assurances.

À la fin du mois de mai 2010, le défendeur Warren, courtier œuvrant au sein de Lemay Assurances à qui on avait confié le renouvellement de la police de la demanderesse, qui venait à échéance le 1er juin suivant, a communiqué avec les deux représentantes de sa cliente. Il les a rencontrées le 27 mai et, jouant son rôle de conseiller, a émis l'hypothèse que l'immeuble bénéficiait d'une couverture insuffisante. M. Légaré, un évaluateur agréé, a conclu que la valeur de reconstruction de l'immeuble était de 565 000 $.

Alors que le dossier de renouvellement a traîné, dans la nuit du 23 juillet 2010, et avant que les modifications aient été apportées à la police, un incendie a détruit l'immeuble. Sur la base de la police émise le 1er juin 2010 pour un montant de 424 000 $, les sommes versées par l'assureur ont été insuffisantes pour la reconstruction de l'immeuble. Les parties admettent que le cout de démolition et de reconstruction s'élève à 1 003 708 $. La demanderesse soutient que Lemay Assurances et le courtier ont failli à leurs obligations de courtier en n'agissant pas avec prudence et diligence. L'évaluateur a aussi failli à ses obligations.

La demanderesse réclame solidairement à Lemay Assurances et au courtier la somme de 224 701,52 $, laquelle représente la différence entre la somme retenue par l'évaluateur et la couverture d'assurance, ainsi que le dommage relié à la perte de revenus. Elle réclame en outre, aux trois défendeurs cette fois, la somme de 233 865,36 $, laquelle représente le montant entre la valeur de remplacement qui aurait dû être établie par l'évaluateur et celle retenue par lui, ainsi que les frais de démolition.

Même si leur intensité varie, cinq fautes professionnelles consécutives ont été commises dans ce dossier. « Les fautes sont d'autant plus graves que, à chacune des étapes, si le courtier avait pris conscience de ses erreurs, il aurait fait davantage attention lors de son intervention suivante », indique le jugement, porté à l’attention du Journal de l’assurance par la firme Charbonneau avocats conseils.

En se rendant compte qu'il prenait contact tardivement avec l'assurée, il aurait dû être porté à accélérer ses actions. En se rendant compte que, par sa faute, l'évaluateur n'avait pas reçu mandat avant le 22 ou le 23 juin, il aurait dû demander à ce dernier de se dépêcher. Chose certaine, il n'aurait pas dû omettre d'assurer un suivi le 6 juillet. S'il avait été conscient du fait que ce dossier devenait urgent par le passage du temps, il aurait aussi posé des gestes entre le 6 et le 20 juillet. En recevant le rapport le 20 juillet, ce dossier aurait dû devenir prioritaire pour lui, compte tenu de la négligence évidente avec laquelle il avait été traité.

Le courtier n'a donc pas agi comme un représentant d'assurances raisonnablement prudent et diligent, a statué la Cour. De son côté, l'évaluateur aurait normalement dû indiquer que la reconstruction de l'immeuble était évaluée à 714 845,14 $ (et non 565 000 $). Il aurait dû, de plus, évaluer les frais de démolition et les frais de mise aux normes ou, sinon, au moins indiquer dans son rapport que ces frais n'étaient pas inclus.

La demande est donc accueillie à l'égard du courtier et de Lemay Assurances, jusqu'à hauteur de la somme précitée, avec dépens, incluant les frais de l'expert en demande, lesquels s'élèvent à 13 287,52 $. Quant à la demande dirigée contre l'évaluateur, elle est rejetée, mais ce dernier devra payer lui-même les frais de son expert (4 512,77 $), car il a entendu lors des plaidoiries pour admettre ses fautes.